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N° 1207
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à instaurer un congé rémunéré pour les salariés vivant dans des zones sujettes aux événements climatiques extrêmes,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Antoine LÉAUMENT, M. Hadrien CLOUET, Mme Mathilde PANOT, les membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire [(1)],
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le changement climatique constitue un enjeu politique majeur tant les répercussions qu’il induit sont dévastatrices. L’action humaine, et notamment les émissions de gaz à effet de serre, nuisent gravement à la biodiversité et mettent en danger la vie terrestre. Ouragans, tornades, canicules, sécheresses et inondations sont de plus en plus fréquents et leurs effets concernent des millions de nos concitoyens sur tout le territoire national. En France, depuis 1982, 17 500 événements ont été à l’origine d’une reconnaissance de catastrophe naturelle et 5 700 communes sont en moyenne concernées chaque année sur les 35 000 communes que compte notre pays. Aujourd’hui, 18,5 millions d’habitants sont directement exposés aux risques d’inondation, soit plus d’un quart de la population française. Par ailleurs, près de la moitié du territoire métropolitain est exposée aux mouvements de terrain dus au retrait‑gonflement des argiles, phénomène aggravé par l’augmentation des épisodes de sécheresse et d’inondation. La multiplication de ces événements climatiques extrêmes et l’amplification de leurs effets sont la conséquence directe d’un dérèglement climatique aux effets irréversibles.
En décembre 2024, le cyclone Chido a été particulièrement dévastateur pour Mayotte, causant des destructions humaines et matérielles sans commune mesure. Selon le dernier bilan, quarante personnes sont décédées et autant disparues à la suite de cet événement climatique extrême. Une grande partie de la biodiversité a été ravagée. Le coût de la reconstruction de l’île est estimé à plus d’un milliard d’euros selon le ministre des outre‑mer.
Deux mois avant, les intempéries de la tempête Kirk, survenue le mercredi 9 octobre 2024, avaient‑elles aussi provoqué d’importants dégâts matériels et humains, causant la mort d’une personne, une douzaine de blessés et privant plus de 9 000 foyers d’électricité sur le territoire hexagonal. En tout, près de 4 500 interventions des secours ont été réalisées et plusieurs centaines de Françaises et Français ont dû être évacués de leur logement en urgence. Cette tempête constitue une illustration du désastre écologique qui se joue sous nos yeux car elle s’inscrit à la suite d’une longue liste d’événements climatiques extrêmes similaires.
En octobre 2020, la tempête Alex causa des dégâts exceptionnels sur la côte Atlantique et dans le Sud de la France. Les inondations et vents violents ont coûté la vie à onze personnes, détruit des centaines de maisons, plusieurs ponts et axes routiers.
En septembre 2017, la France était frappée par le super‑cyclone Irma, avec des vents atteignant les 249 kilomètres par heure, causant la mort de treize personnes dans les Antilles. Cette catastrophe naturelle avait également causé de graves dégâts matériels : 95 % des habitations avaient été touchées et 60 % d’entre elles avaient été rendues inhabitables.
En février 2010, la tempête Xynthia avait eu des conséquences dévastatrices dans plusieurs départements français, causant la mort de 53 personnes et des dégâts matériels considérables. Au total plus de 60 000 hectares de terres agricoles avaient été submergés par les eaux, des dizaines de quartiers avaient été ravagés, des centaines de maisons avaient été noyées et plusieurs infrastructures avaient été endommagées.
La France n’est pas la seule touchée et les pays européens ne sont pas en reste. En Espagne par exemple, les inondations des 29 et 30 octobre 2024 ont fait des centaines de morts et de nombreux dégâts matériels. Les conséquences dévastatrices de ces inondations témoignent de l’impréparation des États à ces événements climatiques extrêmes. Pourtant, les alertes quant à l’augmentation des risques d’événements climatiques extrêmes se multiplient. Dans son sixième rapport paru en 2022, le GIEC affirme que la France est l’un des pays européens les plus menacés par les inondations côtières : 900 000 personnes vivent actuellement dans ces zones à risque dans notre pays. Si les émissions restent élevées, ce chiffre pourrait s’élever à 1.7 million de personnes d’ici la fin du siècle.
Ainsi, le bouleversement climatique induit des risques sans commune mesure. Il est donc urgent de mettre en place des moyens concrets d’adaptation pour répondre aux enjeux climatiques. C’est l’objet de cette proposition de loi, qui permet aux salariés résidants ou habituellement employés dans une zone touchée par un événement climatique extrême de bénéficier d’un congé rémunéré.
L’état du droit actuel ne permet pas une prise en charge suffisante des conséquences de tels événements. En effet, les personnes touchées par les événements climatiques extrêmes doivent d’abord attendre que l’état de catastrophe naturelle soit décrété par un arrêté ministériel avant de pouvoir bénéficier de leur congé prévu à cet effet, lequel n’est de surcroît pas rémunéré. Or, le laps de temps entre la survenance de la catastrophe et la reconnaissance comme catastrophe naturelle est parfois si long - pouvant aller jusqu’à plusieurs mois - que les victimes se trouvent dans l’obligation de faire usage de leurs propres congés payés. Ainsi, les victimes en viennent à se priver d’un repos mérité pour accomplir des tâches de réparation - lesquelles devraient pourtant être considérées comme d’intérêt général. De plus, la gratuité d’un tel congé empêche les personnes financièrement fragiles, précaires ou paupérisées de secourir autrui.
Nous devons offrir une réponse collective aux effets du changement climatique car par la faute de l’inaction des dirigeants qui se sont succédés au pouvoir sur la planète entière, ce changement climatique est devenu irréversible. Notre devoir est donc de ne pas attendre la réalisation de catastrophes sans réagir mais au contraire de se préparer activement à répondre collectivement à ces enjeux.
À cet égard, les événements climatiques récents ont également permis de voir à l’œuvre une solidarité forte entre les individus – signe que l’organisation de l’entraide permet d’apporter un soutien et une réponse aux victimes dans les graves difficultés qu’elles rencontrent. L’objet de cette proposition de loi est de faciliter l’organisation matérielle de cette solidarité en libérant du temps pour ceux qui sont touchés par les catastrophes comme pour ceux qui veulent aider à y faire face.
L’article 1er de cette proposition de loi instaure un droit nouveau au bénéfice des salariés : un congé pour évènement climatique extrême, rémunéré, d’un maximum de deux jours, pour les salariés habitant ou travaillant dans une zone touchée par une catastrophe naturelle ou un événement climatique extrême. Cette mesure permettrait à chacun de prendre sa part dans la réponse collective à apporter aux changements climatiques qui touchent un grand nombre de nos concitoyens. Dès lors, permettre aux victimes d’avoir un temps dédié pour se remettre - tant psychologiquement que matériellement - des dégâts causés, semble tout à fait nécessaire et adapté. Il permettrait par ailleurs à celles et ceux qui n’ont pas été personnellement touchés par la catastrophe de venir en aide à leurs voisins directement impactés. En effet, dans ce genre de moment, notre pays fait toujours résonner le troisième mot de sa devise : fraternité.
L’article 2 précise les conditions d’accès à ce nouveau congé, notamment en s’émancipant de l’obligation de reconnaissance de catastrophe naturelle, en permettant aux salariés d’avoir droit au congé rémunéré dès le déclenchement du plan ORSEC à la suite d’un événement climatique extrême.
L’article 3 gage la proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
Après l’article 5 de la loi n° 82‑600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, il est inséré un article 5‑1 ainsi rédigé :
« Art. 5‑1. – Les salariés résidant ou habituellement employés dans une zone touchée par une catastrophe naturelle ou par un événement climatique extrême ayant pour conséquence le déclenchement d’un plan mentionné aux articles L. 741‑1 à L. 741‑4 du code de la sécurité intérieure, peuvent bénéficier d’un congé maximum de deux jours rémunérés pris en une ou plusieurs fois, à leur demande.
« La durée du congé ne peut être imputée sur celle du congé payé annuel mentionnée à l’article L. 3141‑3 du code du travail.
« L’employeur a pour obligation d’informer les salariés de leur droit au bénéfice dudit congé. »
Article 2
Le paragraphe 1 de la sous‑section 3 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 3142‑48, il est inséré un article L. 3142‑48‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3142‑48‑1. – Le salarié résidant ou habituellement employé dans une zone touchée par une catastrophe naturelle ou par un événement climatique extrême ayant pour conséquence le déclenchement d’un plan mentionné aux articles L. 741‑1 à L. 741‑4 du code de la sécurité intérieure, a droit à un congé pour événement climatique extrême de deux jours rémunérés, pris en une ou deux fois, pour participer aux activités d’organismes apportant une aide aux victimes de catastrophes naturelles. » ;
2° À l’article L. 3142‑49, après le mot : « congé », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 3142‑48 » ;
3° À l’article L. 3142‑50, les mots : « du congé » sont remplacés par les mots : « des congés mentionnés aux articles L. 3142‑48 et L. 3142‑48‑1 » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 3142‑51, après le mot : « congé », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 3142‑48 ».
Article 3
La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par :
1° La majoration du taux forfaitaire mentionné à l’article 200 A du code général des impôts ;
2° La majoration de l’impôt sur les sociétés ;
3° La majoration de l’impôt sur la fortune immobilière.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Aurélien LE COQ, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER.