N° 1413
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mai 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à sanctionner plus sévèrement les installations illégales des gens du voyage, à faciliter l’évacuation des terrains illégalement occupés et à créer un délit d’habitude,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Éric PAUGET,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans notre pays le mode d’habitat adopté par les personnes dites « gens du voyage » est pris en compte par les politiques et les dispositifs d’urbanisme, d’habitat et de logement adoptés par l’État et par les collectivités territoriales.
Ainsi, les communes participent à l’accueil des populations semi‑sédentaire et nomades, soit 200 000 personnes, sur des terrains dédiés prévus par la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « loi Besson I » dans les villes de plus de 5 000 habitants.
La loi du 5 juillet 2000 dispose en outre, qu’un schéma départemental détermine les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil, ainsi que les communes où celles‑ci doivent être réalisées.
Il peut s’agir de terrains destinés à des séjours longs ‑ voire permanents ‑, au simple passage ou à une utilisation temporaire liée à des rassemblements occasionnels.
Alors que les dispositions légales en la matière sont claires en matière d’installation légale, la question de l’occupation illégale et de l’installation sur des terrains non autorisés soulève des difficultés et génère nombre de problématiques sociales et juridiques.
Certes, la mobilité et le mode de vie des gens du voyage sont des éléments inhérents à leur culture et leur mode de vie et il n’est pas question ici de les stigmatiser et d’exacerber des tensions sociales, mais de faire respecter l’ordre public et le droit de propriété.
En effet, les conflits d’usage des terrains, les dégradations potentielles et les nuisances engendrées par les installations illégales posent des défis d’ampleur pour les autorités locales directement confrontées à ce phénomène et mobilisent nos forces de police et de gendarmerie sur nos territoires.
Les collectivités en subissent, de plus, financièrement les conséquences, devant très souvent engager des travaux de remise en état du foncier et des infrastructures illégalement utilisées.
Elles nuisent enfin très souvent à l’existence de ceux, riverains ou propriétaires, qui les subissent au quotidien.
Il incombe, en conséquence, aux pouvoirs publics qui prennent en compte, par des dispositifs et des politiques d’urbanisme ce mode d’habitat, de garantir le respect des lois et des règlements en vigueur et d’établir un cadre juridique clair pour lutter notamment contre le délit d’habitude d’installation commis par les gens du voyage sur des terrains privés ou publics sans autorisation.
Aussi, dans cette perspective, la présente proposition de loi se veut articulée autour de trois axes majeurs, prévoyant :
– de sanctionner plus sévèrement les installations illégales (augmentation du montant de l’amende forfaitaire, évacuation systématique des lieux, saisie de véhicule…),
– de modifier en cas de stationnement illégal les procédures administratives d’évacuation,
– d’établir enfin un cadre juridique clair pour lutter contre le délit d’habitude d’installation commis par les gens du voyage sur des terrains privés ou publics sans autorisation.
L’article 1er du présent texte modifie profondément l’article 322‑4‑1 du code pénal.
Il fait incomber et obligation à la personne qui occupe légalement le terrain ou à celle titulaire de son droit d’usage, d’apporter la preuve de son bon droit.
Il fait passer, de plus, de 500 euros à 1 500 euros le montant de l’amende forfaitaire due en cas d’installation illégale.
Enfin, il autorise la saisie automatique des véhicules automobiles qui ont servi à l’installation sans titre, à l’exception, bien entendu, de ceux qui sont considérés comme des « habitations par nature ».
L’article 2 modifie la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et son article 9 en triplant pour atteindre 21 jours la durée d’effet de la mise en demeure d’évacuation décidée par le préfet afin d’empêcher la création rapide de nouveaux campements illicites sur le territoire de la commune ou de l’EPCI concernés.
Il est proposé, de plus, de mettre en œuvre la systémisation de l’évacuation des lieux si la mise en demeure du préfet n’a pas été suivie d’effet, renforçant ainsi le droit de propriété.
Enfin, il actualise sémantiquement l’article 9 précité, le tribunal de grande instance étant devenu le tribunal judiciaire depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice.
L’article 3 de la présente proposition de loi, en modifiant l’article 322‑3 du code pénal établit un lien causal aggravant entre l’installation illégale et les dégradations et les nuisances générées et constatées, et vise à les sanctionner plus sévèrement.
L’article 4 modifie la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et propose de compléter les possibilités de mise en demeure de quitter les lieux à la demande du maire par le préfet, et ce, même si le stationnement illicite s’est déplacé sur un autre emplacement du territoire de la commune ou de tout ou partie de l’intercommunalité.
Enfin, l’article 5 du présent texte complète la section 1 du chapitre II du titre II du livre III du code pénal, et crée un délit de « fraude d’habitude d’installation sur le terrain autrui » ; délit assorti d’une peine trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Ainsi, l’application conjuguée de ces différentes dispositions renforce utilement les dispositifs législatifs existants pour prévenir et sanctionner les installations illégales des gens du voyage.
Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que je vous demande de bien vouloir adopter.
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proposition de loi
Article 1er
L’article 322‑4‑1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’occupant doit pouvoir justifier de l’identité du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage du terrain. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, le montant : « 500 euros » est remplacé par le montant : « 1 500 euros » ;
b) La seconde phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 400 € » est remplacé par le montant : « 1 000 euros » ;
– à la fin, le montant : « 1 000 euros » est remplacé par le montant : « 2 000 euros » ;
3° Au dernier alinéa, après le mot : « habitation », sont insérés les mots : « par nature et non par transformation ».
Article 2
L’article 9 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « vingt-et-un » ;
b) Au cinquième alinéa, les mots : « peut procéder » sont remplacés par le mot : « procède » ;
2° À la première phrase du IV, les mots : « de grande instance » sont remplacés par le mot : « judiciaire ».
Article 3
Après le 5° de l’article 322‑3 du code pénal, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Lorsqu’elle est commise au cours d’une installation sans droit ni titre sur un terrain constitutive de l’infraction prévue à l’article 322‑4‑1 ; ».
Article 4
Le quatrième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par les mots : « , ou s’il est de nature à porter une atteinte au droit de propriété, à la liberté d’aller et venir, à la liberté du commerce et de l’industrie ou à la continuité du service public ».
Article 5
La section 1 du chapitre II du titre II du livre III du code pénal est complétée par un article 322‑4‑2 ainsi rédigé :
« Art. 322‑4‑2. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de commettre, de manière habituelle, le délit prévu à l’article 322‑4‑1.
« L’habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée s’est acquittée, sur une période inférieure ou égale à vingt-quatre mois, de plus de quatre amendes forfaitaires en application du même article. »