N° 1403
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer la coordination entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé dans la lutte contre la fraude,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Anne BERGANTZ, M. Joël BRUNEAU, M. Lionel CAUSSE, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, Mme Josiane CORNELOUP, M. Charles DE COURSON, M. Laurent CROIZIER, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Philippe FAIT, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Nicolas FORISSIER, M. Jean-Carles GRELIER, Mme Justine GRUET, M. Philippe JUVIN, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Lise MAGNIER, M. Christophe MARION, M. Laurent MAZAURY, M. Jimmy PAHUN, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Béatrice PIRON, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, M. Nicolas RAY, Mme Anne-Sophie RONCERET, M. Nicolas TURQUOIS, Mme Corinne VIGNON, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Lionel VUIBERT,
députés et députées.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le Parlement a adopté une mesure visant à renforcer la coopération entre l’Assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé dans la lutte contre la fraude.
L’article 49 de ce texte prévoyait d’organiser certains échanges d’informations entre ces organismes. Toutefois, le Conseil constitutionnel l’a censuré, estimant qu’il n’avait pas d’effet – ou trop indirect – sur les recettes ou les dépenses de l’Assurance maladie.
La présente proposition de loi reprend donc cette disposition telle qu’elle a été adoptée dans le PLFSS pour 2025, dans le but d’améliorer les outils de lutte contre la fraude, de lever les freins persistants et de permettre une détection plus efficace et plus rapide de ces fraudes.
Dans un contexte budgétaire restreint, cette recherche d’efficience est plus que nécessaire. En 2024, l’Assurance maladie a détecté et stoppé 628 millions d’euros de fraudes ([1]), un montant record qui témoigne du renforcement des dispositifs de contrôle, mais aussi de l’essor des fraudes, notamment par des réseaux organisés. D’après les données de l’Assurance maladie, 52 % des fraudes sont commises par des assurés, pour 18 % des montants, et 27 % des fraudes sont commises par des professionnels de santé, pour 68 % des montants.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont intensifié leurs efforts pour lutter contre ces pratiques. Entre 2021 et 2024, les résultats de la lutte contre la fraude dans la branche maladie ont presque triplé. Mais cette action se heurte à un cadre législatif jugé insuffisamment opérationnel.
L’article 1er de la présente proposition de loi vise donc à lever ces freins en reprenant le dispositif adopté dans le PLFSS pour 2025. Il s’inscrit dans la continuité de la mesure 31 de la feuille de route du plan « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques »[2] et modifie l’article L. 114‑9 du code de la sécurité sociale qui encadre les échanges d’informations entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires.
Il prévoit, d’une part, que les caisses d’assurance maladie communiquent, en cas de dépôt de plainte pour fraude, le nom et les coordonnées des organismes complémentaires affectés par cette fraude au procureur de la République.
Il révise, d’autre part, le cadre d’échanges de données applicable en matière de suspicion de fraude, aujourd’hui jugé trop rigide par les acteurs, pour aller vers une meilleure articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaires santé. Les échanges de données ainsi prévus sont circonscrits dans le respect du droit à la protection des données, et seront, dans le détail, encadrés après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Seules les informations strictement nécessaires à l’identification de l’auteur des faits de fraude suspectés pourront être communiquées par l’assurance maladie à la complémentaire santé, et celle‑ci ne pourra pas conserver ces données au‑delà d’une durée strictement nécessaire afin d’agir en justice ; et réciproquement. Les données échangées, qui transiteront par un intermédiaire présentant un haut niveau de sécurité, ne pourront être utilisées qu’à des fins de lutte contre la fraude sous peine de sanctions pénales et devront être supprimées sans délai si la suspicion est levée.
L’article 2 permet de gager financièrement la présente proposition de loi.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 114‑9 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un organisme local d’assurance maladie ou l’organisme national agissant au nom et pour le compte d’un ou de plusieurs de ces organismes dépose plainte, il communique au procureur de la République, à l’appui de sa plainte, le nom et les coordonnées des organismes d’assurance maladie complémentaire concernés ainsi que toute information qu’il détient sur le préjudice causé à ces organismes. » ;
2° Après le même article L. 114‑9, il est inséré un article L. 114‑9‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 114‑9‑1. – Lorsque les investigations menées en application de l’article L. 114‑9 mettent en évidence des faits de nature à faire présumer un cas de fraude en matière sociale mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 114‑16‑2 et qu’au moins une des conditions définies par décret en Conseil d’État est remplie, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 114‑10 du présent code ou à l’article L. 724‑7 du code rural et de la pêche maritime communiquent aux organismes d’assurance maladie complémentaire les informations strictement nécessaires à l’identification de l’auteur de ces faits et au repérage des actes et prestations sur lesquels ils portent. Dans le cadre de cette communication, les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées à la nature des actes et des prestations concernés. Les informations transmises ne peuvent être conservées par l’organisme d’assurance maladie complémentaire que pendant la durée strictement nécessaire aux fins de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice. Lorsqu’une décision de placement hors de la convention est prononcée, les agents chargés du contrôle en informent les organismes d’assurance maladie complémentaire.
« Lorsque l’organisme d’assurance maladie complémentaire de l’assuré a connaissance d’informations ou de faits pouvant être de nature à constituer une fraude et qu’au moins une des conditions définies par décret en Conseil d’État est remplie, il communique aux agents de l’organisme compétent chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 114‑10 du présent code ou à l’article L. 724‑7 du code rural et de la pêche maritime les informations strictement nécessaires à l’identification de l’auteur de ces faits et au repérage des actes et prestations sur lesquels ils portent. Les informations transmises ne peuvent être conservées par l’organisme d’assurance maladie obligatoire qu’aux fins de déclencher ou de poursuivre la procédure de contrôle ou d’enquête mentionnée au premier alinéa de l’article L. 114‑9 du présent code, de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice, de déposer une plainte devant les juridictions du contentieux du contrôle technique dans les cas prévus aux articles L. 145‑1 et L. 145‑5‑1 ou de mettre en œuvre une procédure de sanction administrative prévue à l’article L. 114‑17‑1 ou l’une des procédures de placement hors de la convention définies aux articles L. 162‑15‑1 et L. 162‑32‑3 pour les organismes d’assurance maladie obligatoire.
« Toute personne employée par les organismes d’assurance maladie complémentaire dont les interventions sont nécessaires aux finalités mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article est tenue au secret professionnel.
« Les informations communiquées en application des mêmes deux premiers alinéas ne peuvent être utilisées à d’autres fins que celles prévues au présent article, sous peine des sanctions prévues à l’article 226‑21 du code pénal. Les organismes concernés s’assurent de la mise à jour des informations transmises et procèdent sans délai à la suppression des données enregistrées lorsque la personne physique ou morale concernée est mise hors de cause.
« Pour la mise en œuvre des échanges d’informations prévus au présent article, les organismes précités peuvent recourir à un intermédiaire présentant des garanties techniques et organisationnelles appropriées assurant un haut niveau de sécurité des données. Les organes dirigeants de cet intermédiaire présentent toute garantie d’indépendance à l’égard des organismes d’assurance maladie complémentaire.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les conditions et les modalités de mise en œuvre des échanges d’informations prévus au présent article, notamment les conditions d’habilitation des personnels de l’organisme d’assurance maladie complémentaire concerné ainsi que les modalités d’information des assurés et des professionnels concernés par ces échanges. Il définit le rôle et les attributions de l’intermédiaire mentionné à l’avant‑dernier alinéa. » ;
3° À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 161‑36‑3, les mots : « de l’avant‑dernier » sont remplacés par les mots : « du troisième ».
Article 2
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) Assurance maladie, Lutte contre les fraudes à l’Assurance Maladie : des résultats records en 2024, 20 mars 2025.
([2]) Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique, Feuille de route « Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.