N° 950
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à interdire les réductions de peine dans les cas de condamnations pour violences conjugales,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Virginie DUBY-MULLER,
députée.
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EXPOSÉ DES MOTIFS MESDAMES, MESSIEURS,
Les violences conjugales constituent un fléau sociétal majeur en France, touchant des milliers de personnes chaque année, et plus particulièrement des femmes. Selon les dernières données disponibles du ministère de l’intérieur, en 2023, 271 263 femmes ont été victimes de violences conjugales, soit environ 743 femmes par jour ([1]). Ces chiffres englobent les actes entraînant ou visant à entraîner la mort, les violences physiques et l’administration de substances nuisibles, les violences sexuelles et les violences verbales ou psychologiques. Ils témoignent d’une réalité alarmante, d’autant que ces violences restent largement sous‑déclarées, du fait de la peur, de la honte ou du silence imposé par les auteurs des violences.
Les violences conjugales prennent diverses formes : physiques, psychologiques, sexuelles, mais aussi économiques. Elles ont des conséquences dramatiques pour les victimes, tant sur le plan physique que psychologique. Malgré les méthodes de calcul qui diffèrent, le nombre de féminicides recensé en 2023 était de 94 selon les chiffres du ministère de la justice et atteignait 134 selon l’association #NousToutes. Ce sont des chiffres qui nous interpellent. Ces meurtres représentent une fraction des violences qui, si elles ne conduisent pas à la mort, laissent des séquelles profondes et durables. L’impact de ces violences ne concerne pas uniquement les victimes directes, mais aussi leurs enfants et leur entourage, créant ainsi un cercle vicieux de souffrances qui se perpétue d’une génération à l’autre.
Les associations féministes font régulièrement état des difficultés d’accès des victimes à la justice et aux soins, ainsi que de l’insuffisance des moyens mis à disposition des forces de l’ordre et des services sociaux. Elles appellent de leurs vœux une réforme en profondeur des pratiques judiciaires, notamment en ce qui concerne la question des réductions de peine pour les auteurs de violences conjugales.
Dans ce contexte, il est impératif que la société, dans son ensemble, prenne conscience de la gravité de la situation. Les violences conjugales ne sont pas des faits isolés mais un phénomène systémique, souvent ancré dans des rapports de domination et des normes de genre patriarcales. Le combat contre ces violences ne doit pas seulement être une priorité pour l’État et les institutions, mais également pour l’ensemble de la société, qui doit se mobiliser activement pour protéger les victimes et prévenir les violences.
Il est fondamental de rappeler que la grande majorité des victimes de violences conjugales sont des femmes. Selon les chiffres de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 85 % des victimes de violences conjugales sont des femmes ([2]), et la plupart des auteurs de ces violences sont des hommes. Cette réalité souligne l’importance de l’engagement des pouvoirs publics dans la lutte pour l’égalité des sexes, et de la nécessité d’adopter une approche globale et cohérente, y compris pénale, pour prévenir et sanctionner ces violences.
L’une des lacunes majeures du système actuel réside dans l’absence de sanction suffisamment dissuasive pour les auteurs de violences conjugales. En effet, malgré les peines d’emprisonnement encourues, les auteurs de violences bénéficient parfois de réductions de peine ou d’aménagements qui ne prennent pas en compte la gravité des faits. Une réforme en profondeur du code pénal est ainsi nécessaire pour garantir une justice plus sévère, notamment en ce qui concerne les réductions de peines pour les auteurs de violences conjugales. Cette réforme devrait exclure toute possibilité de réduction ou d’aménagement de peine pour les crimes de violences conjugales, afin de mieux protéger les victimes et de répondre à l’impunité dont bénéficient trop souvent les agresseurs.
Les victimes de violences conjugales doivent pouvoir bénéficier d’un système de prise en charge et de protection efficace. Cela passe par un renforcement de la formation des policiers, des gendarmes, des magistrats et des travailleurs sociaux, afin d’assurer une meilleure réactivité et une prise en charge adaptée à chaque situation. De même, il est nécessaire d’augmenter les moyens financiers consacrés à la lutte contre les violences conjugales, notamment en faveur des dispositifs d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement psychologique pour les victimes.
En conclusion, la France doit faire face à un défi majeur : mettre un terme aux violences conjugales qui détruisent des vies, souvent celles des femmes. Pour cela, il est impératif de renforcer les mesures de protection des victimes, d’assurer des sanctions plus sévères contre les auteurs, et de sensibiliser la société dans son ensemble à l’urgence de la situation. Le combat pour l’égalité des sexes et contre les violences faites aux femmes doit être une priorité pour l’État et pour chaque citoyen. Le chemin est encore long, mais des réformes législatives ambitieuses peuvent contribuer à faire évoluer les mentalités et protéger les victimes de manière plus efficace.
L’article unique de cette proposition de loi vise donc à renforcer la lutte contre les violences conjugales en interdisant les réductions de peine, remises de peine ou aménagements de peine.
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proposition de loi
Article unique
Après l’article L. 721‑1‑3 du code de procédure pénale, il est inséré un article L. 721‑1‑4 ainsi rédigé :
« Art. L. 721‑1‑4. – Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour le motif de violence conjugale mentionné aux articles 221‑4, 222‑3, 222‑8, 222‑10, 222‑12, 222‑13, 222‑14, 222‑14‑1, 222‑14‑5, 222‑15‑1, 222‑16, 222‑18‑3, 222‑22‑3, 222‑24, 222‑28, 222‑33‑2‑1, 222‑48‑1 et 222‑48‑3 du code pénal, ne peuvent bénéficier des réductions de peine mentionnées à l’article 721 du présent code. »
([1]) « Les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2023 », Info rapide n° 44, ministère de l’Intérieur, SSMSI, novembre 2024 https ://mobile.interieur.gouv.fr/Media/SSMSI/Info‑rapide‑n‑44‑Les‑violences‑ conjugales‑enregistrees‑par‑les‑services‑de‑securite‑en‑2023
([2]) « Les violences sexistes et sexuelles en France en 2023 », Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, n° 22, novembre 2024 https ://arretonslesviolences.gouv.fr/sites/default/files/2024‑11/Lettre‑Observatoire‑ des‑violences‑faites‑aux‑femmes‑Miprof‑Novembre‑2024.pdf