N° 947
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la prévention et la détection en matière de violences sexuelles et intrafamiliales,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Alexandra MARTIN, M. Nicolas RAY, Mme Maud PETIT, M. Vincent JEANBRUN, M. Christophe PLASSARD, Mme Josiane CORNELOUP, M. Philippe FAIT, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Perrine GOULET, Mme Constance DE PÉLICHY, Mme Sylvie DEZARNAUD, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Joël BRUNEAU, Mme Annie VIDAL, M. Romain DAUBIÉ, Mme Véronique BESSE, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Frédérique MEUNIER, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Laurent MAZAURY, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Julie DELPECH, Mme Sandrine JOSSO, M. Thierry LIGER, M. Stéphane VIRY, Mme Christelle PETEX, M. Olivier MARLEIX,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les violences sexuelles et intrafamiliales constituent un phénomène sociétal majeur, d’une ampleur alarmante et aux conséquences dramatiques tant pour les victimes que pour la société dans son ensemble. Ces violences se manifestent sous diverses formes, qu’il s’agisse d’agressions physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques, et prennent principalement racine dans des espaces intimes, souvent au cœur même du foyer familial. Ce phénomène touche toutes les strates de la société, sans distinction d’âge, de sexe, d’origine sociale ou culturelle.
Les statistiques nationales révèlent une situation préoccupante. Ainsi, en 2023, le nombre de victimes de violences conjugales atteignait 271 000. Une hausse de 10 % par rapport à l’année précédente, comme le détaille un rapport du service statistique ministériel de la sécurité intérieure publié le 6 novembre 2024. Les chiffres de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants ( (Ciivise) sont tout aussi alarmants : chaque année 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, dont 77 % au sein de la famille, les enfants en situation de handicap ayant un risque 2,9 fois plus élevé d’être victime de violences sexuelles.
Le caractère privé et caché des violences intrafamiliales rend leur détection et leur prévention d’autant plus complexes. Les victimes sont souvent isolées, terrifiées par la honte, la culpabilité ou la peur des représailles. Leur silence est souvent imposé, consciemment ou inconsciemment, par des dynamiques de pouvoir et de manipulation, ce qui rend leur prise en charge délicate pour les autorités publiques et les acteurs sociaux. Face à cette réalité, il est primordial d’adopter une approche proactive et renforcée pour prévenir et détecter ces violences, afin d’offrir aux victimes le soutien nécessaire avant que la situation ne devienne irréversible. Le renforcement de la prévention en matière de violences sexuelles et intrafamiliales devient ainsi une priorité absolue, nécessitant une réponse multisectorielle, coordonnée et structurée, où chaque acteur joue un rôle déterminant.
Si ces violences affectent tout un chacun, les femmes et les enfants en sont les principales victimes, avec des conséquences multiples, souvent irrémédiables.
Les séquelles psychologiques et émotionnelles des violences sexuelles et intrafamiliales sont profondes : troubles de l’anxiété, de la dépression, troubles du comportement alimentaire, stress post‑traumatique, entre autres. Ces violences entraînent aussi des ruptures sociales et professionnelles, ainsi qu’une détérioration des relations familiales.
Elles ont des effets transgénérationnels, perpétuant un cycle de maltraitance et de traumatismes qui se transmettent d’une génération à l’autre, parfois dans une quasi‑invisibilité.
En outre, ces violences nuisent gravement à l’intégrité physique et mentale des victimes, ce qui constitue un lourd fardeau à la fois pour elles et pour la société, en termes de coûts sociaux et économiques.
Il devient donc impératif de renforcer les dispositifs de repérage, afin de détecter ces violences à un stade précoce.
Cela inclut des moments clés tels que l’entretien prénatal précoce, qui devrait être systématiquement un lieu dédié au repérage des violences sexuelles et intrafamiliales, offrant aux victimes un environnement sécurisé pour parler librement de leur situation (article 1er).
Il en va de même pour les consultations préalables à une IVG chez les mineures, où la détection précoce des violences doit être renforcée pour garantir une prise en charge globale et adaptée à leur situation (article 2).
Pour être véritablement efficace, la prévention doit reposer sur des actions cohérentes, structurées et systématiques. Ainsi, il est indispensable d’impliquer tous les acteurs publics et privés, et inclure notamment les structures de la Protection Maternelle et Infantile (PMI). Ces structures, qui interviennent de manière préventive et en soutien aux enfants et aux familles, doivent être élargies pour inclure des actions spécifiques de prévention et de repérage des violences sexuelles, sexistes et intrafamiliales (article 3). Cela permettrait de garantir une approche globale et préventive en repérant de manière précoce les signes de maltraitance.
De même, il serait opportun de renforcer la participation de chaque conseil départemental aux actions de prévention et de prise en charge des mineurs en danger ou qui risquent de l’être en matière de violences intrafamiliales et de violences sexuelles (article 4).
Outre les actions de sensibilisation à grande échelle pour faire évoluer les mentalités et déconstruire les stéréotypes, une action essentielle dans la prévention des violences sexuelles et intrafamiliales réside également dans la formation continue des acteurs professionnels en contact direct avec les victimes, tels que les enseignants, les policiers, les travailleurs sociaux, les médecins, et les professionnels de la justice. La reconnaissance précoce des signes de violences, l’écoute active des victimes et une intervention rapide sont des compétences clés pour ces professionnels. Ainsi, il est indispensable d’intégrer dans le programme de formation pluridisciplinaire, destiné aux personnels de l’éducation nationale, des personnels médicaux et paramédicaux, des forces de l’ordre, des magistrats, ainsi qu’aux animateurs et autres acteurs, une sensibilisation accrue aux violences intrafamiliales, notamment celles dont l’enfant peut être victime ou co‑victime (article 5). Ce type de formation transversale favorisera une approche commune et coordonnée, essentielle pour repérer les infractions sexuelles et leur traitement. En outre, la création de synergies entre ces différents secteurs permettra d’assurer un accompagnement plus complet et une meilleure réponse aux besoins des victimes.
La lutte contre les violences sexuelles et intrafamiliales nécessite donc un engagement fort et coordonné de la société dans son ensemble et que la prévention soit renforcée dans la loi.
Tel est l’objet de cette proposition de loi.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
L’avant‑dernier alinéa de l’article L. 2122‑1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il doit être également le lieu du repérage des violences sexuelles et intrafamiliales. »
Article 2
À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2212‑4 du code de la santé publique, après le mot : « et », sont insérés les mots : « doit être le lieu de repérage des violences sexuelles et intrafamiliales.
Article 3
L’article L. 2111‑1 du code de la santé publique est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Des actions de prévention et de repérage des violences sexuelles, sexistes et intrafamiliales. »
Article 4
À l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 2112‑2 du code de la santé publique, après le mot : « être », sont insérés les mots : « , notamment concernant les violences intrafamiliales et violences sexuelles, ».
Article 5
La deuxième phrase de l’article L. 542‑1 du code de l’éducation est complétée par les mots : « ainsi qu’aux violences commises au sein de la famille dont l’enfant est victime ou co‑victime ».