N° 1402
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à relancer la natalité,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Christelle D’INTORNI, M. Serge MULLER, M. Sébastien HUMBERT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Nicolas MEIZONNET, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Hélène LAPORTE, M. Alexis JOLLY, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Edwige DIAZ, M. Jérôme BUISSON, M. Roger CHUDEAU, M. Romain BAUBRY, M. Pierre MEURIN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La natalité est l’un des maux les plus profond de notre pays.
La France connait une crise démographique inédite qui remet en cause le renouvellement des générations qui n’est, aujourd’hui, plus garanti.
Les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sont éloquents. En mars 2023, 1 816 naissances ont été enregistrées en moyenne chaque jour soit le niveau de naissances le plus faible jamais enregistré depuis 1994. En comparaison, c’est 7 % de moins qu’en mars 2022.
De plus, entre 2010 et 2021 nous avons compté près de 100 000 naissances en moins, de 832 799 naissances, nous sommes passés à 738 000 naissances, soit une réduction de 93 201 naissances.
En somme, alors que la France comptait 17 200 naissances par million d’habitants en 1971, elle n’en compte plus que 10 700 en 2020, soit une chute de la natalité de près de 38 % en quelques décennies !
Si ce phénomène n’est pas enrayé, la France risquera le déclassement démographique et rejoindra la catégorie des pays qui connaissent le processus de « dénatalité » à l’image de la Roumanie ou de la Hongrie.
De plus, alors que notre continent connait une baisse importante de sa natalité, d’autres régions connaissent, dans le même temps, une démographie exponentielle conjuguée à un dépeuplement inquiétant, source d’importantes déstabilisations dans les pays d’accueil.
Au surplus, cette baisse de la natalité met en péril l’ensemble de l’équilibre de notre système de solidarité qui constitue une fierté et une singularité française.
Cette crise est d’autant plus préoccupante qu’elle repose, en réalité, sur un terrible paradoxe : si les Français désirent toujours avoir des enfants et fonder une famille, la natalité n’a jamais été aussi basse depuis 1946.
D’après une enquête de l’Union nationale des associations familiales, le nombre moyen d’enfants souhaité est de 2,39 et près de 67 % des personnes ayant eu un enfant en voudraient ou en auraient voulu au moins un de plus.
Pour autant, la genèse de ce décalage entre le désir d’enfants et une natalité décroissante n’est pas le fruit du hasard. L’effritement constant de la politique familiale et la perte de pouvoir d’achat des classes moyennes ont conduit de nombreux foyers à renoncer à fonder une famille.
Or, selon le ministère des solidarités, le coût moyen annuel d’un enfant serait estimé à 9 000 euros et s’élèverait à 12 500 euros pour un enfant âgé de 14 à 18 ans. Au total, la dépense moyenne engagée par les familles jusqu’aux vingt ans de leur enfant s’élèverait ainsi à 180 000 euros.
Au fond, selon l’INSEE, l’arrivée d’un enfant dans un foyer entrainerait une hausse moyenne de 20 % du budget du ménage. Par ailleurs, de nombreux couples refusent de fonder une famille par peur de ne pas pourvoir faire garder leur enfant et d’être confrontés à un parcours du combattant pour trouver une place en crèche ou encore une garde d’enfant à domicile qui veillerait au bien‑être, l’alimentation, l’hygiène et la sécurité de celui‑ci.
A fortiori, cette problématique se pose avec acuité pour les femmes qui travaillent et envisagent, légitimement, de poursuivre leur carrière professionnelle. Cela, alors que la garde des enfants devrait être un véritable droit opposable pour les familles.
Par ailleurs, l’ensemble des études démontrent l’effet causal négatif entre le nombre d’enfants et l’activité professionnelle des femmes. Celui‑ci constitue l’un des obstacles les plus importants et les plus injustes à la naissance des enfants.
Injuste car les femmes déclarent deux fois plus souvent que les hommes que la naissance d’un enfant a des conséquences négatives sur leur situation professionnelle.
Ainsi, les salariées ayant des responsabilités familiales sont 31 % à être à temps partiel, contre 4 % des hommes. Aussi, 41 % des femmes cadres avec enfant ont réduit leur temps de travail ou modifié leurs horaires pour s’occuper de leur famille, contre 18 % des ouvrières.
Plus précisément, le nombre d’enfants affecte toujours plus la carrière des femmes, 32,6 % des actives ont un travail à temps complet contre 86,1 % de leurs homologues masculins, selon une étude de l’Insee.
En particulier le passage de deux au troisième enfant a un effet considérable sur la carrière professionnelle des mères de famille. En effet, en France, les mères d’au moins trois enfants travaillent significativement moins que les mères d’un ou deux enfants, cette différence étant encore plus nette lorsqu’un des enfants a moins de trois ans.
Il est donc urgent que la France mène une politique volontariste afin de relancer la natalité en accompagnant particulièrement les mères de famille qui travaillent. C’est l’objet de la présente proposition de loi.
Dans ce cadre, l’article 1er, vise à favoriser la naissance d’un deuxième enfant en permettant un crédit d’impôt à hauteur de 50 % des dépenses annuelles supportées au titre de l’éducation de l’enfant.
Dans le même esprit, l’article 2 vise à créer un crédit d’impôt à hauteur de 70 % des dépenses annuelles supportées au titre de l’éducation du troisième enfant.
Toujours dans la même perspective, l’article 3 vise enfin à créer un crédit d’impôt à hauteur de 100 % des dépenses annuelles supportées au titre de l’éducation du quatrième enfant. Naturellement, ces trois crédits d’impôt sont destinés aux femmes qui travaillent ainsi que celles qui, au titre de leurs cotisations, bénéficient de l’allocation chômage.
L’article 4 permet de déplafonner le crédit d’impôt destiné aux frais de garde des jeunes enfants tant par les assistants maternels que par les établissements de gardes telles que les micro‑crèches.
L’article 5 propose un aménagement du congé parental permettant aux parents de répartir librement la durée de leur congé, avec la possibilité pour l’un d’eux d’en prendre l’intégralité.
L’article 6 permet une refonte des allocations familiales est envisagée avec deux options visant à simplifier et universaliser le système.
L’article 7 permet de renforcer l’aide aux communes accueillant de nombreuses familles et améliorer les modes d’accueil des jeunes enfants.
L’article 8 vise à garantir un accès renforcé aux services de la petite enfance, en soutenant les communes confrontées à une forte demande de structures d’accueil, afin d’assurer une offre adaptée aux besoins des familles.
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proposition de loi
Article 1er
La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un L ainsi rédigé :
« L – Crédit d’impôt pour la naissance d’un deuxième enfant jusqu’à 18 ans
« Art. 244 quater Z. – Les mères qui justifient d’une activité professionnelle ou qui sont éligibles aux allocations retour à l’emploi peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de la naissance d’un deuxième enfant.
« Ce crédit d’impôt est égal à 50 % des dépenses annuelles supportées au titre de l’éducation de l’enfant telles que définies par décret en Conseil d’État. »
Article 2
La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un LI ainsi rédigé :
« LI. – Crédit d’impôt pour la naissance d’un troisième enfant jusqu’à 18 ans
« Art. 244 quater Z bis. – Les mères qui justifient d’une activité professionnelle ou qui sont éligibles aux allocations retour à l’emploi peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de la naissance d’un troisième enfant.
« Ce crédit d’impôt est égal à 70 % des dépenses annuelles supportées au titre de l’éducation de l’enfant telles que définies par décret en Conseil d’État. »
Article 3
La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un LII ainsi rédigé :
« LII – Crédit d’impôt pour la naissance d’un quatrième enfant jusqu’à 18 ans
« Art. 244 quater Z ter. – Les mères qui justifient d’une activité professionnelle ou qui sont éligibles aux allocations retour à l’emploi peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de la naissance d’un quatrième enfant.
« Ce crédit d’impôt est égal à 100 % des dépenses annuelles supportées au titre de l’éducation de l’enfant telles que définies par décret en Conseil d’État. »
Article 4
La deuxième phrase de l’article 200 quater B du code général des impôts est supprimée.
Article 5
Le congé parental d’éducation, prévu aux articles L. 1225‑47 à L. 1225‑51 du code du travail, est réparti librement entre les deux parents, quel que soit leur lien juridique avec l’enfant.
Chaque parent peut opter pour une répartition partielle ou intégrale de ce congé, sous réserve des conditions définies par décret en Conseil d’État. L’un des deux parents peut ainsi choisir de bénéficier de l’intégralité du congé parental, sous réserve d’une déclaration conjointe des titulaires de l’autorité parentale auprès de l’organisme compétent.
Les modalités de demande, d’octroi et de prise du congé parental sont fixées par décret, notamment en ce qui concerne :
1° Les conditions de répartition et de transfert du congé parental entre les parents ;
2° Les modalités d’information de l’employeur et les délais de préavis applicables en cas de modification de la répartition du congé ;
3° Les conditions de maintien des droits sociaux et professionnels durant la période de congé parental.
Article 6
Les allocations familiales, régies par les articles L. 521‑1 et suivants du code de la sécurité sociale, font l’objet d’une réforme visant à simplifier et à élargir leur accès selon l’une des deux options suivantes :
1° Fusion des dispositifs existants en une allocation unique d’un montant de 250 euros par enfant mineur à charge, sans distinction de revenus ni de rang dans la fratrie ;
2° Extension du bénéfice des allocations familiales au premier enfant, avec un montant uniforme fixé à budget constant, dont le niveau sera déterminé par décret ;
Les modalités d’application de la réforme, notamment les conditions de versement, d’éligibilité et d’adaptation aux situations familiales spécifiques, sont précisées par décret en Conseil d’État.
Les dispositions du présent article ont pour objectif de renforcer l’universalité du système d’allocations familiales tout en garantissant l’équité et la soutenabilité financière du dispositif.
Article 7
Les aides à la garde d’enfants, notamment le complément de libre choix du mode de garde prévu aux articles L. 531‑5 et suivants du code de la sécurité sociale, sont fusionnées en une prestation unique destinée à couvrir l’ensemble des solutions d’accueil, qu’elles soient publiques ou privées, individuelles ou collectives. Afin de mieux refléter les coûts réels et de garantir un service de qualité, le plafond actuel de 10 euros par heure est supprimé. Le montant et les conditions de prise en charge sont déterminés en fonction des critères définis par décret en Conseil d’État, en tenant compte des spécificités territoriales et des besoins des familles.
Article 8
Les communes comptant un nombre significatif d’enfants de moins de cinq ans bénéficient d’une surpondération de la dotation globale de fonctionnement, conformément aux articles L. 2334‑1 et suivants du code général des collectivités territoriales, afin de financer le développement et l’entretien des infrastructures et services d’accueil de la petite enfance.
Le critère de surpondération est déterminé en fonction :
1° Du nombre d’enfants de moins de cinq ans résidant dans la commune, évalué à partir des données démographiques officielles ;
2° Du ratio entre la population infantile et la capacité d’accueil existante, permettant d’identifier les communes où la demande de services de garde est la plus forte ;
3° Des spécificités territoriales, notamment pour les communes rurales ou périurbaines confrontées à un déficit d’équipements en structures d’accueil.
Les modalités de calcul, d’attribution et d’éligibilité à cette dotation majorée sont précisées par décret en Conseil d’État, en tenant compte des impératifs d’équilibre budgétaire et de répartition équitable des ressources entre les collectivités locales.
Article 9
I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.