N° 811

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire dans l’espace public le port par un mineur de tout habit ou vêtement manifestant ou symbolisant l’infériorité de la femme sur l’homme,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Constance LE GRIP, Mme Christine LE NABOUR, Mme Delphine LINGEMANN, M. Nicolas METZDORF, Mme Laure MILLER, M. Charles RODWELL, Mme Caroline YADAN,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’égalité entre les femmes et les hommes est un principe fondamental, inscrit dans la Constitution française et réaffirmé par de nombreux engagements internationaux et européens. Elle constitue une valeur essentielle de notre société, garantissant à chaque individu, indépendamment de son genre, les mêmes droits et la même dignité.

Cependant, certaines pratiques observées dans l’espace public, en particulier lorsqu’elles concernent les mineurs, remettent en cause ce principe d’égalité. Le port de certains habits ou vêtements, souvent ancrés dans des traditions religieuses ou culturelles, peut en effet véhiculer l’idée d’une infériorité de la femme par rapport à l’homme. Cette différenciation injuste entre les filles et les garçons, imposée dès le plus jeune âge, porte atteinte à la dignité des enfants, en particulier des filles, et contrevient à la promesse républicaine d’égalité des chances.

Ces pratiques sont contraires aux valeurs de la République et menacent le développement personnel et cognitif des enfants, en les soumettant à une vision stéréotypée des rôles de genre. Elles sont en contradiction avec les principes fondamentaux de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989. En particulier, ces pratiques violent :

– Le principe de non‑discrimination, puisqu’elles introduisent une différenciation de traitement entre filles et garçons.

– Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, en faisant primer des prescriptions religieuses ou culturelles sur l’épanouissement individuel.

– Le droit de l’enfant à un développement harmonieux, en freinant leur émancipation et leur capacité à se construire librement.

– Le respect des opinions de l’enfant, en imposant des rôles genrés sans prise en compte de sa volonté ou de son évolution.

Aussi, cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre juridique cohérent avec nos engagements européens puisque l’arrêt Dahlab c. Suisse, rendu le 25 mai 1993 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), a souligné dans son arrêt « la difficulté de concilier le port de certains symboles religieux, comme le foulard, avec le principe d’égalité de traitement entre les sexes ».

Le présent texte vise à interdire dans l’espace public le port par des mineurs de tout habit ou vêtement dont la symbolique ou l’imposition explicite ou implicite traduit l’infériorité de la femme par rapport à l’homme. Sont visés les vêtements qui marquent une différenciation genrée, reposant sur une conception inégalitaire des relations entre les sexes, qu’elle soit religieuse, culturelle ou coutumière. Ces symboles d’assujettissement sont incompatibles avec les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité.

Cette proposition de loi s’inscrit également dans une logique éducative. Il ne s’agit pas simplement d’interdire mais de garantir que chaque enfant puisse grandir et se développer dans un environnement protégé de toute forme de pression, qu’elle soit religieuse, culturelle ou communautaire. L’interdiction proposée vise à protéger les enfants contre toute forme d’endoctrinement ou de soumission à des pratiques qui les priveraient de la pleine jouissance de leurs droits fondamentaux. Le développement de la citoyenneté éclairée et émancipée repose sur une éducation à l’égalité et au respect mutuel.

Cette loi, en interdisant le port de ces habits, s’inscrit dans la continuité de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

Par son article unique, cette proposition de loi s’inscrit donc dans la continuité de la défense de la laïcité, de l’égalité entre les sexes, et de la protection des droits fondamentaux des enfants, piliers essentiels de la société française. En préservant ces principes, la République française réaffirme son engagement en faveur d’une citoyenneté fondée sur l’égalité et le respect mutuel.

 


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proposition de loi

Article unique

Le chapitre III du titre Ier de la loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République est complété par un article 35‑1 ainsi rédigé :

« Art. 351.– I. – Est prohibé dans l’espace public le port, par un mineur, de tout habit ou vêtement manifestant ou symbolisant l’infériorité de la femme sur l’homme.

« II. – Pour l’application de cet article, l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public.

« III. – Le fait pour un parent ou un tuteur légal d’autoriser à son enfant ou celui dont il a la charge, le port, dans l’espace public, tout habit ou vêtement symbolisant de la femme sur l’homme est puni des mêmes peines que celles prévues par l’article 29 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État. »