N° 1631
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître l’éducation au dehors et en contact avec la nature et à réaffirmer la place de la transition écologique à l’école,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Graziella MELCHIOR, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY,
députées et député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Jamais autant la question de l’écologie, de la prise en compte des dérèglements climatiques et de la préservation de la biodiversité n’a paru aussi cruciale.
Dans ce combat du siècle, les enfants doivent être au cœur de toutes les attentions tant ils auront de défis à affronter dans les décennies à venir. Ainsi, l’école comme les structures d’accueil de l’enfance et de la petite enfance ne peuvent ignorer les enjeux de la transition écologique, elles doivent au contraire être aux avant‑postes. Par leur rôle prépondérant dans la transmission des valeurs, elles doivent devenir des lieux de prise de conscience et d’engagement pour former un véritable continuum éducatif de la crèche à l’université.
Selon une étude publiée par l’ Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en mars 2023, 4 jeunes sur 5 déclarent accorder une grande importance aux sujets environnementaux et 68 % de l’ensemble des jeunes interrogés citent les professeurs comme des contributeurs à leur sensibilité environnementale.
Ainsi, pour former des citoyens conscients, résilients et engagés conformément à l’article 8 de la Charte de l’environnement qui stipule que « l’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs », il convient de réaffirmer la place de la transition écologique dans le code de l’éducation.
Si renforcer le rôle de l’éducation nationale dans la transmission des enjeux liés à la transition écologique et à la préservation de la biodiversité est nécessaire, il apparaît aujourd’hui que l’éducation au dehors et en contact avec la nature peut constituer un outil concret et qu’elle emporte de nombreuses autres vertus.
L’éducation au dehors et en contact avec la nature s’inscrit en effet en transversalité d’un éventail de politiques publiques : santé, éducation, petite enfance, culture et, bien sûr, transition écologique. Apprendre dehors dès le plus jeune âge, c’est découvrir et éprouver son environnement avec ses sens en éveil, toucher de la matière, découvrir les arbres, écouter les bruits du vivant, etc. L’éducation au dehors et en contact avec la nature permet de développer les connaissances des enfants sur les enjeux critiques de leur milieu et par là‑même de développer leur attachement à leur territoire, celui dans lequel ils grandissent.
Enfin, enseigner dehors, c’est apprendre en mouvement et donc apporter une réponse sanitaire à la sédentarité, à l’exposition aux écrans, aux perturbateurs endocriniens, un moyen d’ancrer les apprentissages par l’expérimentation et de redonner la capacité d’agir sur des causes environnementales.
Le temps passé dehors et le contact direct avec la nature est essentiel au bon développement cognitif, physique, moteur, affectif et social des enfants. Il favorise la concentration, l’imagination, la résilience au stress et améliore les capacités langagières et mathématiques et donc l’acquisition des savoirs fondamentaux. C’est pourquoi nous devons donner au vivant une place pleine et entière dans l’expérience de nos enfants sur l’ensemble des temps de leur vie, de la crèche à l’université, sur le temps scolaire, périscolaire et extrascolaire.
Contrairement à de nombreux pays européens (Royaume‑Uni, Allemagne, Danemark, Suisse), la France accuse un retard important dans l’intégration du contact avec la nature dans l’éducation de ses enfants. En effet, aujourd’hui, les enfants français passent 10 fois moins de temps dehors qu’il y a 30 ans ; 40 % des enfants de 3 à 10 ans ne jouent jamais dehors en semaine. Ce manque de contact engendre un « syndrome du déficit de nature », aux effets délétères sur leur bien‑être et leur santé.
Pour répondre à cet enjeu, les aires éducatives constituent un outil exemplaire. La première aire éducative marine a été imaginée en 2012 par les enfants de l’école primaire de Vaitahu sur l’île de Tahuata dans l’archipel des Marquises en Polynésie Française. Ce premier projet éco‑citoyen a fait émerger les aires éducatives, non seulement marines mais aussi terrestres et fluviales, afin notamment de former les jeunes au développement durable et à les reconnecter avec la nature et leurs territoires. Coordonné par l’Office français de la biodiversité (OFB), ce projet scolaire concerne les élèves du CE2 au lycée et constitue une manière de faire classe dehors. On dénombre aujourd’hui 1 500 aires éducatives et, fort du succès et de la pertinence des projets, le ministère de l’éducation nationale a signé avec l’OFB un accord cadre en 2024 qui vise à développer ce dispositif pour contribuer à l’objectif de 18 000 aires éducatives en 2030 de la stratégie nationale biodiversité.
En outre, pour être efficace, et s’inscrire dans un continuum éducatif, l’accès à la nature doit être facilité non seulement pendant la scolarité, mais aussi dès le plus jeune âge et durant les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires. Ainsi, à travers les structures d’accueil de la petite enfance et les projets éducatifs territoriaux, les collectivités territoriales ont un rôle fondamental à jouer. De nombreuses communes, de toutes tailles, telles que Paris, Lyon, Rouen, Lunel ou Allones se sont d’ores et déjà engagées dans cet objectif avec pour premier engagement la création d’espaces verts au bénéfice des enfants et la végétalisation des cours de récréation. Certains aussi soutiennent d’ores et déjà la pratique de la classe dehors.
Enfin, il est à noter que de très nombreux enseignants se tournent d’eux‑même vers cette pratique de la classe dehors. Il convient donc désormais de soutenir cet engouement en reconnaissant la place de cette pratique au sein de l’éducation nationale. C’est l’objet de cette proposition de loi qui a été conçue à la suite de la publication de deux rapports d’information parlementaires, l’un rédigé par Mmes Graziella Melchior et Francesca Pasquini sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques, l’autre rédigé par Mme Nadège Havet, sur le bâti scolaire. Elle a également été impulsée par WWF France et la Fabrique des Communs Pédagogiques.
L’article 1er de la présente proposition de loi vise à inscrire l’accès régulier au dehors et en contact avec la nature parmi les objectifs et missions que s’assigne le service public de l’enseignement, tout comme la transmission des enjeux liés à la transition écologique et à la préservation de la biodiversité. Il rend opérationnelle cette ambition en mobilisant, d’une part, les projets d’établissements et d’autre part les projets éducatifs territoriaux. En outre, il précise que tous les enseignements peuvent être dispensés au dehors et en contact avec la nature et prévoit la création d’un réseau national de formateurs à la classe dehors.
L’article 2 vise à inscrire les mêmes dispositions pour les structures d’accueil de la petite enfance.
L’article 3 vise à en assurer la recevabilité financière.
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proposition de loi
Article 1er
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 121‑1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ils garantissent une formation qui vise à transmettre les enjeux liés à la transition écologique et climatique ainsi qu’à la préservation de la biodiversité. Ils rendent possible la mise en place d’une éducation au dehors et en contact avec la nature. » ;
2° L’article L. 311‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tous les enseignements peuvent être dispensés au dehors et en contact avec la nature, dans le cadre de la pratique de la classe dehors. Un décret fixe les conditions dans lesquelles un réseau national de formateurs à la classe dehors est créé afin d’inciter et d’accompagner les enseignants. » ;
3° L’article L. 401‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet d’établissement tient compte des enjeux liés à la transition écologique et climatique ainsi qu’à la préservation de la biodiversité et intègre un programme régulier spécifique d’apprentissage au dehors et en contact avec la nature. » ;
4° L’article L. 551‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet éducatif territorial vise également à favoriser leur égal accès au dehors et en contact avec la nature. »
Article 2
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre Ier du livre II est ainsi modifié :
a) Après le 6° du II de l’article L. 214‑1‑1, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Contribuent à l’éveil à la nature et à la biodiversité par la mise en place d’activités en extérieur et en contact avec la nature. » ;
b) Le I de l’article L. 214‑1‑3 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Prévoir la formation des personnes assurant l’accueil du jeune enfant aux bienfaits pour celui‑ci des activités pratiquées en contact avec la nature. » ;
c) Le II de l’article L. 214‑7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le projet d’établissement détermine les conditions d’organisation des sorties et activités en contact avec la nature prévues au II de l’article L. 214‑1‑1. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 421‑14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette formation comprend notamment un module de sensibilisation aux bienfaits pour les enfants des activités en contact avec la nature. »
Article 3
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.