N° 1087
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à assurer plus de souplesse dans le versement des acomptes pour les salariés,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean LAUSSUCQ,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La question de la rémunération des travailleurs constitue un enjeu de justice sociale et de bon fonctionnement de notre économie. Dans un contexte où l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des Français et où les dépenses incompressibles (loyer, énergie, alimentation) grèvent de plus en plus lourdement les budgets des ménages, il est essentiel de garantir aux salariés une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs ressources financières.
Un nombre croissant de Français sont confrontés à des difficultés financières en raison du décalage entre leurs revenus et leurs charges. De nombreux salariés, notamment ceux aux revenus modestes, peinent à boucler leurs fins de mois et se retrouvent contraints de recourir à des solutions coûteuses et risquées, telles que le crédit à la consommation ou le découvert bancaire, pour faire face à des dépenses imprévues. Ces derniers s’accompagnent de coûts très importants : le montant des agios et frais d’incidents bancaires s’élève à près de 7 milliards d’euros par an.
En renforçant le droit à l’acompte sur salaire, c’est‑à‑dire à la perception d’une partie du salaire déjà gagnée et dû par l’employeur sans attendre la fin du mois, cette proposition de loi apporte une réponse concrète à ces difficultés. En permettant aux travailleurs de solliciter un acompte sans risque de refus abusif, elle leur offre la possibilité d’adapter leurs rentrées d’argent à leurs besoins immédiats et d’éviter des situations de précarité évitables.
Il ne s’agit pas seulement d’améliorer la qualité de vie des salariés, mais aussi de prévenir les risques d’endettement excessif et de stress financier, qui peuvent avoir des conséquences délétères sur leur bien‑être et leur productivité.
Si le droit actuel autorise déjà les acomptes sur salaire, leur octroi demeure souvent soumis au bon vouloir de l’employeur, sans cadre réglementaire clair. Cette situation peut créer des inégalités entre les salariés, certaines entreprises accordant systématiquement des acomptes tandis que d’autres les refusent sans justification.
De surcroît, le droit existant garantit uniquement le versement sur demande de la moitié du salaire à la moitié du mois, ce qui pousse les salariés ayant recours à ce dispositif à y avoir recours tous les mois ensuite.
Ce droit est par ailleurs mal connu des salariés, en effet des sondages montrent que moins de la moitié des salariés en a connaissance. Par ailleurs, une proportion importante de salariés ne sait pas comment elle pourrait adresser une demande d’acompte à son employeur ou ressent une gêne à l’idée de demander un acompte. Les salariés peuvent craindre en effet d’embêter leurs interlocuteurs, de perturber le fonctionnement de l’entreprise ou d’avoir à se justifier face à des questions intrusives et culpabilisatrices.
La présente proposition de loi prévoit donc que le refus d’un acompte devra être encadré par un décret, précisant les motifs légitimes pour lesquels un employeur pourrait s’opposer à une telle demande. Cette mesure garantit un équilibre entre les droits des salariés et les impératifs de gestion des entreprises.
Il convient de rappeler que les avances sur salaire, qui impliquent un versement de rémunération non encore acquise, restent exclues du dispositif afin de ne pas fragiliser la trésorerie des employeurs. En revanche, l’acompte, qui correspond à un salaire déjà gagné par le salarié, doit pouvoir être obtenu plus facilement, sous réserve des limites définies par décret.
Dans un marché du travail de plus en plus concurrentiel, l’amélioration des conditions de rémunération et de flexibilité constitue un levier stratégique pour les entreprises. De nombreuses études démontrent que les salariés bénéficiant d’une meilleure gestion de leur trésorerie personnelle sont plus engagés et plus sereins dans leur travail.
Par ailleurs, les avancées technologiques permettent aujourd’hui, de la demande par le salarié à son traitement en paie en passant par son versement, une gestion complètement automatisée et instantanée des acomptes sur salaire via des plateformes numériques, minimisant ainsi la charge administrative pour les employeurs.
La mention d’un décret d’application dans la proposition de loi vise à assurer une mise en œuvre harmonieuse de cette réforme. Ce texte réglementaire définira notamment :
Les conditions dans lesquelles un acompte peut être demandé par le salarié, afin d’éviter tout abus ou difficulté organisationnelle pour l’entreprise.
Les motifs légitimes pour lesquels un employeur pourrait refuser un acompte (par exemple, en cas de difficultés de trésorerie avérées).
Les modalités de versement et les obligations administratives afférentes.
L’objectif est de garantir un dispositif simple, opérationnel et protecteur, qui permette de répondre aux besoins des salariés sans imposer une charge excessive aux entreprises.
L’article unique de cette proposition de loi s’inscrit dans une logique de modernisation du droit du travail et de protection du pouvoir d’achat des salariés. Elle ne crée pas de nouvelle obligation financière pour les entreprises, mais encadre un droit existant afin d’en assurer une application plus équitable et plus efficace.
L’article unique de la présente proposition de loi vise à renforcer le droit des travailleurs à percevoir des acomptes sur salaire en cours de mois, afin de leur offrir une plus grande souplesse financière et de mieux répondre à leurs besoins immédiats. Il s’inscrit dans une démarche de modernisation du droit du travail et d’adaptation aux réalités socio‑économiques contemporaines.
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proposition de loi
Article unique
L’avant‑dernier alinéa de l’article L. 3242‑1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début de la seconde phrase, les mots : « Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé » sont remplacés par les mots : « Des acomptes sont versés en cours de mois » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Une demande n’a pas à être justifiée par le salarié. Un décret précise les conditions dans lesquels la demande d’acompte peut être refusée, les contraintes à respecter pour son versement ainsi que les modalités d’information du salarié sur son droit à demander des acomptes. »