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N° 1554 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la prévention, la surveillance et la gestion du risque sanitaire lié à la légionellose,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Idir BOUMERTIT, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La légionellose est une maladie infectieuse grave, parfois mortelle, provoquée par l’inhalation de fines gouttelettes d’eau contaminée par une bactérie : la légionelle. Cette pathologie, qui provoque de sévères infections respiratoires, est un fléau dans nos quartiers populaires. Depuis plusieurs années, les cas ne cessent d’augmenter. En 2023, 2 201 cas ont été notifiés, soit une hausse de 16 % par rapport à 2022 (1 897 cas), dépassant le précédent record de 2 133 cas en 2018. Le taux de mortalité reste supérieur à 10 %, et la maladie touche majoritairement des personnes âgées, fragiles, ou vivant dans un habitat collectif dégradé.

Les légionelles prolifèrent dans des réseaux d’eau vétustes, mal entretenus, souvent hérités d’un urbanisme bâclé, où l’État et les grands bailleurs ont déserté leur responsabilité. On meurt encore aujourd’hui en France, dans la septième puissance économique mondiale, d’avoir bu ou respiré de l’eau contaminée dans son propre immeuble. Cette réalité brutale frappe d’abord les habitants des quartiers populaires, déjà confrontés à l’humidité, aux moisissures, aux punaises de lit, aux rats, à l’indifférence.

Les épisodes récents de contamination, comme celui survenu en mai 2024 à Vénissieux, où une habitante de 79 ans aurait succombé à une infection à légionelles, rappellent brutalement l’urgence sanitaire que constitue ce risque environnemental. Le cas de Vénissieux illustre une réalité vécue dans de nombreux quartiers populaires, comme ceux du plateau des Minguettes : un parc immobilier vieillissant, souvent négligé, dans lequel résident une forte proportion de personnes âgées ou vulnérables, particulièrement exposées au risque. 

Loin d’être un simple fait divers, chaque contamination rappelle une urgence systémique. La légionellose empoisonne – au sens propre comme au figuré – la vie des habitants. Elle révèle un écart intolérable entre les discours officiels sur la santé environnementale et la réalité vécue dans les immeubles HLM (habitation à loyer modéré). L’impact psychologique est massif : crainte de la douche, défiance vis‑à‑vis de l’eau du robinet, sentiment d’abandon. L’impact financier, lui aussi, est réel : des familles contraintes d’acheter des packs d’eau, parfois sans en avoir les moyens.

La norme fixée par les autorités sanitaires est connue : moins de 1 000 UFC/L (unités formant colonies par litre). Pourtant, des cas ont été relevés avec des concentrations dépassant cette limite de plusieurs centaines de fois, signe d’un véritable abandon de certains pans de la population. Ce fléau sanitaire n’est pas une fatalité : c’est l’effet d’un choix collectif de ne pas entretenir le patrimoine social et de laisser pourrir des logements devenus indignes.

En effet, le droit actuel ne prévoit aucune obligation spécifique de surveillance ou de prévention du risque légionelle. Les dispositions en vigueur (article L.1321‑4 du code de la santé publique) se contentent d’imposer une surveillance générale de la qualité de l’eau, sans cibler ce risque particulier, pourtant bien connu des autorités sanitaires. Les recommandations techniques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ou des Agences régionales de santé (ARS) ne sont pas contraignantes et n’offrent pas de cadre juridique clair aux gestionnaires et aux bailleurs.

Cette lacune législative crée une triple insécurité  : sanitaire pour les habitants, juridique pour les gestionnaires, et sociale pour les quartiers populaires. Il n’existe pas aujourd’hui d’obligation de diagnostic préventif ciblé sur les légionelles dans les immeubles anciens. Il n’existe pas non plus de régime de sanctions administratives en cas de manquement, ni de dispositif national de financement dédié à la rénovation des réseaux hydrauliques défaillants.

Cette proposition de loi vise à mettre fin à cette négligence organisée. Elle part d’un constat simple : la légionellose, comme d’autres pathologies environnementales, est une maladie de classe. Ce que l’on tolère pour les habitants des quartiers populaires, jamais on ne le tolérerait à Neuilly ou à Versailles.

La présente loi entend donc imposer une obligation de prévention, renforcer la transparence sanitaire, donner aux collectivités les moyens d’agir, sanctionner les bailleurs défaillants, et accompagner la rénovation des réseaux là où c’est nécessaire.

Elle repose sur les mesures suivantes :

– le renforcement des obligations de surveillance des réseaux d’eau dans les établissements recevant du public et les logements collectifs, et la création d’un régime de sanctions administratives en cas de manquement (article 1er) ;

– l’obligation pour les propriétaires et gestionnaires d’intervenir immédiatement suite à un signalement de cas de légionellose par l’agence régionale de santé (article 2) ;

– l’obligation d’un diagnostic quinquennal dans les bâtiments construits avant 1990 (article 3) ;

– l’élargissement des compétences des maires pour agir sur la qualité sanitaire de l’eau à l’échelle communale (article 4) ;

– la création d’un Fonds national de prévention des risques sanitaires liés à l’eau (article 5), pour financer les rénovations urgentes et nécessaires ;

– l’introduction d’un module de formation obligatoire à la prévention des risques légionelles dans les cursus de maintenance technique du bâtiment (article 6)

Elle s’inscrit dans une logique de justice sociale et environnementale. Elle affirme que l’eau du robinet, la douche quotidienne, le chauffage domestique ne peuvent plus être des risques mortels pour les classes populaires. Elle acte que la santé publique doit cesser d’être à géométrie variable. L’accès à l’eau potable est un droit, pas un luxe. 

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 1321‑4 du code de la santé publique est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV – Pour les établissements recevant du public, les établissements de santé, médico‑sociaux, ainsi que les immeubles collectifs d’habitation, un plan de surveillance du risque lié aux légionelles est mis en œuvre par le propriétaire ou l’exploitant, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Ce plan comprend au minimum :

« 1° Des contrôles microbiologiques semestriels ;

« 2° Une traçabilité des opérations de maintenance ;

« 3° Une déclaration immédiate auprès de l’agence régionale de santé en cas de dépassement des seuils fixés par voie réglementaire.

« En cas de manquement à ces obligations, l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre du responsable de l’installation une amende administrative d’un montant maximal de 15 000 euros, dans les conditions fixées par décret. »

Article 2

Le chapitre Ier bis du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1311‑8 ainsi rédigé :

« Art. L. 13118.  Lorsqu’un cas de légionellose est signalé à l’agence régionale de santé conformément aux articles R. 3113‑1 à R. 3113‑5, et qu’un lien probable est établi avec une installation d’eau chaude sanitaire ou un équipement collectif, l’agence régionale de santé notifie aux propriétaires ou gestionnaires concernés une obligation d’intervention immédiate.

« Cette intervention comprend :

« 1° Un diagnostic de l’installation visée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la notification ;

« 2° La mise en œuvre, sous sept jours ouvrés après diagnostic, de toutes mesures nécessaires de désinfection, de coupure partielle ou totale, de travaux de réparation ou de remplacement, et d’information des usagers ;

« 3° La transmission à l’agence régionale de santé, dans un délai de quinze jours ouvrés suivant la notification, d’un rapport détaillant les mesures prises. Les occupants des locaux concernés sont informés par écrit des mesures prises, dans un délai de quarante‑huit heures après la mise en œuvre des actions correctives. Cette information précise la nature du risque, les mesures de prévention à respecter, et les délais de retour à la normale.

« Le non‑respect de ces obligations expose le responsable de l’installation à une amende administrative dont le montant peut atteindre 30 000 euros. Les modalités de mise en œuvre de ces obligations sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 3

Après le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« Chapitre Ier bis

« Art. L. 1112. – Les immeubles collectifs d’habitation construits avant le 1er janvier 1990 font l’objet, tous les cinq ans, d’un diagnostic du risque de prolifération des légionelles dans les installations d’eau chaude sanitaire.

« Ce diagnostic, réalisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, est transmis au syndic de copropriété ou au bailleur social ainsi qu’à l’agence régionale de santé compétente. 

« Le défaut de réalisation d’un tel diagnostic expose son responsable à une amende administrative, dans des conditions prévues par décret. »

Article 4

L’article L. 2212‑2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° La mise en œuvre de campagnes de surveillance de la qualité microbiologique des réseaux d’eau dans les immeubles situés sur le territoire communal, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. »

Article 5

Après l’article L. 301‑2 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 301‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 30121. – Il est institué un Fonds national de prévention des risques sanitaires liés à l’eau dans les bâtiments.

« Ce fonds a pour objet de soutenir, dans la limite des crédits inscrits chaque année en loi de finances, les opérations suivantes :

« 1° Les travaux de rénovation, de désinfection ou de remplacement des installations d’eau chaude sanitaire dans les bâtiments collectifs anciens présentant un risque microbiologique avéré ou potentiel, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

« 2° L’acquisition et l’installation de dispositifs de traitement ou de surveillance de l’eau visant à prévenir la prolifération des légionelles ;

« 3° L’assistance technique des bailleurs sociaux, copropriétés fragiles et collectivités territoriales dans la mise en œuvre de ces opérations.

« Les modalités de gestion, d’attribution et de contrôle de ces crédits sont fixées par décret. »

Article 6

L’article L. 312‑1 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La formation des élèves des filières techniques et professionnelles de la maintenance des bâtiments intègre un module obligatoire sur la gestion du risque microbiologique de l’eau, incluant les légionelles. »

Article 7

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente loi, notamment :

1° Les seuils de concentration en légionelles déclenchant l’obligation de déclaration ;

2° Les modalités techniques des diagnostics sanitaires obligatoires ;

3° La liste des équipements concernés ;

4° Les conditions de mise en œuvre et de recouvrement des sanctions administratives prévues aux articles 1er, 2 et 3.

Article 8

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2026.

Un rapport d’évaluation de l’impact de la présente loi est transmis au Parlement par le Gouvernement dans un délai de trois ans à compter de son entrée en vigueur.

Article 9

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.