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N° 1215
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à défendre la souveraineté audiovisuelle française,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Philippe BALLARD, M. Alexandre DUFOSSET, M. Julien GABARRON, M. Antoine GOLLIOT, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Serge MULLER, Mme Caroline PARMENTIER, M. Kévin PFEFFER, Mme Catherine RIMBERT, M. Lionel TIVOLI, Mme Marine HAMELET, Mme Claire MARAIS-BEUIL, Mme Michèle MARTINEZ, M. Kévin MAUVIEUX, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Jérôme BUISSON, M. Bruno CLAVET, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. Jordan GUITTON, Mme Florence JOUBERT, Mme Hélène LAPORTE, M. Patrice MARTIN, Mme Alexandra MASSON, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Thierry PEREZ, Mme Lisette POLLET, M. Julien RANCOULE, M. Philippe SCHRECK, M. Christophe BARTHÈS, M. Guillaume FLORQUIN, Mme Florence GOULET, M. Robert LE BOURGEOIS, M. René LIORET, M. Philippe LOTTIAUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Emeric SALMON, M. Frédéric WEBER, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. José BEAURAIN, M. Bruno BILDE, M. Aurélien DUTREMBLE, M. Frédéric FALCON, Mme Stéphanie GALZY, Mme Tiffany JONCOUR, Mme Julie LECHANTEUX, M. Alexandre LOUBET, M. Stéphane RAMBAUD, M. Joseph RIVIÈRE, M. Romain TONUSSI, M. Christophe BENTZ, M. Emmanuel BLAIRY, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, M. Auguste EVRARD, M. Emmanuel FOUQUART, Mme Monique GRISETI, Mme Laure LAVALETTE, M. Maxime MICHELET, M. Pascal JENFT, M. Guillaume BIGOT, M. Marc CHAVENT, M. Michel GUINIOT, Mme Joëlle MÉLIN, M. Alexandre SABATOU, M. Yoann GILLET, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Frédéric-Pierre VOS, M. Eddy CASTERMAN, M. Thibaut MONNIER, Mme Anne SICARD, M. Éric MICHOUX,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Le cadre juridique du contrôle sectoriel des concentrations spécifique aux médias est obsolète, dans ses outils et dans son approche .[…] il apparaît à plus d’un titre inadapté et complexe. Il est, en premier lieu, inadapté à la révolution numérique. »
Rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, mars 2022.
« Il est plus que temps de revisiter la réglementation anti‑concentration construite à l’heure de la diffusion par voie hertzienne, pour permettre aux autorités de régulation, et en particulier à l’Arcom, de mieux traiter la dimension plurimédia des groupes. »
M. Roch‑Olivier Maistre, président de l’Arcom, mars 2024.
« La concentration est parfois indispensable pour créer des champions […] elle est indispensable si on veut résister à l’échelle mondiale. »
M. Francis Balle, ancien membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et professeur émérite, novembre 2024.
Le secteur de l’audiovisuel connaît depuis plusieurs décennies de profondes transformations dont la plus significative est la création de nombreuses plateformes de vidéos à la demande par abonnement (SVOD). Cela a augmenté de manière exponentielle l’offre de programmes et concurrencé de manière frontale les chaînes gratuites françaises hertziennes.
Face à ces évolutions, la puissance publique est demeurée jusqu’à présent en retrait, peinant à réformer un cadre législatif posé en 1986 pour réguler un univers strictement national à une époque où Internet n’existait pas. Le développement des plateformes principalement américaines en France a donc été d’autant plus aisé que ces dernières n’ont pas eu à respecter l’ensemble des contraintes législatives et réglementaires qui s’appliquent à leurs concurrents proposant des services principalement linéaires. Elles n’ont été soumises que récemment à des obligations d’investissement dans la production à hauteur de 20 % de leur chiffre d’affaires.
La réglementation anti‑concentration dans le secteur audiovisuel apparaît excessivement complexe et contraignante. Ce constat est partagé par de nombreux rapports, certains anciens, comme celui de M. Alain Lancelot en 2005, qui dénonçait « une complexité extrême due à la sédimentation des textes », d’autres plus récents, comme le rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles de 2022, lesquelles pointaient une réglementation « particulièrement complexe » du fait d’un « empilement de dispositions nouvelles, sans “toilettage” – et encore moins de réexamen d’ensemble depuis 1986 ».
Or ces nombreux seuils sont obsolètes et issus d’une période où ni internet ni les plateformes n’existaient et sont ainsi en totale déconnexion des réalités du marché.
Pour certains défenseurs des seuils, les opérations de concentration porteraient nécessairement atteinte au pluralisme. Or, les comparaisons internationales démontrent que la France ne se classe pas parmi les pays où la concentration dans les médias est la plus élevée. Ainsi, les travaux menés par le Centre européen pour le pluralisme et la liberté des médias, centre de recherche rattaché à l’Institut universitaire européen de Florence, mettent en évidence un degré inférieur à la moyenne européenne. La concentration des médias apparaît notamment plus faible qu’en Italie, en Espagne ou en Suède. En outre, l’approche fondée sur les parts d’attention place la France parmi les pays où la concentration est la plus faible.
De plus, les opérations de concentration ne portent pas atteinte au pluralisme car des règles strictes garantissent également le pluralisme interne en France et sont garanties par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). C’est notamment ce qu’ont jugé par exemple les représentants de France Télévisions en rappelant la position favorable de la présidente Mme Delphine Ernotte‑Cunci au projet de fusion entre TF1 et M6.
Face à la fragilisation des modèles économiques de nos acteurs traditionnels nationaux due en grande partie à la délinéarisation des comportements audiovisuels et la captation des recettes publicitaires par les acteurs du numériques, il est indispensable d’assouplir les règles anti‑concentration, afin de permettre aux médias de réaliser des économie d’échelle et de réduire leurs coûts de production.
En empêchant les acteurs audiovisuels de se rapprocher, lorsqu’ils le souhaitent, le dispositif anti‑concentration bride le développement du secteur. En unissant davantage leurs forces, les acteurs audiovisuels seraient mieux à même de rivaliser avec ces plateformes.
Dans le rapport précité, l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires culturelles déclaraient en ce sens que « cette concurrence accrue justifie, du point de vue des éditeurs, des stratégies visant à constituer des « champions » audiovisuels nationaux ou européens, à même de rivaliser avec les plateformes numériques américaines. »
C’est pourquoi Il est temps de lancer un grand chantier afin de permettre l’émergence de champions audiovisuels nationaux à même de garantir notre souveraineté audiovisuelle française.
L’article 1er vise donc à supprimer l’alinéa 1 de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 fixant à 160 millions d’habitants le seuil maximal de couverture de la population au niveau national pour les services de radio. Ce seuil est en effet totalement obsolète et ne reflète plus la réalité du marché mondial, marqué par l’essor du numérique. Ce seuil est anachronique et nuit à la compétitivité de nos groupes nationaux en les empêchant d’effectuer des regroupements stratégiques. La disparition de ce seuil anti‑concentration fait l’objet d’un large consensus des acteurs du secteur radiophonique.
Puis à modifier l’alinéa 4 de l’article 41 de cette même loi qui fixe le cadre applicable pour les cumuls d’autorisation pour les services de radio et de télévisions, afin de supprimer la limite de sept autorisations d’émettre par la voie hertzienne en mode numérique. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en 2004 lors du rehaussement de ce plafond avait déjà considéré que celui‑ci créait « une situation de blocage » pour les différents opérateurs du secteur.
L’article 2 vise lui à modifier l’article 42‑3 de cette même loi afin de porter à un an la durée pendant laquelle le détenteur d’une autorisation d’émettre ne peut céder le contrôle de l’entreprise qui édite les programmes. Cette disposition vise à ne pas retarder inutilement la mise en œuvre de projets permettant d’adapter les entreprises du secteur face aux grandes plateformes tout en évitant d’éventuelles dérives spéculatives et en ne remettant pas en cause les attributions de fréquences ayant déjà eu lieu avant la promulgation de cette loi.
L’article 3 vise à créer un article 33‑3 dans cette même loi, afin de modifier les règles applicables à la diffusion des mentions légales à la radio. Face à la préemption des revenus publicitaires toujours plus importante des plateformes, il est indispensable d’alléger les règles obsolètes auxquelles sont soumises les radios. Cet article vise donc, à permettre aux acteurs radiophoniques d’effectuer plus systématiquement la mise à disposition pour le consommateur de l’ensemble des mentions imposées dans les communications commerciales radiophoniques sur un autre support, dès lors qu’il est aisément accessible et clairement indiqué dans celles‑ci.
L’article 4 vise à modifier l’article 53 de cette même loi, fixant le cadre légal des contrats d’objectif et de moyen des sociétés de l’audiovisuel public. Le principe d’une prise en compte du parrainage et des publicités digitales est essentiel et souhaitable face aux asymétries existantes avec les acteurs privés et celui‑ci doit s’accompagner d’un plafonnement fixe des ressources publiques. Les acteurs privés ne peuvent se permettre d’être dans le flou chaque année sur la part du marché publicitaire que l’audiovisuel public va préempter alors même que leurs ressources publicitaires sont de plus en plus captées par les plateformes numériques.
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proposition de loi
Article 1er
L’article 41 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « d’un nombre maximal de sept » sont remplacés par les mots : « de plusieurs ».
Article 2
I. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article 42‑3 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Les mots : « de cinq ans » sont remplacés par les mots « d’un an » ;
2° Sont ajoutés les mots : « , ou si l’Autorité estime que cette modification du contrôle n’a pas un objectif manifestement spéculatif ».
II. – Pour chacune des autorisations délivrées par l’Autorité de communication audiovisuelle et numérique sur le fondement de l’article 30‑1 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication avant la promulgation de la présente loi, le I entre en vigueur à compter de la date d’expiration de l’autorisation concernée.
Article 3
L’article 43 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un II ainsi rédigé :
« La liste de ces supports est fixée par décret. »
Article 4
Après le onzième alinéa du I de l’article 53 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de Radio France fixent un niveau maximal de recettes publicitaires et de parrainage, y compris numériques. »
Article 5
La perte de recettes pour Radio France et France Télévisions est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.