N° 804
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à mieux accompagner les trois premiers mois de grossesse,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Christelle D’INTORNI, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, Mme Hanane MANSOURI, Mme Sophie RICOURT VAGINAY,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis trop longtemps, un voile pudique couvre la souffrance subit par les femmes durant les trois premiers mois de grossesse qui demeurent, encore aujourd’hui, un véritable tabou social en France.
Plusieurs facteurs mortifères contribuent à le cultiver comme le risque d’interruption précoce de la gestation, l’invisibilité de la grossesse ou encore la volonté de protéger l’entourage familial.
Force est de constater le terrible décalage entre la vulnérabilité physique et psychologique des femmes enceintes au premier trimestre et le niveau quasi inexistant de prise en charge et d’accompagnement.
Pourtant, le premier trimestre n’est pas résiduel dans le chemin de la grossesse tant il est vrai que les symptômes physiques et psychologiques apparaissent d’ores et déjà. Fatigue extrême, nausées, vomissements, sont autant de symptômes majeurs qui ont des conséquences quotidiennes pour les femmes en début de grossesse.
Dans un baromètre OpinionWay, 7 femmes sur 10 indiquent avoir souffert de nausées ou de vomissements pendant leur grossesse et, pour un cas sur deux, ces troubles durent tout le premier trimestre.
La réalité est que la situation sanitaire périnatale de la France se dégrade depuis une dizaine d’années et occupe aujourd’hui une place peu enviable dans les classements internationaux.
Alors que l’état de santé des mères se détériore et que le nombre de grossesses à risques augmente, la mortalité néonatale progresse également.
Cette situation perdure et devient désormais indigne de notre pays. Elle atteste non seulement d’un manque de prise en charge mais aussi de considération au sein de la société en faveur de la condition des femmes durant ces premiers mois de gestation.
Au fond, seul un « certificat de grossesse » remis à partir de l’échographie dite « des trois mois » permet, à ce titre, une prise en charge intégrale des frais de santé. En revanche, avant ce cap des trois mois, les femmes sont réduites à subir silencieusement une réorganisation complète de leur corps
Cela, sans compter la pression sociale à laquelle sont confrontées les femmes au début de leur grossesse.
En effet, celle‑ci étant susceptible de s’arrêter à n’importe quel moment, les femmes ne se sentent, par conséquent, pas légitimes de demander à être accompagnées ou ne serait‑ce qu’à en parler.
De la même manière, cette question demeure écartée du monde du travail alors que le rapport au travail est singulièrement préoccupant lors des premiers mois de grossesse, avec l’impossibilité d’exercer pleinement une activité professionnelle tout en subissant des symptômes de vomissement ou de fatigue extrême.
À ce titre, 62 % des femmes seraient favorables à une déclaration de grossesse avant le troisième mois afin de permettre des aménagements professionnels comme une augmentation des plages de télétravail ou le remplacement sur certaines tâches.
Dans le même esprit, la prise en charge partielle de l’assurance maladie durant cette période est révélatrice puisqu’elle ne rembourse seulement à 70 % les deux premières échographies réalisées avant la fin du cinquième mois de grossesse.
Par ailleurs, le manque de recherches médicales constitue une autre cause qui explique cette situation déplorable tant le manque de prise en considération des phénomènes précités par la science est manifeste.
D’une part, suite aux travaux de notre ancienne collègue, Mme Paula Forteza qui a recueilli de nombreux témoignages de femmes et formulé de nombreuses propositions. Et, d’autre part, le Parlement a adopté, l’année dernière, une proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche. Au surplus, le Sénat a mené au premier semestre 2024 une mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.
Pour toutes ces raisons, la présente proposition de loi vise donc à améliorer l’acceptation au sein de la société des trois premiers mois de grossesse et leur prise en charge par l’État afin de permettre aux femmes de vivre plus sereinement cette période.
À cette fin, l’article 1er vise à étendre la prise en charge des frais médicaux dès le début de la grossesse et non plus à compter du 3e mois.
Par conséquent, la déclaration de grossesse qui permet ladite prise en charge pourra être réalisé, à l’initiative de la femme enceinte, dès le premier jour de grossesse.
De la même manière, le décret n° 2015‑1882 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de prise en charge des frais de santé en cas de maladie ou de maternité des bénéficiaires de la protection universelle maladie sera modifié.
Les articles 2 et 3 prévoient un aménagement des conditions de travail pour les femmes enceintes durant les 3 premiers mois de leur grossesse tel que le télétravail ou la possibilité de changer de poste.
De plus, l’article 4 introduit un congé légal de 3 jours lorsqu’une femme subit une fausse couche.
Enfin, l’article 5 instaure un fonds de solidarité au profit des femmes enceintes qui exercent une profession libérale ou indépendante.
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proposition de loi
Article 1er
L’article L. 160‑9 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, les mots : « au cours d’une période définie par décret » sont remplacés par les mots : « dès le premier jour de la grossesse et durant toute la période qui précède la date présumée de l’accouchement » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’accouchement a lieu avant le début de cette période, l’assurance maternité prend en charge l’ensemble des frais mentionnés ci‑dessus à compter de la date d’accouchement et jusqu’à l’expiration de ladite période. »
Article 2
L’article L. 1225‑7 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « emploi », sont insérés les mots : « dès son premier jour de grossesse » ;
2° À l’avant‑dernier alinéa, après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « peut débuter dès le premier jour de grossesse. Celle‑ci ».
Article 3
Après l’article L. 1225‑7 du code du travail, il est inséré un article L. 1225‑7‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1225‑7‑1. – À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222‑9, la salariée enceinte bénéficie du télétravail à raison d’au moins trois jours par semaine dès son premier jour de grossesse. »
Article 4
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 3142‑1 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. »
2° Après le 6° de l’article L. 3142‑4, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Trois jours pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. »
Article 5
Il est institué un fonds de solidarité en faveur des femmes enceintes qui exercent une profession libérale ou indépendante.
Ce fonds a pour mission d’aider, sans délai, les femmes enceintes, dès leur premier jour de grossesse, si leur état de santé exige de diminuer ou d’interrompre totalement leur activité.
Dans ce cadre, le montant de l’aide octroyée est évalué en fonction de la baisse du chiffre d’affaires de la professionnelle concernée.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
Article 6
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.