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N° 1452

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2025.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à autoriser le remplacement des parlementaires en cas d’accueil d’un enfant ou d’une longue maladie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Mathilde HIGNET, Mme Lisa BELLUCO, Mme Karine LEBON, Mme Mélanie THOMIN, M. Peio DUFAU, Mme Eva SAS, M. Olivier SERVA, M. Pierre PRIBETICH, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. François RUFFIN, M. Jean-Claude RAUX, Mme Catherine HERVIEU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, Mme Véronique RIOTTON, M. Damien GIRARD, Mme Marie POCHON, Mme Claudia ROUAUX, M. Fabrice BARUSSEAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Mickaël BOULOUX, Mme Chantal JOURDAN, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Emmanuel MAUREL, M. Tristan LAHAIS, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Jérémie IORDANOFF, M. Karim BENBRAHIM, M. Arnaud BONNET, Mme Julie LAERNOES, Mme Sandra REGOL, Mme Céline HERVIEU, M. Stéphane BUCHOU, M. Paul MOLAC, M. Joël AVIRAGNET, M. Arthur DELAPORTE, Mme Émeline K/BIDI, M. Denis FÉGNÉ, M. Jiovanny WILLIAM, M. Guillaume GAROT, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Malgré la mise en place de dispositifs pour atteindre la parité, les femmes restent sous‑représentées dans la sphère politique. Pour la deuxième fois consécutive, les élections législatives anticipées ont abouti à un recul du nombre de députées. Passant de 38,7 % de députées en 2017, à 37,3 % en 2022, et à 36,04 % pour la législature actuelle.

Pour avancer vers l’objectif de parité, et alors que les institutions ont été pensées pour les hommes, la question de l’accueil des enfants, de la parentalité, et en particulier de la maternité des parlementaires, doit être mieux traitée. En effet, le sujet n’est aucunement abordé dans les textes de loi.

Actuellement, ces parlementaires sont contraints de laisser leur siège vide alors même qu’un ou une suppléante a été élu·e au même titre qu’il ou elles, et qu’elle ou il pourrait les seconder. Le remplacement temporaire d’un ou d’une parlementaire par son ou sa suppléant·e n’est prévu que dans le cas où il ou elle deviendrait ministre, alors que d’autres pays comme les Pays‑Bas ménagent la possibilité d’un remplacement temporaire pour cause de parentalité.

L’exemplarité en termes d’égalité femme‑homme dont le Parlement doit faire preuve passe par l’implication des conjoints, hommes ou femmes, dans l’accueil de l’enfant. Là encore, le remplacement temporaire par le ou la suppléant·e n’est pas prévu dans les textes.

Ces absences non remplacées peuvent dans certains cas modifier les équilibres politiques issus du vote démocratique. C’est d’autant plus vrai au cours de cette législature, dans laquelle l’Assemblée nationale n’a jamais été aussi divisée. Surtout, alors que les citoyens ont élu quelqu’un pour défendre leurs intérêts et porter leurs revendications, cette situation les prive de représentation et crée un déficit démocratique.

Le non‑remplacement nuit également à la continuité du traitement et du suivi des dossiers portés par la ou le parlementaire, qui l’engage vis‑à‑vis des citoyens, des associations et des diverses parties prenantes. Dans cette situation, le ou la suppléant·e remplacerait temporairement la personne titulaire dans l’exercice de l’ensemble des fonctions de parlementaire, droit de vote inclus.

Ces lacunes réglementaires sont l’illustration d’inégalités fondamentales qui traversent notre société. D’abord, le congé maternité engendre toujours des difficultés professionnelles majeures en France. Le congé maternité est en effet trop souvent un frein pour la carrière future, qui s’incarne notamment dans le manque à gagner financier : la rémunération annuelle totale est amputée d’environ 30 % par rapport à un parcours sans congé maternité.

Ensuite, les femmes sont encore assignées à la garde et à l’éducation des enfants. En France, la durée du congé paternité est encore loin de celle du congé maternité, et il reste sous‑utilisé. Les deux‑tiers des pères ont recours au congé paternité et seulement 1 % ont recours à taux plein au congé parental, contre 14 % pour les femmes.

C’est pourquoi, en 2022, j’avais déposé une première proposition de loi constitutionnelle afin de garantir le remplacement des parlementaires en cas d’accueil d’un enfant ([1]), ensuite reprise par ma collègue députée, Karine Lebon, concernant le congé maternité et le congé de longue durée ([2]).

Une proposition qui aura fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause, beaucoup de nos concitoyens ont été étonnés d’apprendre que le ou la suppléant·e ne pouvait pas remplacer le ou la député·e dans ce type de situation.

Cependant, dans un article du Figaro en date du 16 septembre 2022, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun‑Pivet, affirmait qu’ « un suppléant peut occuper un emploi, gérer une entreprise, être profession libérale… Ça peut être très compliqué pour lui de venir siéger quelques semaines à l’Assemblée pour remplacer un parlementaire » et « il n’a pas forcément les mêmes compétences que ce parlementaire, notamment pour siéger en commission ».

Outre le fait qu’il est malvenu de considérer qu’il existe des compétences propres aux député·es que n’auraient pas leurs suppléant·es, alors qu’il n’existe aucun critère de compétence pour être légitime à représenter le peuple, ils ont effectivement une vie professionnelle. Cependant, ce cas de figure existe déjà, lorsqu’un parlementaire accepte une fonction gouvernementale, le ou la suppléant·e devient député·e uniquement le temps de sa fonction.

Doit‑on considérer qu’il est légitime de demander au suppléant ou à la suppléante de remplacer un·e député·e qui accepte une fonction gouvernementale, mais pas un·e député·e qui est malade ou souhaite accueillir un enfant ?

De plus, la durée des derniers gouvernements ne permet pas non plus d’avancer l’argument selon lequel le ou la suppléant·e serait amené à siéger plus longtemps que « quelques semaines ». Jusqu’à présent, la présidence de M. Emmanuel Macron a vu se succéder six gouvernements, soit une longévité moyenne de 15 mois. Le Gouvernement de M. Michel Barnier n’aura tenu que quatre‑vingt‑onze jours, avant d’être renversé par une motion de censure.

75 % des femmes considèrent que la maternité est un frein dans leur carrière. C’est tout aussi vrai concernant l’engagement politique. Nous étions quatre femmes politiques à témoigner des difficultés d’être enceinte et élue, dans le documentaire Au pouvoir et enceintes, diffusé par M6. Mais nous sommes bien plus nombreuses à avoir été dans cette situation, parlementaires et élues locaux de tout parti politique confondu.

En 2024, la question du patriarcat reste structurante en politique, terrain de luttes et de combats acharnés. Nos institutions ne sont pas adaptées aux parlementaires jeunes parents et la bonne volonté seule du bureau de l’Assemblée ne suffira pas à remédier à la non prise en compte, par nos institutions, du fait que les représentant·es du peuple peuvent, comme chacun·e, devenir parents. Les parlementaires qui attendent un enfant devraient pouvoir bénéficier d’un mécanisme leur permettant d’être remplacés afin d’assurer la continuité de leur mandat.

Une situation qui peut également être causée par des événements malheureux. La Constitution ne prévoit rien non plus concernant un parlementaire empêché en raison d’une longue maladie. Pourtant, cette absence a également des conséquences sur la représentativité des électeurs du parlementaire empêché.

C’est pourquoi, dans la lignée des travaux déjà entrepris par d’autres parlementaires, cette proposition de loi prévoit également le remplacement d’un·e parlementaire en cas de longue maladie.

L’article unique de cette proposition de loi constitutionnelle intègre à l’article 25 de la Constitution la possibilité pour les parlementaires de se faire remplacer par la personne élue en même temps qu’eux à cet effet pour cause d’accueil d’un enfant ou en cas de longue maladie.

Cette proposition de loi constitutionnelle nécessitera pour son application de modifier l’article LO 176 du code électoral, au travers d’une proposition de loi organique, afin de préciser les modalités requises pour pouvoir bénéficier de ce droit à remplacement.

De même, cette mesure nécessite l’adaptation de l’ordonnance n° 58‑1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement. Il convient, qu’à l’occasion d’un remplacement pour accueil d’un enfant ou pour une longue maladie, le ou la député·e puisse bénéficier des mêmes indemnités qu’un salarié de droit privé en congé maternité, paternité ou longue maladie.

Concernant les députés, une proposition de résolution viendra modifier l’article 7 du Règlement de l’Assemblée nationale afin de rendre ce droit effectif.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Au deuxième alinéa de l’article 25 de la Constitution, après la seconde occurrence du mot : « cas », sont insérés les mots : « d’accueil d’un enfant, de longue maladie, ou ».

 

 


([1]) Proposition de loi constitutionnelle n°228 relative au remplacement des parlementaires en cas d’accueil d’un enfant (Seizième législature).

([2]) Proposition de loi constitutionnelle n°956 visant à autoriser le remplacement des députés indisponibles en raison d’un congé maternité  ou d’un congé longue maladie (Seizième législature).