N° 892

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à exempter les produits sous appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée de l’obligation d’apposition d’un indice Nutri-Score,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Vincent DESCOEUR, M. Jean-Yves BONY, M. Nicolas RAY, Mme Justine GRUET, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Fabrice BRUN, M. Jean-Pierre TAITE, M. Philippe GOSSELIN, M. Julien DIVE, M. Michel HERBILLON, Mme Josiane CORNELOUP, M. Nicolas FORISSIER, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Thibault BAZIN, M. Philippe JUVIN, M. Éric PAUGET, M. Hubert BRIGAND, Mme Christelle PETEX, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, Mme Frédérique MEUNIER, M. Vincent ROLLAND, Mme Émilie BONNIVARD, M. Jérôme NURY, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Pierre CORDIER, Mme Sylvie BONNET, M. Corentin LE FUR,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à exclure les produits sous AOP (Appellation d’origine protégée) et IGP (Identification géographique protégée) de l’étiquetage Nutri‑Score, dans l’hypothèse où l’Union européenne ou la France rendraient son utilisation obligatoire, comme l’ont encore proposé récemment des parlementaires en présentant des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 visant à rendre obligatoire l’affichage du Nutri‑Score sur les denrées alimentaires et tous les supports publicitaires s’y rapportant. Le gouvernement a exprimé son opposition à ces amendements et la ministre de la Santé a récemment assuré que le Nutri‑Score ne sera pas obligatoire en France.

Cette proposition de loi vise à inscrire ce principe dans la loi.

Le système d’étiquetage Nutri‑Score, qui renseigne les consommateurs sur les qualités nutritionnelles des aliments, s’avère inadapté et extrêmement pénalisant pour les produits alimentaires français sous AOP ou IGP, en particulier pour les fromages qui, pour plus de 90 % d’entre eux, obtiennent les plus mauvaises notes et se trouvent classés D ou E en raison de leur teneur en graisses ou en sel et de leur apport calorique.

Interrogé sur le sujet en 2021, le Ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Julien Denormandie, avait reconnu que le système d’étiquetage nutritionnel devait prendre en compte les spécificités liées aux produits comme les fromages. Il avait indiqué que « la France porterait des propositions, dans le cadre européen, afin que l’algorithme du Nutri‑Score et les critères retenus tiennent compte de ces spécificités ».

Or, il apparaît que le système de notation du Nutri­Score, qui a fait l’objet de nouvelles adaptations en 2024 reste très imparfait du fait notamment qu’il ne tient pas compte de la réalité des portions et des habitudes de consommation en se fondant systématiquement sur la consommation théorique de 100 grammes de produit alors que pour le fromage, par exemple, la consommation moyenne est de l’ordre de 35 grammes par jour en France. De plus, il ne donne pas d’information sur le degré de transformation du produit et la présence d’additifs, colorants ou conservateurs, pas plus que sur son impact en termes d’environnement : ainsi, les fromages, qui sont fabriqués à partir d’une liste d’ingrédients simples (lait, ferments et sel) et sans additifs, à partir de recettes traditionnelles éprouvées, se trouvent paradoxalement moins bien notés que certains produits industriels hyper‑transformés dont la recette peut être modifiée pour satisfaire les exigences du nutriscore.

De même, il ne prend pas suffisamment en compte la présence de micro‑nutriments bons pour la santé, comme les vitamines, minéraux et oligo‑éléments, alors que le fromage reste la principale source de calcium et de phosphore dans notre alimentation.

La lecture du Nutri‑Score crée donc de la confusion pour les consommateurs auxquels il laisse à penser que les produits sous AOP ou IGP ne seraient pas des produits de qualité, ce qui est contradictoire avec la raison même de ces labels, voire qu’ils ne seraient pas bons pour la santé. De plus, Santé Publique France préconise d’interdire la publicité sur les aliments notés D et E afin de protéger les enfants et les adolescents du marketing publicitaire. Ce qui aurait pour conséquence d’interdire toute promotion de nos fromages AOP ou IGP alors même que le PNNS (Programme National Nutrition Santé) recommande la consommation de trois ou quatre produits laitiers par jour.

Les conditions de production de chaque AOP/IGP sont consignées dans des cahiers des charges validés par l’État et l’Union européenne et contrôlés de manière régulière par des organismes indépendants. Expression d’un terroir et d’un savoir‑faire ancestral, ces cahiers des charges définissent la composition et le mode de fabrication du produit. Leurs fabricants n’ont donc pas la possibilité de reformuler leurs produits au même titre que les autres fabricants dans le but d’obtenir un meilleur classement.

Plus d’un consommateur sur deux indique avoir modifié au moins une habitude d’achat en raison du NutriScore, qui induit des comportements d’achat défavorables aux produits sous AOP et IGP. Il y a donc un risque que ces produits enregistrent une baisse de leurs ventes, ce qui mettrait en danger l’équilibre économique des territoires et des filières qui en sont à l’origine.

Afin de protéger nos produits couverts par une AOP ou une IGP de toute initiative qui consisterait à rendre obligatoire l’affichage du Nutri‑Score sur les denrées alimentaires, la présente proposition de loi vise à exclure explicitement dans le Code de la santé publique ces produits, symboles de la gastronomie française, de l’affichage nutritionnel NutriScore.

 


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proposition de loi

Article unique

I. – Le premier alinéa de l’article L. 3232‑8 du code de santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont exemptés de l’obligation d’apposition d’une déclaration nutritionnelle obligatoire les produits sous appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er mars 2025.