N° 1308

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre le processus d’évaluation des compétences médicales des praticiens à diplôme hors Union européenne plus juste et transparent,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Romain ESKENAZI,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) jouent un rôle actuellement central dans le système de santé français, notamment dans les zones les plus touchées par la pénurie de médecins. Leur présence est indispensable pour assurer un accès aux soins à des millions de Français.

Au 1er janvier 2025, exactement 19 154 médecins à diplôme hors Union européenne (PADHUE) sont inscrits au tableau de l’Ordre, exerçant ou non une activité, contre seulement 7 963 en 2010, soit une augmentation de 141 % sur la période (+ 11 191 médecins). Ils représentent jusqu’à 38 % des soignants dans certains hôpitaux, et sont présents dans des territoires sous‑dotés, notamment certaines zones rurales et périurbaines. Selon les chiffres du Conseil national de l’ordre, les PADHUE représentent plus de 8 % des actifs médicaux en Côtes‑d’Armor, cette proportion s’élève à près d’un tiers dans l’Aisne et l’Eure‑et‑Loir.

Les PADHUE assurent des soins vitaux, prennent en charge les urgences et pallient le manque criant de médecins dans de nombreux hôpitaux. Malgré cet apport indéniable, le système de santé français ne leur reconnaît pas les compétences qui sont pourtant sollicitées au quotidien pour le tenir à bout de bras. Ainsi, ils étaient près de 7 000 PADHUE à travailler sous un statut précaire (faisant fonction d’interne ou stagiaire associé) en 2023, selon la Fédération hospitalière de France (FHF). De ce fait, ils sont piégés dans une précarité multiple. Financièrement, ils sont rémunérés un peu au‑dessus du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Administrativement, ils doivent renouveler leur titre de séjour tous les douze, six, voire trois mois. Pendant la crise du covid‑19, leur engagement avait été reconnu par un statut spécifique. Mais depuis, la loi Valletoux les a plongés dans un vide juridique, les contraignant à repasser un concours sans prise en compte de leur expérience.

En effet, ces praticiens sont confrontés à une procédure particulièrement complexe pour pouvoir exercer en France :

1. Les candidats doivent tout d’abord satisfaire des épreuves de vérification des connaissances (EVC), avec un nombre de lauréats limité chaque année ;

2. Les lauréats des EVC entament ensuite une période probatoire dans le cadre d’un parcours de consolidation de compétences d’une durée de 2 ans minimum et reconductible (médecin ou pharmacien) ou d’un an (sage‑femme ou chirurgien‑dentiste) ;

3. À l’issue de cette période, une autorisation de plein exercice peut leur être délivrée après avis d’une commission nationale. Le cas échéant, ils doivent recommencer.

Ainsi, les PADHUE, pour espérer travailler dans les mêmes conditions que leurs confrères d’origine européenne, doivent, pour être admis, se préparer au concours des EVC alors qu’ils travaillent en moyenne entre 50 et 75 heures par semaine (Enquête temps de travail 2023 par l’Intersyndicale nationale des internes – ISNI).

Or les critères d’admission à ce concours sont critiquables : en 2024, 20 % des postes initialement ouverts lors de cette session du concours n’ont pas été pourvus puisque seuls 3 235 candidats ont été admis au concours sur liste principale pour 4 000 postes ouverts. En effet, nombre de professionnels exerçant déjà sur notre territoire et ayant obtenu des notes supérieures à la moyenne se sont vus refuser leur admission. Cette décision de l’administration constitue un non‑sens qui freine l’intégration de praticiens compétents et compromet la réponse aux besoins en personnel médical, tout en laissant ces personnels pourtant indispensables dans une situation de précarité extrême. Parmi ceux rejetés, certains justifiaient de moyennes supérieures à 14 sur 20, soulignant davantage l’injustice de la situation. Cette procédure de régularisation médicale, c’est‑à‑dire de reconnaissance des connaissances et des compétences, ne peut pas ne pas tenir compte de leur expérience probante de plusieurs années sur notre territoire, d’autant plus face aux besoins criants des professionnels de santé.

Ensuite, concernant les stages, le système, là encore, joue contre les PADHUE : les admis ne choisissent pas leur lieu de stage et sont parfois placés dans des services autres que ceux de leur spécialité. Ils sont donc rejetés à la fin de ce processus (d’environ un an à deux ans) et doivent se présenter à nouveau aux EVC, en continuant à travailler plus de 50 heures hebdomadaires. L’hypocrisie du système français face aux PADHUE doit cesser : nous profitons de leurs compétences et leur dévouement, nous en dépendons, mais nous les maintenons dans des conditions précaires indécentes. Les réformes récentes accordent une avancée pour les PADHUE, pour que leur rémunération atteigne 31 204,37 euros bruts annuels, soit un peu plus de 8 euros net par heure (sur une base de 59 heures hebdomadaires, moyenne des internes en France en 2023, selon l’ISNI).

Poussés à bout, des centaines de PADHUE ont entamé le 5 mars 2025 une grève de la faim afin d’obtenir une évolution des modalités de leur régularisation. Leur volonté d’exercer la médecine en France, où nous avons besoin d’elles et d’eux, les pousse à mettre leur vie en danger. Sans eux, nos Centres Hospitaliers Universitaires et nos hôpitaux de proximité ne pourraient pas fonctionner.

Dans un contexte où nos soignants fuient sous la pression d’un système au bord de l’effondrement, où les fermetures de lits se multiplient et les urgences sont saturées, il est indispensable d’agir sans tarder pour intégrer pleinement ces professionnels et renforcer durablement notre système de santé. L’objet de la présente proposition de loi est donc de rendre le processus de reconnaissance des compétences médicales des praticiens à diplôme hors Union européenne plus juste et plus transparent :

L’article 1er allonge l’accès des médecins et des pharmaciens au statut de Praticiens Associés Contractuels Temporaires (PACT), aboutissement de la loi Valletoux, à 25 mois, sans que son renouvellement nécessite une justification.

L’article 2 étend, de certains territoires ultramarins à l’ensemble du territoire, la possibilité pour les agences régionales de santé (ARS) de déroger à la réglementation sur le parcours de validation des connaissances pour autoriser provisoirement des PADHUE exerçant sur le territoire depuis 5 ans à exercer dans une structure de santé pour les territoires en tension. Cette autorisation provisoire vise à répondre à un besoin aigu sur un territoire donné.

L’article 3 modifie les règles de titularisation des PADHUE en supprimant la limitation du nombre de candidats admissibles aux EVC, en autorisant à tenter ces épreuves de manière illimitée ; et en garantissant l’admission aux épreuves des candidats justifiant d’au moins trois ans d’exercice et obtenant une moyenne d’au moins 10/20 à l’épreuve.

L’article 4 gage la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

Les articles L. 4111‑2‑1 et L. 4221‑12‑1 du code de la santé publique sont ainsi modifiés :

1° La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « treize » est remplacé par le mot : « vingt‑cinq ».

Article 2

Les articles L. 4131‑5 et L. 4221‑14‑3 du code de la santé publique sont ainsi modifiés :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

Article 3

I. – Le I de l’article L. 4111‑2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « ainsi que celles dans lesquelles est fixé le nombre maximum de candidats susceptibles d’être reçus » sont supprimés ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont réputées avoir satisfait aux épreuves de vérification de connaissances prévues au deuxième alinéa du présent I les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I justifiant avoir exercé la profession, le cas échéant dans la spécialité, de manière rémunérée au sein d’établissements de santé publics ou privés à but non lucratif, d’établissements sociaux ou médico‑sociaux ou de structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 6323‑1 et L. 6323‑3, pendant au moins trois ans à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente en France, et ayant obtenu une moyenne générale supérieure ou égale à 10 sur 20 aux épreuves de vérification des connaissances, sans note éliminatoire » ;

3° Le huitième alinéa est ainsi rédigé : 

« Les épreuves de vérification des connaissances telles que prévues au présent article ne sont pas soumises à un nombre limité de tentatives. »

II. – Les dispositions prévues au présent I s’appliquent à compter de la publication de la présente loi, incluant donc les épreuves de vérification de connaissances 2024, dont la liste complémentaire des lauréats n’a pas encore été publiée. Cette liste doit être révisée en conséquence avant publication.

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.