N° 1509

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

relative aux acomptes visant à assurer plus de souplesse aux salariés et aux agents publics dans la perception de leur rémunération,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean LAUSSUCQ,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le mode de rémunération des travailleurs constitue un enjeu de justice sociale et de bon fonctionnement de notre économie. Dans un contexte où l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des Français et où les dépenses incompressibles (loyer, énergie, alimentation) grèvent de plus en plus lourdement les budgets des ménages, il est essentiel de garantir aux salariés une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs ressources financières.

Un nombre croissant de Français sont confrontés à des difficultés financières en raison du décalage entre leurs revenus et leurs charges. De nombreux salariés, notamment ceux qui perçoivent des revenus modestes, peinent à faire face à leurs dépenses de fin de mois et se retrouvent contraints de recourir à des solutions coûteuses et risquées, telles que le crédit à la consommation ou le découvert bancaire, pour faire face à des imprévus. Ces derniers s’accompagnent de coûts très importants : le montant cumulé des agios et frais d’incidents bancaires s’élève à près de 7 milliards d’euros par an.

En renforçant le droit à l’acompte sur salaire, c’est-à-dire à la perception d’une partie du salaire déjà gagnée et dû par l’employeur sans attendre la fin du mois, cette proposition de loi apporte une réponse concrète à ces difficultés. En permettant aux travailleurs de solliciter un acompte sans risque de refus abusif, elle leur offre la possibilité d’adapter leurs rentrées d’argent à leurs besoins immédiats et d’éviter des situations de précarité évitables.

Il ne s’agit pas seulement d’améliorer la qualité de vie des salariés, mais aussi de prévenir les risques d’endettement excessif et de stress financier, qui peuvent avoir des conséquences délétères sur leur bien-être et leur productivité.

Si le droit actuel autorise déjà les acomptes sur salaire, leur octroi demeure souvent soumis au bon vouloir de l’employeur, sans cadre réglementaire clair. Cette situation peut créer des inégalités entre les salariés, certaines entreprises accordant systématiquement des acomptes tandis que d’autres les refusent sans justification.

De surcroît, le droit existant garantit uniquement le versement sur demande de la moitié du salaire à la moitié du mois, ce qui pousse les salariés ayant recours à ce dispositif à y avoir recours tous les mois ensuite.

Ce droit est par ailleurs mal connu des salariés, en effet des sondages montrent que moins de la moitié des salariés en a connaissance. Par ailleurs, une proportion importante de salariés ne sait pas comment elle pourrait adresser une demande d’acompte à son employeur ou ressent une gêne à l’idée de demander un acompte. Les salariés peuvent craindre en effet d’ennuyer leurs interlocuteurs, de perturber le fonctionnement de l’entreprise ou d’avoir à se justifier face à des questions intrusives et culpabilisatrices.

La présente proposition de loi prévoit que le refus d’un acompte devra être encadré par un décret, précisant les motifs légitimes pour lesquels un employeur pourrait s’opposer à une telle demande. Cette mesure garantit un équilibre entre les droits des salariés et les impératifs de gestion des entreprises.

Il convient de rappeler que les avances sur salaire, qui impliquent un versement de rémunération non encore acquise, restent exclues du dispositif afin de ne pas fragiliser la trésorerie des employeurs. En revanche, l’acompte, qui correspond à un salaire déjà gagné par le salarié, doit pouvoir être obtenu plus facilement, sous réserve des limites définies par décret.

Dans un marché du travail de plus en plus concurrentiel, l’amélioration des conditions de rémunération et de flexibilité constitue un levier stratégique pour les entreprises. De nombreuses études démontrent que les salariés bénéficiant d’une meilleure gestion de leur trésorerie personnelle sont plus engagés et plus sereins dans leur travail.

Par ailleurs, les avancées technologiques permettent aujourd’hui, de la demande par le salarié à son traitement en paie en passant par son versement, une gestion complètement automatisée et instantanée des acomptes sur salaire via des plateformes numériques, minimisant ainsi la charge administrative pour les employeurs.

Enfin, ce droit est ouvert aux agents publics afin de leur conférer le même avantage, ce qui permettra un renforcement de l’attractivité de la fonction publique.

La mention d’un décret d’application dans la proposition de loi vise à assurer une mise en œuvre harmonieuse de cette réforme. Ce texte réglementaire définira notamment :

– Les motifs légitimes pour lesquels un employeur pourrait refuser un acompte (par exemple, en cas de difficultés de trésorerie avérées).

– Les modalités de versement et les obligations administratives afférentes.

L’objectif est de garantir un dispositif simple, opérationnel et protecteur, qui permette de répondre aux besoins des salariés sans imposer une charge excessive aux entreprises.

Cette proposition de loi modernise le droit du travail et de la fonction publique pour protéger le pouvoir d'achat des Français, sans imposer de nouvelles charges financières pour les entreprises ou l'État. L’objectif est d’assurer une application plus équitable et efficace des droits existants.

L’article 1er renforce le droit des travailleurs, dans le privé, à percevoir des acomptes sur salaire en cours de mois, offrant ainsi plus de souplesse financière pour répondre à leurs besoins immédiats.

L’article 2 étend ce droit aux agents publics, qu’ils soient titulaires ou contractuels.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

La seconde phrase de l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 3242‑1 du code du travail est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :

« Des acomptes sont versés en cours de mois au salarié qui en fait la demande. Une demande n’a pas à être justifiée par le salarié. Le nombre d’acompte versés par mois ne peut excéder cinq. Le montant total des acomptes par mois ne peut dépasser la moitié du salaire mensuel. Un décret précise les conditions les contraintes à respecter pour son versement ainsi que les modalités d’information du salarié sur son droit à demander des acomptes. »

Article 2

Après l’article L. 712‑2 du code de la fonction publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 71221. – Des acomptes sont versés en cours de mois à l’agent qui en fait la demande. Une demande n’a pas à être justifiée par l’agent. Le nombre d’acompte versés par mois ne peut excéder cinq. Le montant total des acomptes par mois ne peut dépasser la moitié de la rémunération mensuelle. Un décret précise les conditions les contraintes à respecter pour son versement ainsi que les modalités d’information des agents sur leur droit à demander des acomptes. »