N° 1332
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer l’accès au logement des travailleurs des services publics,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. David AMIEL,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi découle d’un constat simple : les travailleurs indispensables au bon fonctionnement de nos services publics ne parviennent plus à se loger dans de nombreuses parties du territoire. Nombre d’entre eux sont confrontés à d’importantes difficultés dans leur parcours résidentiel, les empêchant de vivre à une distance raisonnable de leurs emplois, contraignant certains à réaliser quotidiennement des trajets considérables au détriment de leur vie de famille et au prix de dépenses importantes et d’autres à se loger dans des conditions indignes.
Lorsque ces travailleurs se logent dans de telles conditions, c’est l’ensemble du fonctionnement du service public qui est menacé. La situation est aujourd’hui insoutenable dans de nombreuses communes de France, elle alimente durablement la crise d’attractivité de la fonction publique, qui, des hôpitaux jusqu’aux écoles, peine aujourd’hui à réaliser les recrutements indispensables.
Ces difficultés spécifiques ne sont bien entendu qu’une facette de la crise plus générale du logement, qui touche l’ensemble des Français, bien au‑delà des seuls agents publics, et appelle des réformes d’ampleur. Face à l’urgence, cette proposition de loi propose des avancées concrètes et rapides, d’autant plus nécessaires que les agents publics ne disposent pas, contrairement aux salariés du secteur privé, d’Action logement. À travers le pays, de nombreux employeurs, organisations syndicales, collectivités, acteurs du logement multiplient les initiatives en faveur du logement des travailleurs du service public, qui ont besoin d’être épaulées. Fruit d’un travail de concertation de plusieurs mois, cette proposition de loi entend retranscrire les préconisations dégagées lors du rapport « Loger les travailleurs des services publics », remis au Gouvernement en avril 2024.
L’article 1er vise à augmenter l’offre de logements sociaux à destination des agents publics en facilitant la proposition de logements liés à une fonction. Plus précisément, il facilite l’application de l’article L 442‑7 du Code de la construction et de l’habitation, en permettant la mise à disposition de logements attachés à une fonction au sein du parc social pour des travailleurs des services publics, lorsque leur employeur a acquis des droits de réservation à cette fin. L’article existant, qui visait le même objectif, a une rédaction vieillie, qui le rend difficilement actionnable. Il est par ailleurs borné à la fonction publique d’État, alors que nous proposons de l’étendre à la fonction publique hospitalière, à la fonction publique territoriale et aux entreprises publiques. Nous proposons également d’apporter une meilleure information aux locataires concernés et une meilleure protection, en prévoyant que le gouvernement définisse par décret des situations permettant de conserver son logement en cas de cessation de la fonction. Cela augmentera l’offre de logements, en incitant à acquérir des droits de réservation et à soutenir ainsi les bailleurs sociaux, et mettra davantage de logements à disposition des travailleurs des services publics sans en retirer à d’autres.
L’article 2 vise à augmenter l’offre de logements sociaux à destination des agents publics en permettant d’acquérir davantage de droits de réservation en cas d’apport en terrain. Aujourd’hui lorsqu’une administration cède un terrain, avec décote, en vue de la construction de logements sociaux elle ne peut bénéficier qu’au maximum de 10 % des logements sociaux du programme. Ce texte propose d’augmenter ce contingent à 50 % voire jusqu’à 70 % si la collectivité territoriale, participant à l’opération de construction, n’apporte aucune garantie d’emprunt ou renonce au contingent auquel elle peut prétendre.
L’article 3 vise à augmenter l’offre de logements sociaux à destination de certains salariés et agents publics exerçant des métiers liés à la sécurité en permettant de mieux cibler leur emplacement. Plus précisément, il vise à sortir de la gestion en flux, instaurée par la loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique (Elan), les réservations de logements sociaux à destination des services de douanes et des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire. En maintenant ces publics dans le périmètre de la gestion en stock, cette disposition permettrait aux employeurs publics de choisir précisément le lieu dans lequel ils souhaitent réserver des logements. Une telle exception, qui existe déjà pour les logements réservés par les services de la défense nationale, des établissements de santé et de la sécurité intérieure, s’explique notamment par l’activité spécifique de ces salariés et agents publics qui pour des raisons tenant à leur activité ne peuvent pas être logés dans n’importe quel quartier, au risque de compromettre leur sécurité. Cet article vise également à appliquer la gestion en stock aux travailleurs des services publics de transport, eu égard notamment aux besoins de leurs agents de sûreté comme de la constitution historique de leur parc immobilier, pensé précisément pour pouvoir loger des travailleurs très près de leur lieu de travail.
L’article 4 vise à augmenter l’offre de logements, notamment pour des agents publics, en simplifiant la construction de logements sur des sites affectés dans les plans locaux d’urbanisme à des équipements publics. Aujourd’hui lorsqu’une personne publique dispose d’une surface ou d’un bâtiment qu’elle considère surdimensionné la reconversion de ce foncier en logement est bien souvent rendue impossible par les plans locaux d’urbanisme. Ce texte propose de simplifier ces procédures en conférant, aux administrations qui souhaitent reconvertir ou construire des logements pour leurs agents sur une partie de leurs fonciers, la possibilité de déroger aux plans locaux d’urbanisme.
L’article 5 vise à augmenter l’offre de logements, notamment de logements intermédiaires, à destination des agents publics en simplifiant la gestion du parc détenu par les employeurs publics. Il vise à clarifier les modalités d’externalisation de la gestion locative des établissements publics et sécurise un cadre juridique incertain. Il s’agit pour la personne publique qui a fait le choix de déléguer la gestion de son offre locative à un tiers, de s’assurer que ce dernier puisse effectivement gérer les recettes et les dépenses issues de la location des logements.
L’article 6 vise à dresser les prémices d’un « Action Logement du secteur public » en demandant au gouvernement de rédiger un rapport, en concertation avec les organisations représentatives du personnel et des employeurs des trois versants de la fonction publique, sous 12 mois concernant sa gouvernance et ses déclinaisons locales. Il ne s’agit pas ici de créer une nouvelle agence, mais d’interpeller le gouvernement sur la nécessité de réorganiser la politique interne de logement de la fonction publique, qui ne fait l’objet d’aucune coordination de l’ingénierie, ni d’aucun pilotage stratégique.
L’article 7 tient compte des effets éventuels de ces propositions sur les finances publiques avec un gage.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
L’article L. 442‑7 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 442‑7. – I. – Les organismes à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411‑2, les sociétés mixtes agréées en application de l’article L. 481‑1 et toutes leurs filiales, les filiales de la société mentionnée à l’article L. 313‑20 mettent fin au contrat de location qu’ils ont passés avec un agent public civil ou militaire relevant de l’un des trois versants de la fonction publique ou un employé d’une entreprise publique au sens de la directive 80/723/CEE de la Commission du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ou d’une agence ou d’un établissement public si les conditions suivantes sont remplies :
« a) Cet agent ou employé s’est vu attribuer un logement sur proposition de son employeur dans le cadre des réservations dont il dispose dans le patrimoine des organismes ;
« b) La décision d’attribution notifiée au ménage mentionne la conditionnalité de son logement avec l’exercice d’un emploi déterminé auprès de l’employeur qui a proposé l’attribution et le ménage a accepté par écrit les termes de cette conditionnalité préalablement à la signature du bail et à son entrée dans les lieux.
« À compter du moment où il a été prévenu par l’employeur de son souhait d’appliquer la clause ci‑dessus suite au changement d’emploi de l’agent ou de l’employé, le bailleur informe dans un délai de deux mois le locataire de sa décision de mettre fin à la location. Le locataire dispose, à compter de cette notification, d’un délai de six mois pour libérer les lieux.
« II. – Pour l’application du présent I, les réservations correspondent aux logements faisant l’objet d’une convention de réservation signée directement par son employeur, ou par l’intermédiaire d’une association, d’une fondation ou d’un organisme créé par l’employeur en vue de répondre aux besoins en logements de ses agents.
« III. – Les dispositions du I ne sont pas applicables lorsque le locataire répond aux exceptions définies par décret. »
Article 2
L’article L. 3211‑7 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa du V est ainsi rédigé :
« La convention peut prévoir, en outre, le droit de réservation d’un contingent plafonné à 50 % des logements sociaux du programme, au profit de l’administration qui cède son terrain avec décote, pour le logement de ses agents, au‑delà du contingent dont dispose l’État. » ;
2° Après le même sixième alinéa du même V, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le taux précité peut s’élever à 70 % si le programme ne fait l’objet d’aucune garantie d’emprunt de la part d’une collectivité territoriale.
« L’administration qui cède son terrain avec décote, peut décider de déléguer par convention le contingent auquel elle peut prétendre à une autre administration. »
Article 3
L’article L. 441‑1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du trente‑neuvième alinéa, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou des logements à destination des douanes ou des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire ou, dans les zones mentionnées à l’article 17 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, par des entreprises assurant un service public de transport au sens de l’article L. 1221‑3 du code des transports » :
2° Après le quarante‑et‑unième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il détermine enfin les limites et conditions dans lesquelles un organisme d’habitations à loyer modéré, filiale directe ou indirecte d’entreprises assurant un service public de transport au sens de l’article L. 1221‑3 du code des transports peut, pour tout ou partie de son patrimoine, contracter des obligations de réservation de logements mentionnés au premier alinéa, identifiées précisément, dans les zones mentionnées à l’article 17 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 précitée, pour y loger leurs salariés. »
Article 4
La section 2 du chapitre II du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme est complétée par un article L. 152‑6‑5 ainsi rédigé :
« Art L. 152‑6‑5. – En tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire ou prendre la décision sur une déclaration préalable peut, par décision motivée, accorder des dérogations à une ou plusieurs règles du plan local d’urbanisme pour permettre la construction de logements sur un foncier détenu par une personne publique. »
Article 5
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1611‑7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Aux immeubles leur appartenant et confiés en gérance, ou aux domaines leur appartenant.
« Les modalités d’application du 5° sont fixées par décret. » ;
2° L’article L. 1611‑7‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa premier, les revenus mentionnés au 2° peuvent concerner les opérations de recouvrement tirés des immeubles appartenant aux établissements publics et confiés en gérance. »
Article 6
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport, élaboré en concertation avec les organisations représentatives du personnel et des employeurs des trois versants de la fonction publique, déclinant les modalités d’élaboration d’une « action logement du secteur public » en précisant notamment sa gouvernance et ses déclinaisons locales.
Article 7
I. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les alcools prévue au chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.