N° 1073

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à préserver le régime fiscal des auto-entrepreneurs en annulant l’abaissement du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe JUVIN, M. Romain DAUBIÉ, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Charles DE COURSON, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, M. Xavier LACOMBE, M. Gérault VERNY, M. Olivier MARLEIX, M. Jean-Carles GRELIER, M. Éric PAUGET, M. Hubert BRIGAND, M. Michel HERBILLON, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Laurent MAZAURY, M. Ian BOUCARD, M. Michel GUINIOT, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Sandrine JOSSO, M. Philippe GOSSELIN, M. Alexandre PORTIER, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Vincent DESCOEUR, Mme Laure MILLER,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Tandis que des pays tels que les États-Unis et la Chine apportent un soutien significatif à leurs entreprises afin d'assurer leur compétitivité, la France vient d’adopter un budget pour 2025 pénalisant les auto-entrepreneurs. Dans le contexte du sursaut économique européen préconisé par le rapport Draghi, cette mesure constitue un non-sens pour la compétitivité française et fait porter la dérive budgétaire sur ceux qui créent de la richesse.

Le projet de loi de finances (PLF) de 2025 contient en effet, dans son article 10, une baisse du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les auto-entrepreneurs. Alors que jusque-là, les auto-entrepreneurs n’étaient assujettis à la TVA qu’au-delà de 37 500 euros de chiffre d’affaires pour les services et 85 000 euros pour la vente de marchandises, le PLF crée un seuil unique d’assujettissement fixé à 25 000 euros. Ce changement concernerait plus de 200 000 personnes et reviendrait à taxer 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires.

Cette modification du régime constitue une double faute. D’une part, elle contraint les auto-entrepreneurs à choisir entre augmenter leurs prix, au risque de perdre en compétitivité, ou réduire leurs marges, déjà souvent faibles voire inexistantes. En effet, leur revenu moyen reste modeste : près de 90 % ont un revenu inférieur au salaire minimum de croissance et un sur deux cumule cette activité avec un autre emploi. D’autre part, l’obligation de collecter et de déclarer la TVA alourdit les démarches administratives, contredisant le principe même de ce statut, conçu pour les simplifier.

Si le gouvernement justifie cette mesure par une volonté de simplifier le système fiscal en instaurant un seuil unique, tout en luttant contre la fraude et la concurrence déloyale, cela lui permet surtout d’élargir son assiette fiscale en captant de nouvelles recettes. Dans son rapport du 13 février dernier, la Cour des comptes dénonce un pays « au pied du mur », avec des dépenses publiques « en roue libre ». Il est paradoxal que le pays affichant le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé au monde intensifie sa pression fiscale sur les auto-entrepreneurs, plutôt que d’engager une réduction drastique de ses dépenses. D’autant plus que les recettes espérées de cette mesure sont incertaines et varient fortement selon les calculs, passant de 800 millions à 400 millions d’euros.

Bien que le ministre de l'Économie et des Finances ait décidé de suspendre la mesure pour organiser des concertations, les auto-entrepreneurs, acteurs essentiels de notre tissu économique, ne peuvent demeurer dans l'incertitude, en particulier lorsqu'une aussi large contestation émerge contre cette réforme. Si quelques secteurs, comme celui du bâtiment, y sont favorables, l'issue de ces concertations reste malheureusement prévisible.

Cette proposition de loi vise donc à garantir l’abrogation de cette mesure en revenant au régime fiscal précédent.

L’Article 1er pérennise la rédaction de l’article 293 B du code général des impôts dans sa version du 1er janvier 2025.

L’Article 2 gage la proposition de loi.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

L’article 293 B du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 293 B. – I. – Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires, évalué dans les conditions prévues à l’article 293 D, excédant les plafonds suivants :

 

 (En euros)

« 

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

Chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d’hébergement

 

 

Année civile précédente

85 000

37 500

 

 

Année en cours

93 500

41 250

 »

 

« II. – A. – Les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les auteurs d’œuvres de l’esprit et les artistes‑interprètes assujettis et établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires, évalué dans les conditions prévues à l’article 293 D, excédant les plafonds suivants :

 

 (En euros)

« 

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations mentionnées au B du présent II

Chiffre d’affaires national afférent aux opérations autres que celles mentionnées au B du présent II

 

 

Année civile précédente

50 000

35 000

 

 

Année en cours

55 000

38 500

 »

 

« B. – Les opérations prises en compte pour les besoins des plafonds mentionnés à la deuxième colonne du tableau du second alinéa du A du présent II sont les suivantes :

« 1° Les opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dans le cadre de l’activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;

« 2° Les livraisons par les auteurs d’œuvres de l’esprit, à l’exception des architectes, de leurs œuvres mentionnées aux 1° à 12° de l’article L. 112‑2 du code de la propriété intellectuelle et la cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi ;

« 3° Les opérations relatives à l’exploitation des droits patrimoniaux qui sont reconnus par la loi aux artistes‑interprètes mentionnés à l’article L. 212‑1 du même code. 

« III. – Lorsque l’un des plafonds de chiffre d’affaires prévus aux I ou II du présent article pour les opérations de l’année en cours est dépassé, la franchise cesse de s’appliquer pour les opérations intervenant à compter de la date de dépassement. »

Article 2

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.