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N° 837

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer les mobilités quotidiennes des jeunes dans les territoires ruraux,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Delphine LINGEMANN, M. Antoine ARMAND, M. Olivier BECHT, M. Thierry BENOIT, M. Philippe BOLO, M. Nicolas BONNET, M. Ian BOUCARD, M. Hubert BRIGAND, M. Joël BRUNEAU, Mme Françoise BUFFET, M. Michel CASTELLANI, M. Jean-René CAZENEUVE, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Josiane CORNELOUP, M. Laurent CROIZIER, M. Romain DAUBIÉ, Mme Julie DELPECH, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Philippe FAIT, M. Olivier FALORNI, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, M. Jean-Marie FIÉVET, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Moerani FRÉBAULT, M. Philippe GOSSELIN, Mme Olivia GRÉGOIRE, M. Jean-Carles GRELIER, Mme Justine GRUET, M. Sébastien HUYGHE, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Sandrine JOSSO, M. Loïc KERVRAN, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Pascal LECAMP, M. Emmanuel MANDON, M. Stéphane MAZARS, M. Laurent MAZAURY, Mme Sophie METTE, M. Nicolas METZDORF, M. Hubert OTT, Mme Sophie PANTEL, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Christophe PLASSARD, M. Dominique POTIER, M. Richard RAMOS, M. Nicolas RAY, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Franck RIESTER, M. Charles RODWELL, Mme Anne-Sophie RONCERET, M. Xavier ROSEREN, M. Jean-François ROUSSET, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Stéphane VIRY, M. Lionel VUIBERT,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mobilité est un enjeu crucial pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes en milieu rural. Les difficultés d’accès aux transports, qu’ils soient individuels ou collectifs, constituent encore trop souvent un frein majeur à l’accès à l’enseignement et à l’emploi mais aussi, plus globalement, à la culture, aux loisirs et aux services essentiels pour de nombreux jeunes résidant dans les territoires ruraux.

Une étude de mai 2024 réalisée de l’institut Terram en collaboration avec Rura révèle ainsi que 38 % des jeunes ruraux en recherche d’emploi disent avoir déjà renoncé à passer un entretien en raison de difficultés de déplacement, soit deux fois plus que leurs homologues urbains (19 %). 30 % des jeunes ruraux ont déjà dû renoncer à se rendre sur leur lieu d’étude en raison de difficultés de déplacement. Cette situation a aussi des conséquences importantes sur leur vie quotidienne. 57 % des jeunes issus des territoires ruraux très peu denses, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), disent avoir déjà renoncé à pratiquer des activités culturelles et de loisirs à cause des contraintes de mobilité.

Les kilomètres impactent le quotidien des jeunes ruraux, qui doivent composer avec un temps de trajet bien supérieur aux jeunes urbains. Les jeunes de plus de 18 ans, lorsqu’ils sont de communes très peu denses, passent en moyenne 2 heures 37 dans les transports chaque jour, soit 42 minutes de plus que pour les jeunes urbains majeurs.

À cette problématique s’ajoute une offre de transports en commun insuffisante. Selon l’étude de l’Institut Terram, 53 % des jeunes ruraux déclarent être mal desservis par le réseau de bus et 62 % par le train. Avec un constat indéniable : les jeunes issus de la ruralité sont dépendants, dans leurs déplacements, à la voiture individuelle. Ce mode de transport est utilisé quotidiennement par 69 % des jeunes ruraux, contre 31 % des urbains. Mais utiliser une voiture individuelle creuse les inégalités territoriales, avec des coûts supérieurs (achat, entretien, carburant) pour les jeunes ruraux qui dépensent en moyenne de 528 euros par an contre seulement 307 euros pour les jeunes urbains.

Les politiques publiques relatives à la mobilité des jeunes ont longtemps privilégié une approche favorisant l’exode rural, considérant que l’amélioration des opportunités pour les jeunes passait nécessairement par leur départ vers les zones urbaines. Cette proposition de loi rompt avec cette vision et adopte une perspective radicalement différente. Elle vise à faciliter les mobilités quotidiennes des jeunes qui choisissent de vivre et de s’épanouir dans les territoires ruraux. Elle a pour objectif de réduire les inégalités territoriales en matière de mobilité dans l’objectif d’offrir aux jeunes ruraux les mêmes opportunités que leurs homologues urbains.

Le titre Ier entend remédier à l’absence de prise en compte des contraintes de mobilité spécifiques dans les territoires ruraux par les dispositifs de solidarité nationale à destination des jeunes. Le titre II vise à renforcer la prise en charge de la mobilité des jeunes ruraux par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

L’usage de la voiture étant indispensable dans ces territoires, l’article 1er précise ainsi que l’aide au permis de conduire versée par l’État aux apprentis qui en font la demande est modulée en fonction du lieu de résidence du bénéficiaire.

Outre les critères sociaux, l’article 2 ajoute les contraintes de mobilité quotidienne des étudiants des territoires ruraux aux critères pris en compte dans la détermination des bourses versées aux étudiants par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires.

L’article 3 inclut les jeunes résidant dans les communes rurales parmi les bénéficiaires des services de mobilité solidaires et des aides individuelles à la mobilité, dont la gestion est assurée par les AOM. L’article 4 fait de même en ce qui concerne les services d’intérêt régional dont la région est l’autorité organisatrice.

Dans le but de renforcer l’offre de covoiturage dans les territoires ruraux, l’article 5 ajoute la densité des communes de départ et d’arrivée dans les critères d’attribution des allocations versées par les AOM aux personnes qui proposent du covoiturage.

L’article 6 précise que le plan de mobilité simplifié (PDMS) ‑ qui a notamment succédé au plan de mobilité rural, après l’adoption de la loi d’orientation des mobilités (LOM) en 2019 ‑ prend en compte les besoins spécifiques des jeunes âgés de 16 à 25 ans et résidant dans les territoires ruraux pour accéder à l’enseignement et à l’emploi.

L’article 7 assure la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

TITRE Ier

Adapter la solidaritÉ nationale À destination des jeunes aux contraintes des mobilitÉs quotidiennes dans la ruralitÉ

Article 1er

L’article L. 6123‑14 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° La modulation du montant de l’aide au permis de conduire mentionnée à l’article L. 6123‑5 du présent code en fonction du lieu de résidence du bénéficiaire. »

Article 2

Le premier alinéa de l’article L. 821‑1 du code de l’éducation est complétée par une phrase ainsi rédigée : « La collectivité nationale tient également compte des contraintes de mobilité des étudiants résidant dans une commune peu dense ou très peu dense, selon la grille communale de densité établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques, afin de réduire les inégalités territoriales. »

TITRE II

Renforcer la prise en charge des mobilitÉs quotidiennes des jeunes ruraux par les autoritÉs organisatrices de la mobilitÉ

Article 3

Au 6° du I de l’article L. 1231‑1‑1 du code des transports, après la troisième occurrence du mot : « mobilité », sont insérés les mots : « des personnes âgées de 16 à 25 ans résidant dans une commune peu dense ou très peu dense selon la grille communale de densité établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques, ».

Article 4

Au 6° du I de l’article L. 1231‑3 du code des transports, après la troisième occurrence du mot : « mobilité », sont insérés les mots : « des personnes âgées de 16 à 25 ans résidant dans une commune peu dense ou très peu dense selon la grille communale de densité établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques, ».

Article 5

Le troisième alinéa de l’article L. 1231‑15 du code des transports est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les critères de versement de cette allocation aux conducteurs et aux passagers prennent notamment en compte la densité de population des communes de départ et d’arrivée. »

Article 6

Au 2° de l’article L. 1214‑2 du code des transports, après la seconde occurrence du mot : « et », sont insérés les mots : « , en prenant en compte les besoins spécifiques des personnes âgées de 16 à 25 ans pour accéder à l’enseignement et à l’emploi ».

TITRE III

Dispositions diverses

Article 7

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.