N° 946

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer le financement des services départementaux d’incendie et de secours,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jocelyn DESSIGNY, M. Julien RANCOULE,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nos services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) confrontés à une augmentation des interventions et une diversification des missions, souffrent aujourd’hui d’un manque de moyens financiers. Les collectivités territoriales peinent à couvrir leurs besoins opérationnels qui sont en constante augmentation.

L’engagement croissant des sapeurs‑pompiers à lutter contre des situations d’urgence variées – incendies, accidents, catastrophes naturelles – nécessite à l’évidence des ressources à la hauteur de cette exigence. Pourtant, les marges de manœuvre des SDIS sont limitées par le poids des dépenses de personnel, et un risque de sur sollicitation se profile au regard du changement climatique et de la désertification médicale. Dans ce contexte, la plupart des départements reversent au SDIS une dotation nettement supérieure à celle perçue au titre de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA). La fragilité de la situation est donc alarmante notamment au regard des besoins de recrutement.

Par ailleurs, la répartition actuelle des financements est inégalitaire et ne tient pas compte des spécificités locales, engendrant un risque réel de saturation des SDIS. Cette situation entraîne ainsi de fait une disparité dans la qualité des services d’urgence offerts à nos concitoyens. Les SDIS sont pourtant dans l’obligation de renforcer leurs moyens matériels et humains, entrainant un surcoût lié à une modernisation inévitable des dispositifs.

Ces dispositions émanent du rapport de la mission flash élaboré conjointement par Monsieur le député Jocelyn Dessigny et Monsieur le député Xavier Batut sur le financement des services départementaux d’incendie et de secours, présenté le 22 mai 2024 à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il est précisé que les articles de cette proposition de loi sont la résultante des recommandations émises lors de ce rapport.

L’article 1er vise à allouer en totalité aux départements la fraction TSCA actuellement affectée à la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), soit 1,134 milliards d’euros en 2022. Cette affectation trouve sa justification dans le fait que la CNAF a dégagé des excédents significatifs à hauteur de 2,9 milliards d’euros en 2021 et 1,9 milliards d’euros en 2022, rendant sa situation financière satisfaisante. En réaffectant en totalité cette fraction aux départements, le renforcement des recettes fiscales permettra aux SDIS d’accroître leurs capacités d’actions et se moderniser. D’autre part, il est à noter que cette fraction de TSCA trouve son origine dans l’assujettissement des contrats d’assurance maladie complémentaire à la TSCA au taux de 7 % intervenu à compter du 1er janvier 2011 et supprimé à compter du 1er janvier 2016. Il n’y a donc plus de lien direct à ce jour entre la taxation d’un contrat d’assurance et le produit de TSCA perçu par la CNAF.

L’article 2 instaure une taxe additionnelle à la discrétion des départements à la taxe de séjour ou à la taxe de séjour forfaitaire perçue par les communes et leurs groupements pouvant aller jusqu’à un taux de 20 % dont le produit perçu par les départements serait destiné au financement des SDIS. Cette taxe additionnelle permettrait donc aux départements de bénéficier de ressources supplémentaires appuyées sur l’afflux des visiteurs en zones touristiques. Cette taxe additionnelle trouve sa légitimité dans l’accroissement temporaire de la population qui est source d’un surcroît d’activité au titre du secours aux personnes, permettant ainsi de financer les moyens mis en œuvre pour la protection des vacanciers.

L’article 3 vise à inciter les conseils d’administration des SDIS à modifier la répartition des contributions entre communes et intercommunalités, afin de limiter les déséquilibres financiers.

Cela découlera du gel des contributions du bloc communal au niveau constaté sur l’exercice de l’année précédente, et supprimer corrélativement le mécanisme de plafonnement adossé à l’évolution de l’indice des prix à la consommation, de la variation annuelle de ces contributions. Ce gel est fait en contrepartie des nouvelles marges de manœuvre financière dégagées au bénéfice des départements leur permettant d’accroître significativement leur capacité contributive au financement des SDIS. Cette répartition pourra être faite en tenant compte de critères objectifs tels que le nombre moyen d’interventions, afin de partager équitablement l’effort contributif et d’alléger les dépenses des petites communes ou des petites communautés de communes.

L’article 4 créé un fonds départemental de péréquation alimenté par la dynamique de TSCA dont les départements les plus fragilisés pourront ainsi bénéficier. Cette répartition plus ajustée pourra être mise en place sur la base de critères opérationnels et budgétaires.

L’article 5 vise à étendre les tâches administratives relatives au personnel et à l’ingénierie juridique des établissements publics interdépartementaux d’incendie et de secours (EPIDIS). Cette création, qui reste purement facultative, permettra d’étendre les compétences des EPIDIS afin d’aider les SDIS à contenir la progression de leurs dépenses par une mutualisation des tâches.

L’article 6 vise à demander un rapport sur les effets du décret n° 2022‑631 du 22 avril 2022 portant réforme des transports sanitaires urgents et de leur participation à la garde. Ce rapport permettra de mettre en lumière l’impact de la carence ambulancière sur les SDIS, les obstacles éventuels à la mise en œuvre concrète de ce décret et de réorganiser les gardes dans les départements afin de décharger autant que possible les SDIS de ces interventions

L’article 7 est le gage financier permettant de pallier la perte de recettes engendrées auprès de la CNAF et de l’État.

 


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proposition de loi

Article 1er

I. – L’article 1001 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la fin du vingt‑et‑unième alinéa, les mots : « , à l’exception : « sont supprimés ;

2° Les a à c sont abrogés.

II. – À la fin du 4° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale, les mots : « à la branche mentionnée au 4° de l’article L. 200‑2 » sont remplacés par les mots : « aux départements et à la métropole de Lyon ».

Article 2

Le paragraphe 5 de la sous‑section 1 de la section 6 du chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 2333‑48 ainsi rédigé :

« Art. L. 233348. – Le conseil départemental peut instituer une taxe additionnelle jusqu’à 20 % à la taxe de séjour ou à la taxe de séjour forfaitaire perçue dans le département par les communes mentionnées à l’article L. 2333‑26 ainsi que par les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 5211‑21, par décision de l’organe délibérant prise dans les conditions prévues à l’article L. 2333‑26. »

Article 3

L’article L. 1424‑35 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) La dernière phrase est complétée par les mots : « , ainsi que modifier la répartition des contributions entre les communes et les intercommunalités. » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, cette modification se traduit par une prise en compte du nombre des interventions effectuées par le service d’incendie et de secours » ;

2° Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il est procédé au gel des contributions entre les communes et les intercommunalités au niveau constaté sur l’exercice de l’année précédente, en contrepartie des nouvelles marges de manœuvre financière dégagées au bénéfice des départements ».

Article 4

Après l’article L. 1424‑4‑1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1424‑4‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 142442. – I. – Un fonds de péréquation est créé.

« II. – Les crédits du fonds mentionné au I sont répartis sur la base des durées moyennes d’intervention ainsi que le nombre de départs de feu dans le cadre des missions exercées par le service départemental d’incendie et de secours.

« III. – Les ressources financières du département sont prises en compte dans le calcul.

« IV. – Un décret fixe les conditions d’application dans lesquelles les crédits du fonds sont répartis. »

Article 5

L’article L. 1424‑52 du code général des collectivités territoriales est complété par des f et g ainsi rédigés :

« f) La gestion des ressources humaines ;

« g) La gestion de l’ingénierie juridique. »

Article 6

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les effets du décret n° 2022‑631 du 22 avril 2022 portant réforme des transports sanitaires urgents et de leur participation à la garde.

Article 7

I. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.