N° 889
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la transparence de l’information relative à la commercialisation des voitures électriques et à la distribution d’énergie,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-Pierre TAITE, M. Thibault BAZIN, M. Hubert BRIGAND, M. Joël BRUNEAU, Mme Josiane CORNELOUP, M. Corentin LE FUR, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Alexandra MARTIN, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Christelle PETEX, M. Alexandre PORTIER, M. Nicolas RAY, M. Romain DAUBIÉ, M. Eric LIÉGEON, Mme Sylvie BONNET, M. Fabrice BRUN, M. Vincent JEANBRUN, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Stéphane VIRY, M. Philippe JUVIN, M. Vincent DESCOEUR, M. Olivier MARLEIX,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au cours des cinq dernières années, les constructeurs automobiles ont déployé une large offre de voitures 100 % électriques (VE ou BEV pour battery electric vehicle, à distinguer des véhicules électrifiés, qui incluent tous les hybrides, légers ou pas, rechargeables ou pas). Fin 2024, on comptait environ 150 modèles n’existant qu’en version électrique ou proposant une variante électrique, au côté d’autres motorisations (ils étaient moins de 30 en 2019 et c’est le double d’il y a deux ans !).
Cette multiplication s’est évidemment traduite par une forte progression des ventes : + 580 % en cinq ans, soit 42 800 immatriculations de voitures électriques en 2019 et 290 600 à fin 2024 (source : NGC Data – Autoactu). Cette croissance s’explique aussi, bien sûr, par les incitations fiscales, les subventions nationales ou locales et la pression du réseau de distribution, évidemment encouragé – voire récompensé via des primes – par les constructeurs. La part de marché des 100 % électriques reste cependant, en 2024, sous la barre des 17 %.
La bascule technologique ne s’effectue donc pas du jour au lendemain, même si les échéances de 2025, notamment liées au respect de la norme CAFE (corporate average fuel economy) européenne, sous‑tendent que la part des véhicules 100 % électriques devrait atteindre un quart des ventes de voitures neuves en France. Du côté des acheteurs, de nombreuses réserves persistent, d’autant que les véhicules électriques n’offrent pas les mêmes prestations que les thermiques (autonomie réduite, problèmes de recharge même si le nombre de points de recharge semble aujourd’hui suffisant, valeur de revente peu lisible… et surtout prix très nettement supérieur).
Toutefois, d’autres failles, très concrètes, pouvant mener les acheteurs à reporter leur achat, voire à y renoncer, ont été répertoriées par la ligue de défense des conducteurs. Celles‑ci concernent des déficits d’information, un certain flou dans la communication des constructeurs, ainsi qu’un manque de transparence dans les tarifs de l’énergie délivrée. Notre attention se porte surtout sur l’information des particuliers, qui représentent 65 % des acheteurs de voitures électriques neuves en 2024, alors qu’ils ne constituent que 46,4 % des acheteurs de voitures neuves toutes énergies confondues.
Dans ces conditions, il est essentiel de garantir une parfaite transparence lors de la transaction, qu’elle consiste à acquérir une voiture électrique ou à simplement « faire le plein de watts » dans les stations‑service ou tout autre réseau permettant de recharger son véhicule.
– Du côté des constructeurs :
1. Obligation légale pour les constructeurs/vendeurs d’informer les acheteurs sur le temps de recharge à 100 %
Dans l’immense majorité des cas, les acheteurs repartent avec une seule information concernant le temps de charge de leur nouvelle voiture électrique : le nombre de minutes nécessaire pour recharger à 80 % par une température extérieure de 20 degrés (ces données fluctuant selon la température). Or, en général, il faut autant de temps pour passer de 10 % (charge minimale le plus souvent citée) à 80 % que de 80 à 100 %. Par exemple, pour recharger une Renault Mégane e‑Tech de 10 à 80 %, il faut 37 minutes. Puis, de 80 à 100 %, 38 autres minutes…
Cette donnée est particulièrement importante lorsqu’on circule sur autoroute, puisqu’on roule plus vite (à 130 km/h, la consommation d’électricité augmente grandement et les clients en sont rarement conscients) et plus loin. Se priver de 20 % de recharge pour gagner ce long temps de charge au‑delà de 80 % dégrade d’autant l’autonomie, ce qui débouche sur davantage d’arrêts pour « faire le plein » …
Dès lors, en complément de la donnée « temps de recharge à 80 % à 20 degrés », une vraie politique de transparence consistera à donner également le temps de recharge à 100 %, par 20 degrés aussi, pour faciliter les choses. Cette donnée permettra de savoir si le véhicule est adapté à notre usage (autoroute fréquente ou autoroute pour les vacances notamment).
2. Obligation d’indiquer la capacité batterie utilisable plutôt que la capacité totale
Tous les constructeurs ne communiquent pas la « capacité batterie » en kWh, qui serait l’équivalent de l’information « contenance du réservoir » pour les véhicules thermiques. Par ailleurs, ceux qui divulguent cette information le font souvent en donnant la capacité « brute », sachant que la capacité « utilisable » est en fait sensiblement inférieure. Peugeot ouvre la voie, annonçant avec transparence par exemple pour son e‑208 d’entrée de gamme (136 ch) une batterie dont la « capacité brute [est] de 51 kWh pour 48,1 kWh utilisables ». L’information est d’importance, car sur autoroute on ne recharge généralement que de 10 à 80 % de cette capacité utile pour ne pas perdre trop de temps, soit 70 % de la capacité réellement utilisable dans cet usage.
Aussi, convient‑il de rendre obligatoire l’information « capacité batterie utilisable » en kWh, permettant de déduire l’autonomie réelle utilisable.
3. Obligation de communiquer clairement sur la garantie vieillissement de la batterie
Acheter une voiture électrique, c’est bénéficier de deux garanties : l’une sur le véhicule (courant sur 2 à 7 ans selon les marques, avec ou sans kilométrage limité), l’autre sur la batterie. Pour cette dernière, la garantie la plus courante est la suivante : au terme de 8 ans d’utilisation ou 160 000 km, la capacité « résiduelle » garantie est de 80 % de la capacité initiale. Mais les termes précis de cette garantie ne sont pas obligatoirement publiés, alors qu’ils sont déterminants, surtout lorsqu’on achète sa voiture électrique d’occasion.
Dès lors, est‑il souhaitable de demander aux constructeurs, par engagement contractuel, de communiquer la durée garantie de la batterie (et/ou le nombre maximum de kilomètres à parcourir pour bénéficier de cette même garantie), idéalement rapportée à la capacité de batterie utilisable…
– Du côté du réseau de distribution d’énergie
4. Obligation d’affichage du prix « normal » du kWh dans les points de vente
Le règlement AFIR (alternative fuel infrastructure regulation), publié au Journal officiel européen le 22 septembre 2023 et entré en application le 13 avril 2024, porte notamment sur l’affichage et la transparence du prix de la recharge et des moyens de paiement.
Ce règlement précise ainsi que désormais, le prix par kWh doit être communiqué à l’utilisateur « avant le démarrage d’une session de recharge », quel que soit l’opérateur. Cette obligation de transparence avait un caractère urgent : en effet, une enquête Ipsos pour l’Avere (association pour le développement de la mobilité électrique) d’avril 2024 révélait que 50 % des conducteurs de VE interrogés sur les conditions tarifaires des bornes de recharge estiment que celles‑ci ne sont « pas assez explicites ».
S’il va devenir plus aisé d’accéder au prix du kWh avant de démarrer une recharge (quoique des efforts restent à faire), il n’en reste pas moins que le règlement n’impose cette transparence qu’une fois devant la borne. Ses termes ne laissent place à aucune ambiguïté : « Par affichage, il faut comprendre que le prix doit être visible directement sur la station de recharge (par exemple sur l’écran ou avec un autocollant apposé sur la station). »
Il n’existe donc à ce jour aucune obligation d’informer l’utilisateur avant que celui‑ci ne parvienne devant la borne.
Or, la réglementation sur l’affichage des prix des carburants s’appliquant aux stations‑service impose que « le prix de vente au détail des carburants [fasse] l’objet d’une publicité apposée sur le terrain de la station‑service, publicité qui doit être lisible depuis la voie publique » (arrêté du 8 juillet 1988).
Cette obligation doit désormais s’appliquer au prix du kWh, l’électricité étant devenue un carburant comme un autre. Elle ne doit par ailleurs pas seulement s’appliquer aux stations‑services ayant ajouté des points de recharge à leurs pompes de carburant traditionnelles, mais à tous les opérateurs de recharge.
Cette totale transparence sera bénéfique à l’utilisateur, qui pourra par ailleurs aisément comparer les tarifs pratiqués par les différents opérateurs sur son parcours.
Par conséquent, il est logique d’imposer qu’en amont des stations de recharge (quel que soit l’opérateur), apparaisse le prix TTC en euros du kWh sur des totems ou panneaux d’affichage visibles depuis la voie publique, comme le sont les tarifs de l’essence, du gazole…
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proposition de loi
Article unique
Après l’article L.111‑1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 111‑1‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111‑1‑1. – I. – Les constructeurs de voitures électriques et les vendeurs de voitures électriques d’occasion communiquent aux acheteurs :
« – le temps de recharge à 100 % de la batterie ;
« – la capacité de la batterie utilisable en kilowattheure ;
« – la durée de vie garantie de la batterie, calculée sur la capacité de batterie utilisable.
« II. – Les points de vente d’électricité affichent sur les bornes de recharge le prix de vente du kilowattheure et le coût total en euros de chaque livraison effectuée. »