N° 1625

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à décaler progressivement l’âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans à l’horizon 2042,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Pierre CAZENEUVE,

député.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le système français de retraite repose sur le principe de la répartition. Cela signifie que les cotisations sociales versées par les actifs et leurs employeurs servent immédiatement à financer les pensions des retraités actuels. Ce mécanisme, fondé sur la solidarité entre les générations, dépend étroitement du ratio entre le nombre de cotisants et celui des retraités. Il requiert une gestion financière rigoureuse pour garantir sa stabilité et sa pérennité.

On le constate au quotidien, il est nécessaire d’adapter notre système de retraite aux réalités démographiques, économiques et sociales du XXIe siècle. Le vieillissement de la population française, conjugué à l’allongement de l’espérance de vie et à un rapport actifs/inactifs de plus en plus déséquilibré, impose une évolution responsable et mesurée de notre régime de retraite par répartition.

Selon un rapport de la Cour des comptes datant de janvier dernier, la France y consacre une part particulièrement élevée de sa richesse nationale : près de 14 % de son produit intérieur brut (PIB), soit 388,4 milliards d’euros. Ce niveau de dépenses représente environ quatre points de PIB de plus que l’Allemagne, ce qui souligne le poids structurel de ce poste dans les finances publiques françaises.

En 2024, les dépenses publiques consacrées aux retraites s’élèvent à 407 milliards d’euros, représentant une part significative du budget national. Le solde global du système de retraite, comprenant les régimes de base et les régimes complémentaires, affiche un déficit de 1,7 milliard d’euros, soit environ 0,1 % du produit intérieur brut. La France se positionne comme le deuxième pays européen, derrière l’Italie, pour la part des dépenses de retraite publiques dans le PIB.

La réforme de 2023, qui a relevé l’âge légal de départ à 62 ans à 64 ans, a permis une amélioration temporaire du solde du système. Toutefois, cette mesure ne suffira pas à compenser la dynamique démographique et économique à long terme. En effet, toujours selon le rapport de la Cour des comptes précité, la réforme des retraites aura un effet positif sur l’équilibre du système jusqu’en 2032 mais de plus en plus limité au‑delà. Le ratio cotisants/retraités continue de se dégrader, passant de 2,5 cotisants pour un retraité en 2021 à 1,4 cotisant pour un retraité en 2070. Le rapport indique qu’au‑delà de 2040, l’impact de la réforme tendra à s’atténuer pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les effets du relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans s’estomperont progressivement, et l’âge moyen de départ à la retraite devrait se stabiliser légèrement en dessous de 65 ans. Par ailleurs, la durée moyenne passée à la retraite, qui devrait diminuer jusqu’à environ 23,5 ans pour les générations nées entre 1965 et 1970, repartirait ensuite à la hausse, portée par les gains continus en espérance de vie.

Par ailleurs, selon le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié le 12 juin 2025, le système par répartition devrait connaître un déficit structurel croissant. À l’horizon 2030, le besoin de financement atteindrait 6,6 milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB, et pourrait s’aggraver pour atteindre 1,4 point de PIB d’ici 2070 si aucune réforme d’ampleur n’est engagée.

Cela se justifie notamment par le choc démographique engendré par une baisse relative des cotisants au système de protection sociale et une augmentation du nombre de bénéficiaires. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, la part des seniors (65 ans et plus) va augmenter de 33 % (par rapport aux 20 - 64 ans) entre 2022 et 2040, puis de 51 % d’ici 2070. Ce ratio passera, en 2070, à 57 seniors pour 100 personnes de 20 à 64 ans.

Pour faire face à cette situation, le COR identifie plusieurs leviers possibles :

– la modération de la croissance des pensions nettes de prélèvements ;

– la hausse des cotisations retraite des salariés ;

– la hausse des cotisations retraite des employeurs ;

– le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, qui permet d’augmenter les taux d’emploi des seniors et de réduire la durée moyenne de versement des pensions.

Toutefois, les trois premières options sont économiquement récessives. En effet, elles réduisent le pouvoir d’achat des ménages, freinent la demande intérieure et augmentent le coût du travail, ce qui peut peser sur la compétitivité des entreprises, limiter l’investissement et freiner la création d’emplois. Leur impact sur le PIB pourrait donc être négatif, à court comme à moyen terme.

Pour faire face à ce choc démographique et redresser nos finances publiques, le choix pourrait être de baisser le niveau de pensions des retraités ou encore d’augmenter les cotisations et prélèvements sociaux. Augmentation du coût du travail, réduction du revenu net des actifs, hausse du taux de pauvreté des seniors, réduction du pouvoir d’achat des retraités, ce sont tout autant d’effets secondaires économiques négatifs et de risques sociaux élevés qu’il nous faut éviter.

Dans ce contexte, l’auteur de la présente proposition de loi retient le levier le moins pénalisant pour l’activité économique : l’allongement de la durée d’activité, à travers un relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite, afin de contribuer à l’équilibre du système tout en laissant aux générations concernées le temps nécessaire pour s’y adapter.

Le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite constitue un levier favorable à l’économie. Selon le Projet de loi de finances pour 2025, cette mesure pourrait générer environ 200 000 emplois supplémentaires en 2027, principalement parmi les 60‑64 ans, et entraîner un surcroît de 0,7 point de PIB en 2027.

Toutefois, cette réforme ne saurait ignorer la diversité des parcours professionnels et les inégalités face à la pénibilité du travail. C’est pourquoi le droit commun actuel applicable aux carrières longues et aux métiers pénibles continuera de s’appliquer. Les assurés ayant commencé à travailler très jeunes, ou ayant été exposés à des conditions de travail particulièrement éprouvantes, bénéficieront toujours de dispositifs spécifiques leur permettant de partir plus tôt à la retraite, conformément aux principes d’équité et de justice sociale.

Cette proposition n’a donc pas vocation à uniformiser les parcours, mais à renforcer la viabilité du système tout en maintenant une attention particulière aux situations les plus difficiles. Elle s’inscrit dans une logique de responsabilité collective, en vue de préserver notre modèle de protection sociale pour les générations futures.

Conformément à la trajectoire déjà engagée par la réforme de 2023, qui prévoit un recul de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, cette évolution se fera de manière graduelle, à raison d’un trimestre supplémentaire tous les trois ans à partir de 2030. Ce rythme permet de donner de la visibilité aux assurés, d’anticiper les ajustements nécessaires dans les parcours professionnels, et de préserver les générations les plus proches de la retraite. Le relèvement progressif sera mis en œuvre par voie réglementaire, conformément aux modalités prévues par la présente proposition de loi, afin de garantir la souplesse d’adaptation tout en affirmant un cap de justice intergénérationnelle et de responsabilité budgétaire.

C’est pourquoi, l’article unique de la présente proposition prévoit ainsi de porter progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans d’ici 2042, en relevant cet âge de trois mois par génération, à compter des assurés nés à partir du 1er septembre 1961. Ce relèvement progressif s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2023, tout en assurant une trajectoire soutenable pour les assurés comme pour les finances publiques.

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

I. – Au premier alinéa de larticle L. 161‑17‑2 du code de la sécurité sociale, le nombre : « soixante‑quatre » est remplacé par le nombre : « soixante‑cinq ».

II. – Le I ne sapplique pas aux articles L. 351‑1‑1, L. 351‑1‑4 et D. 351‑1‑1 du code de la sécurité sociale.

III. – Le présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2026.