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N° 1011

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2025.

PROPOSITION DE LOI

portant sauvetage des micro-entreprises,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Hadrien CLOUET, Mme Mathilde PANOT, Mme Alma DUFOUR, M. Éric COQUEREL, Mme Karine LEBON, Mme Émeline K/BIDI, M. David TAUPIAC, M. Max MATHIASIN, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. Frédéric MAILLOT, Mme Sandra REGOL, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, M. Damien GIRARD, Mme Danielle SIMONNET, M. Hendrik DAVI, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Stéphane PEU, Mme Julie LAERNOES, M. Emmanuel DUPLESSY, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, M. Jean-Claude RAUX, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, les membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire [(1)],

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Je ne sais absolument pas comment me sortir de cette situation. Je ne peux pas prendre plus de contrats pour augmenter mon chiffre (les journées ne font que 24 heures). Cette mesure va donc probablement mettre fin à mon activité »

« Cela est gravissime. Des milliers d’entreprises, dont la mienne, vont droit dans le mur et vont être obligées de fermer boutique. »

« Si je répercute la TVA sur le prix de mes poteries, il y a fort à parier que ma clientèle se réduira comme peau de chagrin. Elle me préfèrera une entreprise de décoration et ameublement qui ne paye même pas d’impôts en France »

Le projet de loi de finances 2025 imposé par 49‑3 comporte un article menaçant la viabilité de centaines de milliers de micro‑entreprises. Artisans, petits commerçants, associations constituées en microentreprise n’étaient assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu’à la stricte condition de dépasser 37 500 euros de chiffre d’affaires pour les services et 85 000 euros pour la vente de marchandise. Prétextant une recherche de recettes, le gouvernement a imposé sans concertation un seuil unique d’assujettissement à la collecte et restitution de TVA des micro‑entrepreneurs à 25 000 euros.

Pourtant, de M. Nicolas Sarkozy à M. Emmanuel Macron, les gouvernements libéraux n’ont cessé d’encourager l’auto‑entrepreneuriat puis le micro‑entrepreneuriat. Bien sûr, le statut s’adresse à de vrais indépendants, des femmes et des hommes qui assurent un service ou produisent un bien réellement commercial. C’est‑à‑dire qu’ils comptent plusieurs clients sans relation de subordination. Mais ces créations de micro‑entreprises se substituent aussi largement au régime d’entreprises individuelles classiques.

Leur nombre connaît ainsi son record historique, avec 716 200 créations en 2024, notamment dans le commerce, le transport de voyageurs, la poste et le courrier. Un quart d’entre elles sont localisées dans les zones rurales, les trois‑quarts dans les zones urbaines.

Pourquoi cette promotion par les politiques publiques ? La massification de l’auto‑entreprenariat permet de réduire artificiellement les chiffres du chômage, tout en alimentant des mécanismes de baisse des salaires et des revenus du travail. Car ce statut a constitué une aubaine pour nombre de grands groupes économiques et financiers, qui ont externalisé des activités préalablement assurées par certains salariés, pour les remplacer par des travailleurs pauvres payés à la tâche, sans code du travail ni convention collective pour les préserver de la fin de mission – un licenciement déguisé. Une telle pratique coûte à l’ensemble de la Nation, car elle nous prive de cotisations sociales précieuses pour couvrir les droits à la retraite, à l’assurance‑maladie ou à la prévention des accidents du travail.

Qui sont les victimes ? Des micro‑entrepreneurs contraints, que l’on retrouve parmi les ingénieurs de l’aéronautique, parmi les correcteurs dans l’édition, parmi les enseignants dans l’université, artistes de l’édition, ou encore soignants auprès de personnes en situation en situation de vulnérabilité : autant de métiers essentiels qui méritent de bénéficier de conditions de travail dignes.

Voici le visage des milliers de personnes dont le budget Bayrou sabordera l’activité, en les assujettissant à la TVA par l’abaissement du seuil de franchise. Dès lors, le choix pour les 250 000 micro‑entreprises est clair. Soit répercuter la TVA à 20 % sur ses clients, très rarement des professionnels, au double risque de sabrer le pouvoir d’achat de la population ou de perdre sa clientèle. Les grandes sociétés qui y trouvent leurs prestataires n’encourent aucun risque, puisque le client final pourra déduire la TVA de ses factures. Soit éviter de la répercuter et absorber sur leurs faibles marges cette hausse de TVA. Quoiqu’il en soit, les micro‑entrepreneurs au régime théoriquement simplifié et aux horaires de travail déjà extensifs gaspilleront un temps précieux à se soumettre à l’exercice fastidieux de la déclaration de TVA. En conséquence, une majorité de micro‑entrepreneurs disparaitraient brutalement, vidant nombre de territoires des activités qui y subsistent.

Cette politique est d’autant plus injuste que le gouvernement a défendu cette mesure en soutenant qu’elle générera « des recettes fiscales significatives », tout en refusant tous les amendements créant des recettes alternatives. Au lieu de faire contribuer les grandes fortunes, les multinationales, les entreprises qui délocalisent, les capitalistes qui ne règlent aucun impôt sur notre sol, les très hauts salaires ou les revenus actionnariaux, la macronie s’en prend aux plus petites entreprises et à leurs clients. Tant pis pour l’économie réelle : les actionnaires continueront de se gaver tandis que la majorité se serrera la ceinture. Tant pis pour nos textes fondamentaux comme la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : l’égalité devant l’impôt restera lettre morte.

La proposition de loi ci‑devant annule cette augmentation brutale et illégitime. Elle rétablit le régime antérieur de la TVA pour les micro‑entrepreneurs. Elle leur accorde la protection de la Nation, plutôt que de les sacrifier à une politique économique qui taxe les petits pour alimenter les grands.

L’article 1er propose le retour de la franchise à 37 500 euros pour les services, et à 85 000 euros pour les ventes de marchandise ainsi que le régime de TVA applicable jusqu’à lors aux avocats, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, aux auteurs d’œuvres de l’esprit et aux artistes‑interprètes.

L’article 2 gage la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article 293 B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 293 B. – I. – Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires, évalué dans les conditions prévues à l’article 293 D, excédant les plafonds suivants :

 

 (En euros)

« 

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

Chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d’hébergement

 

 

Année civile précédente

85 000

37 500

 

 

Année en cours

93 500

41 250

 »

 

« II. – A. – Les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les auteurs d’œuvres de l’esprit et les artistes‑interprètes assujettis et établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires, évalué dans les conditions prévues à l’article 293 D, excédant les plafonds suivants :

 

 (En euros)

« 

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations mentionnées au B du présent II

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations autres que celles mentionnées au B du présent II

 

 

Année civile précédente

50 000

35 000

 

 

Année en cours

55 000

38 500

 »

 

« B. – Les opérations prises en compte pour les besoins des plafonds mentionnés à la deuxième colonne du tableau du second alinéa du A du présent II sont les suivantes :

« 1° Les opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dans le cadre de l’activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;

« 2° Les livraisons par les auteurs d’œuvres de l’esprit, à l’exception des architectes, de leurs œuvres mentionnées aux 1° à 12° de l’article L. 112‑2 du code de la propriété intellectuelle et la cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi ;

« 3° Les opérations relatives à l’exploitation des droits patrimoniaux qui sont reconnus par la loi aux artistes‑interprètes mentionnés à l’article L. 212‑1 du même code. 

« III. – Lorsque l’un des plafonds de chiffre d’affaires prévus aux I ou II du présent article pour les opérations de l’année en cours est dépassé, la franchise cesse de s’appliquer pour les opérations intervenant à compter de la date de dépassement. »

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Aurélien LE COQ, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER.