N° 1454

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2025.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

visant à améliorer les prévisions de finances publiques et à renforcer les outils de pilotage en cas d’écart significatif à la trajectoire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Mathieu LEFÈVRE,

député.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La sincérité des prévisions budgétaires est une condition essentielle de la confiance démocratique. Or, les travaux de la commission d’enquête sur les écarts constatés dans les prévisions fiscales et budgétaires des années 2023 et 2024 ont mis en lumière des fragilités structurelles dans le pilotage de nos finances publiques. Celles‑ci tiennent à la fois au rôle institutionnel du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), à la centralisation des prévisions au sein du Gouvernement et à l’insuffisance de mécanismes de correction en cas d’écart significatif.

Cette proposition de loi organique a pour objet de traduire les principales conclusions de la commission d’enquête visant à étudier les causes des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques en 2023 et 2024 afin d’en réduire, à l’avenir, la portée.

En premier lieu, son article 1er permet au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) d’anticiper la transmission des textes budgétaires en lui confiant une capacité d’auto‑saisine. De fait, les délais dans lesquels s’exerce le contrôle du HCFP sont insuffisants pour permettre le traitement de l’information économique et financière qui lui est transmise et tiennent en partie à la dépendance du HCFP vis‑à‑vis de la saisine du Gouvernement, qui intervient à l’occasion du dépôt d’un texte budgétaire.

L’article 2 institue une obligation de justification circonstanciée à la charge du Gouvernement lorsqu’il choisit de ne pas suivre les réserves émises par le HCFP. Désormais, si celui‑ci estime que certaines prévisions macroéconomiques ou budgétaires – en recettes comme en dépenses – manquent de réalisme, il devra identifier explicitement celles devant être ré‑examinées. Le Gouvernement pourra soit les ajuster, soit les maintenir mais, dans ce cas, il devra fournir au HCFP une justification technique détaillée de son choix. Les Commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat devront être informées sans délai de cette justification, assurant ainsi une circulation fluide de l’information et renforçant le rôle de contrôle du Parlement.

L’article 3 propose d’introduire dans la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances une nouvelle catégorie de lois : les lois de finances de redressement des comptes publics. Celles‑ci seraient expressément mentionnées aux côtés des lois de finances initiales et rectificatives dans l’ensemble des dispositions pertinentes de la loi organique.

Conçue comme un outil dédié au rétablissement de l’équilibre des finances publiques, cette nouvelle catégorie de lois de finances bénéficie d’un encadrement spécifique qui la rend incompatible avec toute mesure aggravant le solde budgétaire en réduction de recettes ou en augmentation de dépenses. Ces lois doivent par conséquent se limiter à des mesures correctrices visant à améliorer le solde.

L’article 3 précise également les modalités de présentation, d’examen et d’avis du HCFP applicables à ces lois, en les alignant sur celles des autres lois de finances. Cette reconnaissance organique permet d’intégrer de manière cohérente ce nouvel instrument dans le cadre du droit budgétaire tout en garantissant que les lois de finances de redressement des comptes publics bénéficient d’un traitement spécifique, adapté à la gravité des déséquilibres financiers qu’elles cherchent à corriger.

L’article 4 vise à améliorer la gestion des écarts entre les prévisions de recettes et l’exécution réelle au cours de l’année budgétaire. À ce jour, l’article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) permet l’annulation de crédits par décret dans la limite de 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année. Toute annulation de crédits supérieure à ce plafond nécessite ainsi une autorisation parlementaire, sous la forme d’une loi de finances rectificative ou d’une loi de finances de fin de gestion.

Ainsi l’article 4 introduit la possibilité d’ajuster les crédits ouverts à hauteur de 3 % des crédits initialement prévus, en cas d’écart supérieur à 2 % constaté entre les recettes effectivement perçues et celles prévues par la dernière loi de finances de l’année en cours. Cette mesure a pour objet de permettre au Gouvernement d’adapter les crédits en fonction de l’évolution réelle des recettes, tout en préservant la sincérité budgétaire, sous réserve d’obtenir un avis conforme du HCFP et d’en informer le Parlement. Ce dispositif cherche à équilibrer réactivité budgétaire et contrôle démocratique, garantissant ainsi une gestion efficace tout en respectant les exigences de transparence et de contrôle parlementaire. Il assume de privilégier la réduction des dépenses aux hausses d’impôts afin de limiter l’impact des écarts de prévision sur le solde public.

 


– 1 –

proposition de loi ORGANIQUE

Article 1er

À la fin du dernier alinéa du IX de l’article 61 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les mots : « dans le cadre de la préparation de ses avis » sont supprimés.

Article 2

Le IV de l’article 61 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si le Haut Conseil estime que les prévisions macroéconomiques ou les prévisions de recettes et de dépenses présentées par le Gouvernement ne sont pas réalistes, son avis indique les prévisions qui doivent être réexaminées par le Gouvernement. Ce‑dernier peut décider de maintenir ses prévisions initiales, à condition de s’en justifier de manière détaillée auprès du Haut Conseil. Les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sont informées sans délai des explications transmises par le Gouvernement au Haut Conseil. »

Article 3

La loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifiée :

1° L’article 1er H est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « rectificatives, », sont insérés les mots : « les lois de finances de redressement des comptes publics, » ;

b) Au dernier alinéa, après la première occurrence du mot : « rectificative », sont insérés les mots : « , du projet de loi de finances de redressement des comptes publics » ;

2° Après le 2° de l’article 1er, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2° bis Les lois de finances de redressement des comptes publics ; » ;

3° Au II de l’article 14, après le mot : « rectificative », sont insérés les mots : « , de redressement des comptes publics, » ;

4° À la seconde phrase de l’avant‑dernier alinéa de l’article 28, après le mot : « rectificative », sont insérés les mots : « , de redressement des comptes publics » ;

5° L’article 35 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « rectificatives », sont insérés les mots : « , les lois de finances de redressement des comptes publics » ;

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « rectificatives », sont insérés les mots : « , les lois de finances de redressement des comptes publics » ;

c) Au troisième alinéa, après le mot : « rectificatives », sont insérés les mots : « , les lois de finances de redressement des comptes publics » ;

d) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les lois de finances de redressement des comptes publics ne peuvent comporter aucune disposition tendant à diminuer une recette ou à augmenter les crédits d’une mission. » ;

e) Au dernier alinéa, après le mot : « rectificatives », sont insérés les mots : « , les lois de finances de redressement des comptes publics » ;

6° À l’article 42, après le mot : « rectificative », sont insérés les mots : « , de redressement des comptes publics » ;

7° Au premier alinéa de l’article 53, après le mot : « rectificative », sont insérés les mots : « , de redressement des comptes publics » ;

8° Le V de l’article 61 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après la première occurrence du mot : « rectificative, », sont insérés les mots : « un projet de loi de finances de redressement des comptes publics, » ;

b) À la deuxième phrase du second alinéa, après la première occurrence du mot : « rectificative, », sont insérés les mots : « au projet de loi de finances de redressement des comptes publics, ».

Article 4

Le dernier alinéa du I de l’article 14 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, en cas d’écart entre la prévision de recettes définie par la dernière loi de finances afférente à l’année en cours et les perspectives d’exécution supérieur à 2 %, ce montant peut atteindre jusqu’à 3 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année concernée