N° 1411
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à relancer le secteur du logement,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Éric CIOTTI, les membres du groupe UDR [(1)],
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Jusqu’à la réforme de François Fillon, entrée en vigueur le 1er février 2012, la durée de détention pour bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur la plus‑value immobilière était de 15 ans. En effet, il était jusqu’alors prévu un abattement linéaire de 10 % par année de détention au‑delà de la cinquième, ce qui conduisait à une exonération définitive après 15 ans de détention. Cet abattement était identique en matière d’imposition sur le revenu et en matière de prélèvements sociaux.
Désormais, après une période transitoire lors de laquelle le mode de calcul des abattements pour une durée de détention différait selon la nature du bien transmis à titre onéreux (terrain à bâtir ou non), tout contribuable qui souhaite bénéficier d’une exonération de plus‑value lors de la cession doit détenir le bien immobilier pendant 30 années successives.
En outre, le mode de calcul des abattements pour durée de détention est désormais différent en ce qui concerne l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. Cette complexification massive du mode de calcul des plus‑values immobilières est devenue source de confusion dans l’esprit de bon nombre de contribuables, qui peinent à anticiper l’impact fiscal de telles opérations immobilières, et doivent désormais être conseillés par des professionnels et assumer le coût y afférent.
L’allongement de la durée de détention des biens immobiliers nécessaires à l’exonération de l’impôt de plus‑value a un impact négatif sur le marché immobilier : il porte atteinte à la fluidité des transactions et à la dynamique du marché, et entrave la mobilité résidentielle et l’investissement dans de nouveaux projets.
En conséquence, cette limitation de la rotation des biens restreint drastiquement l’accès au logement, tandis que le secteur de la construction de logement est à la peine et que la raréfaction de l’offre de logement est une problématique majeure pour bon nombre de nos concitoyens. De peur d’être lourdement taxés, les propriétaires sont incités à maintenir leurs biens immobiliers dans leur patrimoine, plutôt que de les mettre à profit de demandeurs tels que les jeunes générations.
En outre, compte tenu du barème actuel, les propriétaires sont particulièrement incités à maintenir dans leur patrimoine leurs biens immobiliers entre la 22e et la 30e année de détention, les abattements étant bien plus significatifs durant ces années que durant les années précédentes. Cela défavorise l’investissement dans l’immobilier vieillissant et désincite à la rénovation des logements anciens. L’absence de travaux constituera une charge d’autant plus importante pour les acheteurs après 30 ans sans rénovation.
La mobilité des ménages, nécessaire pour des raisons tant professionnelles que familiales, étant très corrélée aux politiques d’accès au logement, il convient d’’alléger et de simplifier le mode de calcul de l’impôt de plus‑values relatifs aux ventes de biens immobiliers.
En ramenant cette durée de détention à 10 ans, cette proposition de loi vise à redynamiser le marché immobilier en incitant les propriétaires à céder plus rapidement leurs biens, tout en garantissant une fiscalité plus juste et mieux adaptée aux enjeux économiques et sociaux actuels. Une durée de détention réduite permettrait également de faciliter la mobilité des ménages, notamment en réponse aux évolutions professionnelles et familiales.
Par ailleurs, cette réforme s’inscrit dans une volonté de soutenir l’investissement et la construction de nouveaux logements, en stimulant la circulation du capital immobilier. Elle permettrait ainsi d’améliorer l’offre de biens disponibles sur le marché et de contribuer à une meilleure adéquation entre l’offre et la demande.
L’objectif de cette réforme est double :
1. Permettre aux propriétaires de réaliser plus facilement leurs projets immobiliers en bénéficiant d’une exonération totale après 10 ans de détention.
2. Favoriser la fluidité du marché en évitant la rétention excessive des biens pour des raisons purement fiscales.
En modernisant le régime des plus‑values immobilières, cette réforme constitue une mesure équilibrée entre incitation fiscale et dynamisation du marché, dans une logique de justice économique et d’efficacité sociale.
Afin de redynamiser le marché immobilier et d’encourager la libération des biens détenus de longue date, cette proposition de loi vise à ramener la durée de détention nécessaire à 10 ans pour bénéficier d’une exonération totale de l’impôt sur la plus‑value immobilière. Cette réforme permettrait d’accroître l’offre sur le marché immobilier, favorisant ainsi un meilleur équilibre entre l’offre et la demande, et d’inciter les propriétaires à réinvestir plus rapidement dans de nouveaux projets.
La réforme vise à favoriser la mobilité immobilière et à fluidifier le marché, entraînant une augmentation du volume des transactions et un effet positif sur les droits de mutation perçus par l’État et les collectivités locales.
L’impact budgétaire sera compensé par l’augmentation des transactions et une meilleure répartition des flux financiers issus de l’immobilier.
Par ailleurs, dans la continuité de notre volonté de rendre le marché de l’immobilier plus accessible aux Français, cette proposition de loi souhaite instaurer un moratoire sur l’interdiction de mise en location de biens ne répondant pas à certains critères de diagnostic de performance énergétique (DPE).
En effet, dans un contexte de crise du logement sans précédent, couplé à un environnement de taux d’intérêt élevés qui freine les capacités d’investissement des ménages comme des petits propriétaires, l’application stricte de l’obligation de performance énergétique pour la mise en location de biens risque d’avoir des effets contre‑productifs.
Depuis la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, les principales interdictions de mise en location concernent : en 2025, les logements classés G, puis, en 2028, ceux classés F et en 2034 ceux classés E.
En excluant du marché locatif des milliers de logements ne répondant pas encore aux critères du DPE, on réduit mécaniquement l’offre disponible, alors même que la demande continue de croître dans les zones tendues. Ce déséquilibre ne peut qu’entraîner une hausse des loyers, une accentuation de la concurrence entre locataires, et l’éviction des plus fragiles – notamment les jeunes, les familles modestes et les travailleurs précaires.
Imposer cette obligation dans un délai si court, sans tenir compte des contraintes économiques actuelles, c’est risquer de transformer un objectif environnemental légitime en facteur d’injustice sociale. Le coût des rénovations énergétiques, souvent lourd pour les propriétaires occupants modestes comme pour les petits bailleurs, devient difficilement soutenable dans un contexte où l’accès au crédit est restreint.
Un moratoire ne signifie pas un abandon de la transition écologique, mais une mise en œuvre plus réaliste et socialement acceptable de cette ambition. Il s’agit de donner le temps nécessaire à l’adaptation et d’éviter une crise locative qui toucherait directement les Français les plus vulnérables.
Ainsi, l’article 1er de la présente proposition de loi vise à ramener à 10 ans la durée de détention nécessaire pour bénéficier d’une exonération de prélèvement fiscal sur les plus‑values.
L’article 2 met en place la même exonération pour les prélèvements sociaux.
Par ailleurs, l’article 3 prévoit le moratoire sur les interdictions de location en lien avec le dispositif des DPE.
L’article 4 gage la présente proposition de loi.
Enfin, l’article 5 prévoit l’entrée en vigueur de la présente loi à compter du 1er janvier 2026.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Le I de l’article 150 VC du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « fixé à : « sont remplacés par les mots : « de 20 % pour chaque année de détention au‑delà de la cinquième. » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
3° Au cinquième alinéa, les mots : « Pour l’application des abattements mentionnés aux deuxième à quatrième alinéas » sont remplacés par les mots : « Pour l’application des abattements mentionnés au premier et deuxième alinéa du présent I ».
Article 2
Le 2 du VI de l’article L. 136‑7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « , en lieu et place » sont supprimés ;
b) Les mots : « aux premier à troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa » ;
c) À la fin, les mots : « , d’un abattement fixé à : « sont supprimés ;
2° Les a à c sont abrogés.
Article 3
Les troisième à dixième alinéas de l’article 6 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986 sont supprimés.
Article 4
La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Article 5
La présente proposition de loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2026.
[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, M. Charles ALLONCLE, Mme Brigitte BARÈGES, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, M. Éric CIOTTI, Mme Christelle D’INTORNI, M. Olivier FAYSSAT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, M. Vincent TRÉBUCHET, M. Gérault VERNY.