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N° 1099
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à établir une journée nationale d’hommage aux victimes du covid-19 et à partager la mémoire de la pandémie pour renforcer la résilience nationale,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Delphine BATHO, Mme Christine ARRIGHI, Mme Clémentine AUTAIN, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Béatrice BELLAY, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Elie CALIFER, M. Pierrick COURBON, M. Peio DUFAU, M. Philippe FAIT, M. Denis FÉGNÉ, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Damien GIRARD, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Steevy GUSTAVE, Mme Chantal JOURDAN, M. Philippe JUVIN, M. Gérard LESEUL, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Laure MILLER, Mme Naïma MOUTCHOU, Mme Julie OZENNE, Mme Sophie PANTEL, Mme Maud PETIT, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Jean-Claude RAUX, M. Davy RIMANE, Mme Valérie ROSSI, M. Aurélien ROUSSEAU, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mme Sabrina SEBAIHI, M. Boris TAVERNIER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cinq ans après le début de la pandémie de covid‑19, la France n’a toujours pas rendu un hommage national aux victimes.
Plus de 168 000 personnes sont décédées du covid‑19 en France.
Nombre d’entre elles sont mortes sans leur famille et leurs proches à leurs côtés dans leurs derniers instants. Nombre d’entre elles n’ont pas eu de funérailles normales. Au plus fort de la pandémie, les mesures de l’état d’urgence sanitaire n’ont pas permis la pratique des rituels qui accompagnent le deuil.
Ces tragédies intimes sont aussi une tragédie nationale. Cinq ans après, la pandémie reste un traumatisme dont les victimes demeurent invisibilisées. De plus, de nombreuses personnes ont été ou sont encore confrontées à des symptômes persistants de « covid long » : fatigue intense, essoufflement ou difficultés respiratoires, problèmes de mémoire, de concentration ou de sommeil, perte de l’odorat ou du goût, dépression ou anxiété…
De même l’héroïsme des soignants, des personnels des Ehpad, de toutes celles et tous ceux qui, quels que soient leurs métiers, leurs engagements civiques ou associatifs, ont assumé des fonctions essentielles aux soins, à la prévention, à la continuité de la Nation, s’ils ont marqué la mémoire collective, semblent avoir été rapidement oubliés par les pouvoirs publics. C’est pourtant leur dévouement qui a permis au pays de tenir, de sauver des vies et d’éviter un effondrement. Certaines et certains sont morts pour le service de la Nation.
La présente proposition de loi propose d’instaurer une journée nationale d’hommage aux victimes de la pandémie, comme il en existe dans d’autres pays, notamment au Canada ou encore en Italie.
Elle renouvelle le dispositif proposé, lors de la quinzième législature, avec Matthieu Orphelin et plusieurs collègues ([1]). Elle s’inspire également du texte présenté, lors de la seizième législature, par Frédéric Valletoux ([2]) qui allait dans le même sens et faisait référence à la démarche l’Institut Covid 19 Ad Memoriam. L’ensemble de ces travaux parlementaires proposaient, à juste titre, d’instaurer la journée nationale d’hommage aux victimes du covid‑19 le 17 mars chaque année, date anniversaire du début du premier confinement, le 17 mars 2020.
De plus, si la gestion de la pandémie par l’État a fait l’objet de plusieurs missions et travaux parlementaires ([3]), aucun retour d’expérience (RETEX) n’a été organisé à l’échelle nationale comme territoriale en impliquant l’ensemble des acteurs. De ce fait, la France se prive de la richesse des enseignements à retenir de la façon dont elle a affronté cette épreuve qui a durablement impacté nos vies.
Le covid‑19 nous a toutes et tous directement concernés. La maladie mais aussi les confinements successifs ont profondément marqué nos vies : isolement social et enfermement aux conséquences parfois dramatiques notamment pour les enfants et les jeunes, les personnes âgées, les couples et les familles, fermeture des écoles, chômage partiel ou total, télétravail, accès restreint à la nature… La pandémie a engendré des souffrances, des adaptations forcées, des remises en question individuelles et collectives.
Pour l’anthropologue Laëtitia Atlani‑Duault et l’institut Covid‑19 Ad Memoriam ([4]), « la pandémie constitue une rupture anthropologique majeure pour la société française, porteuse de conséquences durables ». Elle est riche de leçons pour renforcer les capacités de résilience collective du pays face à des crises majeures dans un monde en plein bouleversements, confronté à la multiplication des risques et des menaces, qu’elles soient sanitaires, climatiques ou géopolitiques.
C’est pourquoi la présente proposition de loi propose d’organiser un retour d’expérience collectif sur l’épreuve de la pandémie, en impliquant les citoyennes et les citoyens, les forces vives des corps intermédiaires, les élus locaux, les entreprises, les différents services publics à l’échelle locale comme nationale. Il s’inscrit pleinement dans les orientations de la Stratégie Nationale de Résilience visant à « se préparer en profondeur aux crises à venir ». Il s’agit à la fois de collecter la mémoire de la crise sanitaire, mais aussi de l’ingéniosité et des capacités d’auto‑organisation qui se sont mises en place de façon spontanée dans l’épreuve.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
L’article 1er institue une journée nationale d’hommage aux victimes du covid‑19 tous les 17 mars.
L’article 2 prévoit l’organisation d’un retour d’expérience collectif sur l’épreuve de la pandémie de covid‑19 dont les enseignements pour la stratégie nationale de résilience seront transmis et débattus au Parlement.
L’article 3 permet de gager financièrement la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
Une journée nationale d’hommage aux victimes du covid‑19 est instituée en France.
Cette journée est commémorée tous les 17 mars, en souvenir du premier jour du premier confinement en 2020.
Article 2
I. – Un décret définit les modalités d’organisation, à l’échelle territoriale puis nationale, d’un partage de la mémoire de la pandémie pour renforcer la résilience nationale. Ce retour d’expérience sur l’épreuve de la pandémie de covid‑19 est ouvert à la participation des citoyens et de tous les acteurs sociaux, économiques, associatifs, publics et privés.
II. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conclusions de ce retour d’expérience et à ses enseignements pour la stratégie nationale de résilience. Il fait l’objet d’un débat dans les conditions prévues par les règlements des assemblées parlementaires.
Article 3
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) Proposition de loi n° 4121 visant à établir une journée nationale d’hommage aux victimes du covid‑19 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2021.
([2]) Proposition de loi n° 1036 instituant une journée nationale d’hommage aux soignants et aux victimes du covid‑19 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.
([3]) Rapport d’information n° 3053 par la mission d’information, sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus‑Covid‑19, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2020.
Rapport d’information n° 3633 par la mission d’information (dotée des pouvoirs d’enquête) sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus‑Covid‑19, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2020.
Rapport d’enquête n° 199 fait au nom de la commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid‑19 et de sa gestion, enregistré à la Présidence du Sénat le 8 décembre 2020.
Rapport de la mission relative au contrôle qualité de la gestion de crise sanitaire, juin 2020.
Retour d’expérience du pilotage de la réponse à l’épidémie de COVID‑19 par le ministère des solidarités et de la santé, Inspection générale des affaires sociales, novembre 2020.
([4]) L’Institut Covid‑19 Ad Memoriam, créé au sein de l’université Paris Cité, a pour objectif de collecter, archiver et analyser les traces et mémoires de la pandémie. Présidé par l’anthropologue Laëtitia Atlani‑Duault, avec pour présidents d’honneur la Pr. Françoise Barré‑Sinoussi et le Pr. Jean‑François Delfraissy, il mobilise une équipe multi‑disciplinaire et associe les communautés scientifiques, économiques et la société civile pour réfléchir collectivement aux effets majeurs de la pandémie.