N° 1396

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à autoriser, sur la base du volontariat, le travail des salariés des commerces de proximité le 1er mai,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Julien DIVE, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Jean-Didier BERGER, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Marie-Christine DALLOZ, M. Vincent DESCOEUR, Mme Sylvie DEZARNAUD, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, M. Patrick HETZEL, M. Vincent JEANBRUN, M. Corentin LE FUR, M. Guillaume LEPERS, M. Eric LIÉGEON, Mme Alexandra MARTIN, M. Jérôme NURY, M. Éric PAUGET, M. Nicolas RAY, M. Jean-Pierre TAITE, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Stéphane VIRY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La législation française a encore du pain sur la planche. En 2021, Jean‑François, artisan boulanger à Paris, ouvre sa boutique comme à son habitude le 1er mai. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’il apprend qu’il encourt une amende de 78 750 euros pour avoir osé… travailler. Motif : il avait fait appel à ses salariés ce jour‑là, sans savoir que le 1er mai est, pour les commerces de proximité, un jour chômé obligatoire.

Symbole historique du droit au repos, le 1er mai est, à juste titre, reconnu par le Code du travail comme un jour férié chômé et payé. L’article L. 3133‑4 dispose en effet que nul salarié ne peut être contraint de travailler ce jour‑là, sauf dans les services indispensables à la continuité de la vie nationale, comme les hôpitaux ou les transports.

Mais cette règle, qui entend protéger les salariés, devient un carcan dès lors qu’elle s’applique indistinctement, sans tenir compte de la diversité des réalités économiques et sociales du pays.

En effet, des milliers de boulangers, de fleuristes, de bouchers, de charcutiers et d’artisans de proximité souhaitent, chaque année, ouvrir leurs portes le 1er mai. Non par provocation. Non par mépris des droits sociaux. Mais parce que leur activité est saisonnière, fragile, précieuse. Parce que ce jour férié représente aussi, pour eux, un moment de vie locale, un pic d’activité, un service attendu par leurs clients, notamment en zones rurales ou dans les quartiers.

Beaucoup de leurs salariés, attachés à leur métier, se disent prêts à travailler ce jour‑là, à condition de le faire librement, volontairement, avec des compensations justes – comme une rémunération doublée ou un repos équivalent.

Et pourtant, la loi interdit formellement cette possibilité. Toute entreprise artisanale qui emploierait un salarié le 1er mai s’expose à une amende de 750 euros par personne. Cette menace pèse sur des structures souvent modestes, qui ne demandent qu’à continuer de faire vivre leur savoir‑faire et leur commerce de proximité.

Le message envoyé est doublement paradoxal. D’un côté, on glorifie le commerce local, on appelle à soutenir les circuits courts, on invoque l’ancrage territorial. De l’autre, on interdit à ces mêmes acteurs de fonctionner un jour stratégique, même lorsque toutes les parties sont volontaires.

Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause la portée symbolique et sociale du 1er mai. Mais bien de rétablir un équilibre entre droit au repos et droit d’entreprendre, entre protection du salarié et liberté individuelle, entre cadre juridique et bon sens économique.

La présente proposition de loi vise à introduire une dérogation spécifique, encadrée et fondée sur le volontariat. Elle permettrait à certains commerces de proximité d’ouvrir le 1er mai, à la condition que leurs salariés aient donné leur accord préalable et qu’ils soient rémunérés de manière renforcée ou bénéficient d’un repos équivalent.

 


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proposition de loi

Article unique

Après l’article L. 3133‑4 du code du travail, il est inséré un article L. 3133‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 313341.  Par dérogation à l’article L. 3133‑4, les établissements relevant des secteurs de la boulangerie, de la boucherie, de la fleuristerie, de la charcuterie et, plus généralement, des commerces de proximité artisanaux, peuvent faire travailler leurs salariés le 1er mai, à condition que ceux‑ci aient donné leur accord écrit préalable.

« Les salariés concernés bénéficient, pour cette journée, d’une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ou d’un repos compensateur équivalent, conformément aux dispositions prévues par les conventions collectives ou accords applicables.

« Cette disposition ne peut faire obstacle au droit de refus du salarié, sans que ce refus puisse constituer un motif de sanction ou de discrimination. »