N° 1071
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer l’accueil des jeunes enfants et à revaloriser les métiers de la petite enfance,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Christelle D’INTORNI, M. Bernard CHAIX, M. Éric MICHOUX, Mme Hélène LAPORTE, M. Sébastien CHENU, M. Antoine VILLEDIEU, M. Julien ODOUL, M. Marc CHAVENT, M. Jérôme BUISSON, M. Serge MULLER, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, Mme Marine HAMELET, M. René LIORET, Mme Lisette POLLET, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, Mme Julie LECHANTEUX, M. Joseph RIVIÈRE, M. Emmanuel FOUQUART, M. Thibaut MONNIER, Mme Anne SICARD, M. Michaël TAVERNE, M. Jonathan GERY,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le meurtre d’une petite fille âgée de 11 mois dans une crèche du groupe People&Baby à Lyon le 22 juin 2022, a mis en lumière les difficultés du secteur de la petite enfance et en particulier les problèmes de maltraitance dans les crèches.
Cet évènement dramatique a conduit au lancement d’une mission d’évaluation confiée à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches. Cette mission qui a remis son rapport en mars 2023 déplore une dégradation de la qualité de l’accueil et décrit des « carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil des enfants ». Elle constate que « la logique quantitative d’accroissement de l’offre a devancé les objectifs qualitatifs ».
Trois problèmes structurels sont mis en exergue : la faiblesse du taux d’encadrement, la pénurie de professionnels et l’insuffisance des contrôles. Cette prise de conscience des difficultés au sein des crèches a débouché sur plusieurs choses, le rapport de Mme Sylviane Giampino en 2016, le rapport des 1 000 premiers jours en 2020 ainsi que l’ajout de nouvelles dispositions législatives dans la loi n° 2023‑1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Il est notamment créé un service public de la petite enfance. Ainsi au 1er janvier 2025 les communes mettront en œuvre ce service public en tant qu’autorités organisatrices de l’offre d’accueil de la petite enfance. Des dispositions sont également introduites pour clarifier les procédures d’ouvertures des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) et renforcer les contrôles de ces mêmes établissements.
Toutefois, la faiblesse du taux d’encadrement, la pénurie de professionnels, les difficultés de financement et l’amélioration de la qualité de l’accueil demeurent des problèmes à traiter.
La gauche de son côté pointe les dérives des crèches privées dans le sillage du livre du journaliste M. Victor Castanet Les Ogres. Un constat contredit par le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale publié en juin 2024. Ainsi, Mme Sarah Tanzilli députée LREM et rapporteur de la commission d’enquête conclu que « la dégradation de la qualité de l’accueil touche, en réalité, les crèches de tout statut juridique ».
S’appuyant sur les travaux précédemment cités, cette proposition de loi vise à améliorer l’accueil des jeunes enfants au sein des crèches d’une part en renforçant les contrôles et l’encadrement des enfants par des professionnels de la petite enfance formés, et d’autre part en améliorant le financement du secteur en réformant la prestation de service unique (PSU) et en élargissant le crédit d’impôt famille (CIFAM) et de permettre des avancées sur les neurosciences et les besoins de l’enfant.
L’article 1er de la proposition de loi relève de 40 % à 60 % le taux de personnels des établissements qui doivent répondre à des qualifications professionnelles strictes : auxiliaires de puériculteurs diplômés, éducateurs de jeunes enfants diplômés d’État, puériculteurs et puéricultrices diplômés d’État.
Par ailleurs, cet article impose une diminution du ratio du nombre de professionnels par enfants. Il vise à garantir un rapport d’un professionnel pour quatre enfants, alors que le taux d’encadrement moyen inscrit dans le code de la santé publique s’élève à un professionnel pour six enfants. En comparaison, le taux s’élève à un adulte pour quatre enfants en Allemagne et à un pour trois au Danemark.
De nombreux professionnels préconisent d’augmenter le nombre de professionnels par enfant dans une perspective d’amélioration de l’accueil des jeunes enfants. Ainsi, une étude américaine a démontré que lorsque le ratio de professionnels par enfants est de petite taille les enfants ont de meilleures compétences attentionnelles, langagières et de mémoire ainsi que des relations plus positives avec les adultes.
L’article 2 vise à renforcer les contrôles des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) en fixant à une évaluation minimum tous les trois ans au lieu de tous les cinq ans comme prévu dans la loi n° 2023 – 1196 du 18 décembre 2023. Il ajoute également une obligation d’organiser une nouvelle évaluation dans les six mois en cas d’anomalies importantes constatées.
L’article 3 réforme le mode de calcul de la prestation de service unique (PSU) et de la participation des familles au financement des EAJE. La PSU est une subvention de la Caisse nationale des allocations familiales qui s’additionne à la participation des familles. Elle vise à financer les dépenses de fonctionnement des EAJE à hauteur de 66 % du coût horaire réel déduction faite des participations des familles.
Cette tarification horaire avait pour but à l’origine d’optimiser le taux d’occupation des établissements puisqu’une même place peut être occupée par plusieurs enfants au cours de la semaine en fonction des besoins de leurs parents. Toutefois, depuis 2007 le nombre d’heures facturées stagne alors que le nombre de places de crèches continue de progresser. Entre 2019 et 2021, le nombre d’heures d’accueil est même en baisse sans doute à cause de changements de comportements à la suite de la crise sanitaire. Ainsi, le financement à l’heure devient de moins en moins favorable. C’est pourquoi nous proposons le retour d’un système de financement forfaitaire à la demi‑journée.
L’article 4 vise à élargir le bénéfice du crédit d’impôt famille (CIFAM). Ce crédit d’impôts a pour but d’inciter les entreprises à engager des dépenses pour la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale de leurs salariés. Le montant du crédit d’impôt est équivalent à 50 % des dépenses plafonnées à 500 000 euros par an. L’entreprise en bénéficie pour les dépenses qu’elle engage pour la création d’une crèche exploitée directement pour accueillir les enfants de ses employés ou pour les versements à ses salariés pour l’accueil de leurs enfants dans des crèches publics ou privées.
Le crédit d’impôt famille ne bénéficie pas aux travailleurs non‑salariés, aux professions libérales, artisans, commerçants, gérants non‑salariés etc… Par mesure d’égalité et d’amélioration du financement des crèches, cet article élargit le bénéfice du CIFAM aux professions libérales, aux indépendants et aux gérants d’entreprises non‑salariés.
Enfin l’article 5, constitue le gage financier de la présente proposition de loi.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Après le troisième alinéa de l’article L. 2324‑1 du code de la santé publique, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les établissements et services mentionnés au premier alinéa le personnel de l’établissement chargé de l’encadrement des enfants est composé au moins à 60 % de l’effectif d’auxiliaires de puériculteurs diplômés, d’éducateurs de jeunes enfants diplômés d’État et de puériculteurs diplômés d’État.
« Tout établissements et services mentionnés au premier alinéa assure la présence auprès des enfants effectivement accueillis d’un effectif de professionnels définis à l’article R. 2334‑42 du présent code suffisant pour garantir un rapport d’un professionnel pour quatre enfants. »
Article 2
Le premier alinéa de l’article L. 2324‑2‑4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Une nouvelle évaluation est organisée dans les six mois en cas d’anomalies importantes constatées. »
Article 3
Après l’article L. 214‑4 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 214‑4‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 214‑4‑1. – La prestation de service unique et la participation des familles au financement des établissements et services mentionnées à l’article L. 2324‑1 du code de la santé publique sont versés sur la base d’un financement forfaitaire à la demi‑journée. »
Article 4
I. – Le 1 du I de l’article 244 quater F du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les collaborateurs libéraux et les gérants non‑salariés participant au financement de ces mêmes établissements, lorsqu’ils assurent l’accueil de leurs enfants de moins de trois ans, peuvent également bénéficier du crédit d’impôt. »
II. – Cette disposition n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
Article 5
I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.