N° 1236

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses dispositions relatives aux fonctionnaires originaires d’outre-mer,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Nicole SANQUER, Mme Maud PETIT, M. Mikaele SEO, M. Christian BAPTISTE, M. Paul-André COLOMBANI, M. Nicolas METZDORF, M. Marc CHAVENT, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Joël BRUNEAU, M. Moerani FRÉBAULT, M. Salvatore CASTIGLIONE, M. Laurent MAZAURY, M. Davy RIMANE, M. Frantz GUMBS, M. Steevy GUSTAVE, Mme Estelle YOUSSOUFFA,

députées et députés.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les fonctionnaires originaires des collectivités d’outre‑mer (COM) les plus éloignées du territoire hexagonal font face à des inégalités persistantes dans leur carrière. Ces écarts concernent des éléments essentiels de leur parcours professionnel  : la retraite, les congés et l’aide à la mobilité dans l’hexagone. Ces injustices, largement reconnues, nourrissent un sentiment de relégation de ces agents publics pourtant pleinement engagés au service de l’État.

Cette proposition de loi vise à corriger ces déséquilibres en adaptant plusieurs dispositifs existants, afin de garantir l’égalité de traitement de tous les fonctionnaires ultramarins, quel que soit leur territoire d’origine.

Article 1er : Allonger les délais pour accéder à la cotisation volontaire de retraite (CVR)

Jusqu’en 2024, les fonctionnaires de l’État en poste dans certaines collectivités d’outre‑mer bénéficiaient d’une indemnité temporaire de retraite (ITR). Ce complément de pension était destiné à compenser le coût de la vie plus élevé dans ces territoires. Supprimée pour la Polynésie française, cette indemnité a été remplacée par la cotisation volontaire de retraite (CVR), laquelle permet aux agents d’augmenter leur future pension en cotisant volontairement au régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) sur la part de traitement indiciaire majorée du fait de leur affectation outre‑mer. Cette cotisation vient s’ajouter à la cotisation obligatoire déjà prélevée sur leur traitement de base.

Cependant, le droit d’option pour cette cotisation volontaire a été initialement limité à une période de six mois, et certains agents – déjà en poste ou momentanément en congé – n’ont pu y accéder. Pour rétablir l’équité, l’article 1er de la présente proposition de loi entend :

– prolonger ce droit d’option jusqu’au 31 décembre 2025 pour les agents en poste au moment de la réforme ;

– ouvrir ce droit aux agents en disponibilité, détachement ou congé parental, dès leur reprise d’activité.

Article 2 : Étendre les congés bonifiés aux agents territoriaux et hospitaliers originaires des collectivités d’outremer

Les congés bonifiés ont été institués au profit des agents des trois fonctions publiques exerçant dans les territoires d’outre‑mer. Sous réserve de remplir certaines conditions – notamment justifier de leur centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) – ces congés offrent la possibilité de bénéficier d’une prise en charge des frais de voyage pour retourner dans le territoire d’origine, pour une durée maximale de 31 jours consécutifs.

Dans la fonction publique d’État, un décret du 2 juillet 2020 a modernisé ce dispositif et étendu son bénéfice à ceux dont le CIMM se situe en Polynésie française, à Wallis‑et‑Futuna ou en Nouvelle‑Calédonie, garantissant ainsi une égalité de traitement entre les fonctionnaires ultramarins. Durant la période de congé bonifié, une majoration de traitement est appliquée, qui prend la forme, selon les cas, d’une indemnité de cherté de vie (notamment pour les départements‑régions d’outre‑mer) ou d’un coefficient de majoration (pour les COM) afin de tenir compte du coût de la vie dans le territoire concerné.

En revanche, dans la fonction publique territoriale et hospitalière, le régime des congés bonifiés relève de la loi et n’a pas été révisé de la même façon. L’article L. 651‑1 du code général de la fonction publique ne vise que les agents ayant leur CIMM dans certains territoires ultramarins (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin ou Saint‑Pierre‑et‑Miquelon) lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans l’hexagone. Les collectivités du Pacifique (Polynésie française, Wallis‑et‑Futuna et Nouvelle‑Calédonie) en sont exclues, alors même que l’éloignement et le coût des déplacements y sont particulièrement élevés. L’article L.  652‑2 du même code n’autorise, pour ces agents, que le cumul de congés sur deux ans, sans leur offrir les mêmes garanties de prise en charge et de rémunération.

Afin de supprimer cette inégalité de traitement et conformément aux principes posés par la loi du 30 juin 1950, la présente proposition de loi vise à étendre les congés bonifiés, avec toutes leurs modalités (prise en charge des frais de transport et majoration de traitement), aux agents publics territoriaux et hospitaliers originaires des collectivités du Pacifique.

Article 3 : Élargir la prime d’installation aux fonctionnaires ultramarins affectés dans l’hexagone

L’article 1er du décret n° 2001‑1225 du 20 décembre 2001 instaure une prime spécifique d’installation pour les fonctionnaires et magistrats originaires d’un département ou d’une région d’outre‑mer (DROM), dès lors qu’ils reçoivent leur première affectation dans l’hexagone après une mutation, une promotion ou un recrutement, et qu’ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services.

Cette prime, qui compense en partie les coûts de déplacement et d’installation dans l’hexagone, n’est pas accordée aux agents venant des COM : Polynésie française, Nouvelle‑Calédonie, Wallis‑et‑Futuna, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. Or ces territoires, souvent les plus éloignés du territoire hexagonal, impliquent des frais de transport et de séjour nettement supérieurs, ce qui crée une inégalité de traitement basée sur le lieu d’origine.

En effet, un fonctionnaire stagiaire ne peut pas toujours obtenir de poste dans son territoire d’attache si aucun emploi n’y est disponible. Il se voit donc contraint de partir dans l’hexagone, avec des dépenses de voyage et d’installation qui pèsent lourdement sur son budget, surtout dans le contexte de cherté de la vie liée à l’insularité. Ce problème se pose également lorsqu’un agent, après un examen professionnel ou un avancement, doit être affecté ailleurs que dans son territoire d’origine.

Afin de remédier à cette discrimination, la présente proposition de loi vise à étendre la prime spécifique d’installation aux fonctionnaires ultramarins des COM – Polynésie française, Nouvelle‑Calédonie, îles Wallis et Futuna, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon – dans les mêmes conditions que pour ceux issus des DROM. Cette mesure contribue à favoriser leurs carrières, renforce l’égalité de tous les agents ultramarins et, in fine, encourage l’océanisation des cadres.

Article 4 : Gage financier

Enfin, l’article 4 assure la compensation financière de ces mesures.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

I. – L’article 76 bis de la loi n° 2003‑775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi modifié :

1° Le IV est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Aux fonctionnaires de l’État, magistrats et militaires en disponibilité, détachement ou congé parental au 1er janvier 2024 justifiant d’une résidence effective dans les territoires mentionnés au I. » ;

2° Le V est ainsi rédigé :

« V. – Pour les fonctionnaires de l’État, les magistrats et les militaires mentionnés aux I, II et IV du présent article, le droit de cotiser volontairement au régime mentionné au I est ouvert jusqu’au 31 décembre 2025. »

Article 2

Le chapitre II du titre V du livre VI du code général de la fonction publique est complété un article L. 652‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 6523. – Le fonctionnaire territorial ou le fonctionnaire hospitalier dont le centre des intérêts matériels et moraux est situé en Polynésie française, à Wallis et Futuna ou en Nouvelle‑Calédonie et exerçant ses fonctions sur le territoire européen de la France bénéficie du régime de congé bonifié institué pour les fonctionnaires de l’État dans la même situation. »

Article 3

Le chapitre II du titre IV du livre VII du code général de la fonction publique est complété par article L. 742‑7 ainsi rédigé :

« Art. L. 7427. – I. – Les fonctionnaires de l’État et les magistrats, titulaires ou stagiaires, affectés en Polynésie française, en Nouvelle‑Calédonie, à Wallis et Futuna ou à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon qui reçoivent une première affectation sur le territoire européen de la France à la suite d’une mutation ou d’une promotion perçoivent une indemnité spécifique d’installation.

« II. – Cette indemnité spécifique d’installation est également versée aux fonctionnaires dont la résidence familiale se situe dans un des territoires mentionnés au I et qui sont affectés sur le territoire européen de la France à la suite de leur entrée dans l’administration.

« III. – Cette indemnité spécifique d’installation est soumise à retenue pour pension, non renouvelable, et assortie, le cas échéant, des majorations familiales de cette indemnité. Elle est fixée et versée dans les mêmes conditions que celles applicables aux fonctionnaires d’État et magistrats dont la résidence familiale se situe dans un département d’outre‑mer placés dans la même situation. »

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre 1er du livre III du code des impositions des biens et des services.

IV. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.