N° 815

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à réduire le montant de l’aide juridictionnelle et de l’aide à l’intervention de l’avocat à due proportion du nombre de condamnations délictuelles et criminelles, tout en précisant la notion de résidence habituelle en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Robert LE BOURGEOIS, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Michèle MARTINEZ, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, Mme Marie-France LORHO, M. Antoine VILLEDIEU, Mme Hanane MANSOURI, Mme Véronique BESSE, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Romain BAUBRY, M. Jonathan GERY, M. Marc CHAVENT, M. Thibaut MONNIER, Mme Géraldine GRANGIER,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’aide juridictionnelle est un dispositif de prise en charge par l’État des frais liés à une procédure juridictionnelle ou nécessitant la présence d’un avocat, au bénéfice des personnes dont les ressources sont insuffisantes. Ces frais correspondent essentiellement à la rétribution des avocats assistant ces personnes. Le montant versés aux avocats au titre de l’aide juridictionnelle (497,8 millions d’euros) et de l’aide à l’intervention de l’avocat (105,5 millions d’euros) s’élève au total à 603,3 millions d’euros en 2023.

Pour ce qui concerne 2025, les projections des crédits budgétaires consacrés à l’aide juridictionnelle sont estimés à 661 millions d’euros, soit une progression annuelle de 2,5 millions (+0,4 %).

L’aide à l’intervention de l’avocat connaît également une tendance à la hausse : 105,5 millions d’euros en 2023 contre 61 millions d’euros en 2020, soit une augmentation des dépenses de 44,5 millions d’euros (+ 73 %). Cette aide est accordée à la personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, qu’elle soit mise en cause ou victime, notamment dans les procédures d’audition, confrontation, d’enquête ou de garde à vue.

Tout en répondant à une exigence de justice sociale, des mesures nouvelles sont nécessaires afin de maitriser ces hausses tendancielles du budget de l’aide juridictionnelle et de l’aide à l’intervention de l’avocat. C’est l’objectif de cette proposition de loi.

Il s’agit non seulement de contenir la hausse continue de ce poste budgétaire mais aussi de lutter contre les abus relatifs aux attributions de ces aides. Ainsi, dans un contexte de massification du contentieux, il semble impératif de responsabiliser davantage les individus qui sollicitent la solidarité nationale dans la prise en charge de leurs frais judiciaires. En 2020, 166 condamnés pour crime et 48 700 condamnés pour délit étaient en état de récidive légale. De plus, 90 200 autres condamnés pour délit sont en état de réitération. Aussi, 42 % des personnes condamnées en 2020 sont en état de récidive ou de réitération. Aujourd’hui, cet état de fait n’emporte aucune conséquence sur le bénéfice de l’aide juridictionnelle et de l’aide à l’intervention de l’avocat.

En outre, pour les personnes de nationalité étrangère - qu’elles soient en situation régulière ou irrégulière - la proposition de loi vise à préciser la notion de « résidence habituelle » sur le territoire français en la conditionnant à une durée minimale de 6 mois dans les 12 mois précédant la demande d’aide juridictionnelle. Cette proposition de loi ne fait aucune différence de traitement en fonction de la situation de la personne étrangère et se conforme ainsi à la décision du Conseil Constitutionnel (M. Diabe S. et autres [Exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l’aide juridictionnelle] n° 20241091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024). Par exception, cette condition n’est pas requise pour les mineurs étrangers, étant donné leur vulnérabilité particulière.

Il en résulte que, par le biais de son article 1er, cette proposition de loi vise à réduire le montant de l’aide juridictionnelle à due proportion du nombre de condamnations délictuelles et criminelles. Cela représenterait une réduction d’au moins 21 % des crédits budgétaires alloués à l’action 01 « Aide juridictionnelle » du programme 101 « Accès au droit et à la justice » soit une économie de dépense pour l’État de plus de 138,8 millions d’euros si l’on considère le budget prévisionnel 2025.

Dans son article 2, la proposition de loi apporte une clarification en réduisant les multiples exceptions, législatives ou jurisprudentielles, qui ont vidé le dispositif initial de son sens, enlevant à la condition actuelle de « résidence habituelle » en France toute efficacité : la proposition de loi vient réaliser cette mise en cohérence nécessaire.

Dans son article 3, la proposition de loi vient également encadrer l’octroi de l’aide à l’intervention de l’avocat, sur le modèle de ce qui ait proposé pour l’aide juridictionnelle, en réduisant son montant à due proportion du nombre de condamnations délictuelles et criminelles de la personne bénéficiaire.

Cette mesure s’inscrit dans une volonté de justice sociale et de bonne utilisation des deniers publics, sans revenir sur le principe fondamental du libre droit d’accès à la justice.

 


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proposition de loi

Article 1er

Après l’article 7 de la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 7‑1 ainsi rédigé :

« Art. 71. – Par exception au montant de l’aide juridictionnelle auquel peut prétendre une personne n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation délictuelle ou criminelle, le montant de cette aide auquel peut prétendre une personne ayant fait l’objet de condamnations délictuelles ou criminelles est divisé par un, plus la somme de ses condamnations délictuelles et criminelles dans les dix années précédant la demande. »

Article 2

L’article 3 de la loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « résidant habituellement en France » sont supprimés ;

b) À la fin, sont ajoutés les mots : « , à condition d’avoir résidé habituellement en France pendant une durée minimale de 6 mois dans les 12 mois précédant la demande » ;

2° Le troisième alinéa est supprimé ;

3° L’avant‑dernier alinéa est ainsi rédigé : « Par exception à l’alinéa précédent, l’aide juridictionnelle est accordée sans condition de résidence aux étrangers mineurs. » ;

4° À la fin du dernier alinéa, les mots : « qui résident habituellement en France » sont remplacés par les mots : « , à condition d’avoir résidé habituellement en France pendant une durée minimale de 6 mois dans les 12 mois précédant la demande. »

Article 3

Après l’article 11‑2 de loi n° 91‑647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 11‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. 1121. – Par exception au montant de l’aide à l’intervention de l’avocat auquel peut prétendre une personne n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation délictuelle ou criminelle, le montant de cette aide auquel peut prétendre une personne ayant fait l’objet de condamnations délictuelles ou criminelles est divisé par un, plus la somme de ses condamnations délictuelles et criminelles dans les dix années précédant la demande. »