N° 1549

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à réformer le congé parental,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Isabelle SANTIAGO, M. Boris VALLAUD, M. Guillaume GAROT,

députée et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France accuse un retard préoccupant en matière de soutien aux jeunes enfants et à leurs familles. Les données scientifiques issues des neurosciences, de la psychologie du développement et de la santé publique montrent que les premiers mois de vie sont déterminants pour la sécurité affective, le développement cognitif et la santé future de l’enfant. Pourtant, aucun dispositif en France ne permet à un enfant de bénéficier d’une continuité parentale rémunérée pendant sa première année de vie, à l’inverse de plusieurs pays européens (Suède, Norvège, Allemagne) ou du Québec.

Or, en France, les dispositifs en place : congé maternité limité 16 semaines, congé paternité très court de 25 jours, congé parental peu ou pas indemnisé – ne permettent pas aux familles de garantir une continuité de présence parentale dans la première année de vie de l’enfant.

La présente proposition de loi vise à instaurer un congé parental unifié de douze mois, indemnisé à 70 % du salaire brut de référence, laissé au libre choix d’organisation des parents. Ce congé pourra être pris par l’un ou l’autre parent, ou partagé selon leur convenance. Il s’ajoute aux congés de maternité et de paternité existants, et permet une protection renforcée de la période postnatale, tant pour l’enfant que pour les familles.

Ce dispositif contribuera à :

‑ favoriser le développement du jeune enfant par un lien d’attachement stable ;

‑ réduire les inégalités sociales et de genre ;

‑ améliorer la conciliation entre vie professionnelle et familiale ;

‑ diminuer le recours à des modes d’accueil dès les premiers mois de l’enfant.

Ce texte s’inscrit dans la refondation des politiques de l’enfance portée par le rapport parlementaire sur les manquements de la France en la matière. Il répond également à l’impératif de respecter les droits fondamentaux des enfants, notamment leur droit à une relation sécurisante dès la naissance dont les connaissances en neuroscience et développement de l’enfant rappeler dans le rapport sur les 1000 premiers jours de l’enfant.

Les connaissances scientifiques contemporaines sur le développement de l’enfant convergent toutes vers une même exigence : les premiers mois de vie sont déterminants pour la sécurité affective, la santé mentale et les capacités d’apprentissage de l’enfant.

Cette réforme contribue à : assurer une présence sécurisante auprès du jeune enfant ; prévenir les inégalités sociales et les ruptures précoces de lien d’attachement ; garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et familiale ; moderniser le droit du travail en s’alignant sur les meilleures pratiques internationales.

Le financement du congé parental de douze mois indemnisés repose sur une taxe additionnelle modérée sur les dividendes des grandes entreprises. Ce choix n’est ni punitif, ni arbitraire mais s’inscrit dans une logique de responsabilité collective et dans la volonté de faire participer les acteurs économiques les plus solides à une politique publique essentielle à l’avenir de la société.

Les entreprises concernées, souvent engagées dans des démarches de responsabilité sociale et environnementale (RSE), verront dans cette contribution un levier de valorisation de leur engagement. En participant au financement d’une meilleure présence parentale auprès du jeune enfant, elles contribuent directement à :

 favoriser l’égalité professionnelle, en permettant aux deux parents de s’impliquer dans la parentalité ;

 améliorer les conditions de reprise du travail, avec des salarié·es plus disponibles, sécurisés, et moins exposés au stress ou à l’épuisement ;

 servir l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu par les textes internationaux et désormais ancré dans notre droit, en garantissant les conditions d’un développement stable dès les premiers mois de vie.

Cette contribution pourra être intégrée dans le reporting RSE des entreprises, au titre de leur engagement en faveur :

‑ de l’enfance et de l’égalité des chances,

‑ de la qualité de vie au travail,

‑ et de l’investissement dans la cohésion sociale.

Dans un contexte où les attentes sociétales vis‑à‑vis des grandes entreprises sont croissantes, ce mécanisme de contribution ciblée permet d’allier justice fiscale, efficacité sociale et valorisation de l’engagement collectif.

 


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proposition de loi

TITRE I

Création d’un congé parental de douze mois

Article 1er

Après l’article L. 1225‑62 du code du travail, il est inséré un article L. 1225‑62‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1225621.  Tout salarié ayant accueilli un enfant, par naissance ou adoption, a droit à un congé parental d’une durée maximale de douze mois, indemnisé à hauteur de 70 % du salaire brut mensuel de référence, calculé sur les douze derniers mois d’activité, dans la limite d’un plafond fixé par décret.

« Ce congé peut être pris par l’un ou l’autre des parents, ou réparti entre eux librement. Il peut être pris en une ou plusieurs périodes, consécutives ou non, dans les douze mois suivant la naissance ou l’arrivée de l’enfant. Ce congé s’ajoute aux congés de maternité et de paternité prévus aux articles L. 1225‑17 et L. 1225‑35.

« La rémunération est versée par la caisse d’assurance maladie compétente. »

Article 2

L’article L. 1225‑65 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le congé parental mentionné à l’article L. 1225‑62‑1 ouvre droit à réintégration dans l’emploi antérieur ou un emploi équivalent, sans perte de rémunération ni d’ancienneté. »

TITRE II

Dispositions transitoires et financières

Article 3

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la présente loi, notamment le plafond de rémunération, les modalités de calcul du salaire de référence et les conditions de coordination avec les congés de maternité et de paternité.

Article 4

I. – Les dépenses résultant de la présente loi sont compensées à due concurrence par une taxe additionnelle sur les dividendes des grandes entreprises, définie par la loi de finances.

II. – Les charges résultant de la présente loi sont compensées par une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros, assise sur le montant des dividendes distribués, au taux fixé par la loi de finances.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.