N° 1410
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Éric CIOTTI, les membres du groupe UDR [(1)],
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les agressions contre ceux qui nous protègent et qui sont chargés par la République d’assurer l’ordre et le respect des lois afin de garantir la sécurité - et donc la liberté - de tous les citoyens se multiplient depuis quelques années et s’aggravent dans leur violence, qui devient presque aujourd’hui banalisée.
Il est plus que jamais urgent d’agir enfin avec fermeté à l’égard des délinquants, souvent multirécidiviste, qui s’en prennent aux porteurs de l’uniforme de la République.
D’après le ministère de l’Intérieur, on déplorait déjà en 2019 plus de 68 000 procédures pour agression contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, soit 72 % de plus qu’en l’an 2000. L’augmentation est même de 148 % en ce qui concerne les seuls faits de violence ([1]).
Cette hausse se confirme malheureusement d’année en année avec des faits divers tragiques, notamment liés aux refus d’obtempérer, comme l’a illustré si tragiquement le décès le 26 août 2024 à Mougins de l’adjudant Éric Comyn.
La multiplication et le renforcement de ces violences ne peut s’expliquer sans le constat d’un véritable sentiment d’impunité des délinquants, du moins d’une absence de crainte suffisante de la sanction pénale qui, lorsqu’elle survient, semble souvent, aux yeux de nos concitoyens, bien faible eu égard à la gravité de tels actes.
Le législateur a pourtant le devoir de s’assurer que des peines suffisantes soient appliquées à tous ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre, y compris aux agents de l’administration pénitentiaire, ainsi qu’aux pompiers.
C’est l’objet de la présente proposition de loi, dont l’article unique prévoit la mise en place d’un dispositif de peines minimales de privation de liberté, dites « peines planchers » pour les crimes (rétablissement de l’article 132‑18‑1) et délits (rétablissement de l’article 132‑19‑1) commis contre les agents de la force publique et les pompiers. Dans un souci de cohérence législative ce même article unique procède à la réécriture de l’article 132‑19 du code pénal et à l’abrogation de l’article 464‑2 du code de procédure pénale pour supprimer l’obligation pour les juridictions pénales de ne prononcer des peines d’emprisonnement ferme qu’en « dernier recours ».
Ainsi, pour un individu condamné pour un délit puni de cinq ans d’emprisonnement, la peine prononcée ne pourra être inférieure à trois ans. Toutefois, la juridiction pourra, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine ou de la prononcer pour une durée inférieure à ces seuils.
– 1 –
proposition de loi
Article unique
I. – La sous‑section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 132‑18‑1 est ainsi rétabli :
« Art. 132‑18‑1. – Pour les crimes commis à l’encontre :
« 1. D’un militaire de la gendarmerie nationale ;
« 2. D’un fonctionnaire de la police nationale ;
« 3. D’un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321‑1 du code de la défense ;
« 4. D’un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ;
« 5. D’un agent des douanes ;
« 6. D’un agent de l’administration pénitentiaire ;
« 7. D’un agent de police municipale ;
« 8. D’un garde champêtre ;
« Dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci ;
« Lorsqu’un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » ;
2° À l’article 132‑19, les deuxième, troisième et dernier alinéas sont supprimés ;
3° L’article 132‑19‑1 est ainsi rétabli :
« Art. 132‑19‑1. – Pour les délits commis à l’encontre :
« 1. D’un militaire de la gendarmerie nationale ;
« 2. D’un fonctionnaire de la police nationale ;
« 3. D’un militaire déployé sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321‑1 du code de la défense ;
« 4. D’un sapeur‑pompier professionnel ou volontaire ;
« 5. D’un agent des douanes ;
« 6. D’un agent de l’administration pénitentiaire ;
« 7. D’un agent de police municipale ;
« 8. D’un garde champêtre ;
« Dans l’exercice ou du fait de ses fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Dix‑huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui‑ci.
« Lorsqu’un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou autre que l’emprisonnement que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. »
II. – L’article 464‑2 du code de procédure pénale est abrogé.
([1]) Chiffres départementaux mensuels relatifs aux crimes et délits enregistrés par les services de police et de gendarmerie depuis janvier 1996, ministère de l’Intérieur, mis à jour le 31 août 2022.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, Mme Brigitte BARÈGES, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, M. Éric CIOTTI, Mme Christelle D’INTORNI, M. Olivier FAYSSAT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Vincent TRÉBUCHET, M. Gérault VERNY.