N° 1080
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à annuler l’abaissement du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée pour les auto-entrepreneurs au 1er mars 2025,
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Thomas LAM, M. Xavier ALBERTINI, M. Henri ALFANDARI, Mme Béatrice BELLAMY, M. Thierry BENOIT, M. Sylvain BERRIOS, M. Bertrand BOUYX, M. Jean-Michel BRARD, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Félicie GÉRARD, M. Pierre HENRIET, M. François JOLIVET, M. Loïc KERVRAN, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Didier LEMAIRE, Mme Lise MAGNIER, M. Jean MOULLIERE, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Béatrice PIRON, M. Christophe PLASSARD, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Isabelle RAUCH, M. Xavier ROSEREN, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. François GERNIGON, M. Xavier LACOMBE,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les petites et moyennes entreprises sont aujourd’hui en grande difficulté en France. Selon la Banque de France, le nombre de défaillances cumulées sur l’année 2024 culmine à 65 000 entreprises, soit 20 % de plus que la moyenne pré‑covid (2017‑2020) ([1]). Ces défaillances sont d’autant plus préoccupantes qu’elles adviennent dans un contexte économique morose de faible croissance (1,1 % en 2024), d’instabilité géopolitique et de concurrence internationale accrue qui ne présagent pas d’une reprise dynamique de l’activité économique sur notre territoire.
À ce contexte instable pour les entreprises, la pression fiscale déjà exercée en France réduit d’autant plus leurs marges de manœuvre. Notre pays est déjà parmi les plus fiscalisés au monde, vice‑champion des prélèvements obligatoires au sein de l’Union européenne ([2]) et champion des cotisations patronales, avec un coin socio‑fiscal représentant 46,8 % du coût de la main‑d’œuvre ([3]). Il n’apparaît donc pas pertinent de faire reposer sur les entreprises la responsabilité écrasante de combler le déficit français qui se creuse d’année en année. Il incombe aux décideurs publics de trouver des solutions audacieuses par la réduction des finances publiques plutôt que par des mesures fiscales aux conséquences économiques et sociales problématiques.
Le projet de loi de finances (PLF) de 2025 contient un dispositif de nature à pénaliser les auto‑entrepreneurs, acteurs économiques clefs de notre pays. Ce statut a en effet séduit les Français et leur fibre entrepreneuriale : rappelons qu’il en existe 2,7 millions en France. Le nombre de nouvelles immatriculations a atteint un record l’an dernier avec un chiffre évalué à 750 000 nouvelles créations[4].
Or, le PLF prévoit dans son article 10 une baisse du seuil de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les auto‑entrepreneurs. Alors que jusque‑là, les autoentrepreneurs n’étaient assujettis à la TVA qu’au‑delà de 37 500 € de chiffre d’affaires pour les services et 85 000 € pour la vente de marchandises, le PLF crée un seuil unique d’assujettissement fixé à 25 000 €. Ce changement concernerait plus de 250 000 auto‑entrepreneurs et 100 000 indépendants selon les chiffres de la Fédération nationale des auto‑entrepreneurs (FNAE).
Cette mesure a fait l’objet d’une vive contestation de la part des bénéficiaires de ce statut. Certains présidents de fédération ont même assimilé cette mesure à du « racket » tandis que de nombreux témoignages alarmants pullulent sur les réseaux sociaux quant aux conséquences de la mesure. Elle contraindrait de nombreux auto‑entrepreneurs à mettre la clef sous la porte. En effet, pour y faire face, les auto‑entrepreneurs devront soit brutalement augmenter leurs prix, leur faisant perdre une large partie de leur clientèle, soit réduire leurs marges qui sont souvent très faibles. Sans compter le fardeau administratif qui viendra s’ajouter aux démarches existantes.
De plus, cette mesure pourrait avoir des effets contre‑productifs par rapport au but recherché (rentrées fiscales). L’effet Laffer pourrait jouer à plein en incitant les auto‑entrepreneurs à faire de l’évitement fiscal et sous‑déclarer leur chiffre d’affaires, voire à frauder en multipliant les structures. Cela pourrait aussi contraindre certains entrepreneurs à renoncer à leurs projets, ce qui pourrait avoir un coût social conséquent pour la collectivité.
Rappelons que la mesure intervient en plus dans un contexte particulier où les cotisations sociales sur les autoentrepreneurs ont été relevées à 24,6 % au 1ᵉʳ janvier 2025 et prévoient d’augmenter jusqu’à 26,1 % en 2026 ([5]).
L’idée de suspendre le dispositif allait dans le bon sens, mais les auto‑entrepreneurs ne peuvent demeurer dans l’incertitude, alors qu’ils redoutent l’application de la mesure. Cette proposition de loi vise donc à garantir l’abrogation de cette mesure en revenant au régime fiscal précédent.
L’article 1er entend maintenir la rédaction de l’article 293 B du code général des impôts dans sa rédaction actuelle et antérieure à l’adoption de la loi de finances pour 2025
L’article 2 gage la proposition de loi.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
L’article 293 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. – Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires, évalué dans les conditions prévues à l’article 293 D, excédant les plafonds suivants :
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(En euros) |
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« |
Année d’évaluation |
Chiffre d’affaires national total |
Chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d’hébergement |
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Année civile précédente |
85 000 |
37 500 |
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Année en cours |
93 500 |
41 250 |
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« II. – A. – Les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les auteurs d’œuvres de l’esprit et les artistes‑interprètes assujettis et établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires, évalué dans les conditions prévues à l’article 293 D, excédant les plafonds suivants :
|
(En euros) |
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« |
Année d’évaluation |
Chiffre d’affaires national afférent aux opérations mentionnées au B du présent II |
Chiffre d’affaires national afférent aux opérations autre que celles mentionnées au B du présent II |
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Année civile précédente |
50 000 |
35 000 |
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Année en cours |
55 000 |
38 500 |
« » |
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« B. – Les opérations prises en compte pour les besoins des plafonds mentionnés à la deuxième colonne du tableau du second alinéa du A du présent II sont les suivantes :
« 1° Les opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dans le cadre de l’activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;
« 2° Les livraisons par les auteurs d’œuvres de l’esprit, à l’exception des architectes, de leurs œuvres mentionnées aux 1° à 12° de l’article L. 112‑2 du code de la propriété intellectuelle et la cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi ;
« 3° Les opérations relatives à l’exploitation des droits patrimoniaux qui sont reconnus par la loi aux artistes‑interprètes mentionnés à l’article L. 212‑1 du même code.
« III. – Lorsque l’un des plafonds de chiffre d’affaires prévus aux I ou II du présent article pour les opérations de l’année en cours est dépassé, la franchise cesse de s’appliquer pour les opérations intervenant à compter de la date de dépassement. »
Article 2
La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) “Défaillances d'entreprises - 2024-12”, Banque de France, 17 janvier 2025.
([2]) Poids des prélèvements obligatoires au sein de l'Union européenne - Données annuelles de 2010 à 2022, Insee, 31 juillet 2024.
([3]) La France, championne du monde des charges patronales les plus lourdes, selon un rapport de l’OCDE, Le Figaro, 25 avril 2024.