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N° 1634

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2025.

PROPOSITION DE LOI

portant création d’un statut pour les lieutenants de louveterie,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Sophie PANTEL, M. Jean-François ROUSSET, Mme Martine FROGER, M. Boris VALLAUD, M. Marc FESNEAU, M. Laurent PANIFOUS, Mme Sandrine LE FEUR, M. Antoine ARMAND, M. Dominique POTIER, Mme Marie POCHON, M. Jean-Yves BONY, Mme Valérie ROSSI, M. Stéphane MAZARS, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Thibault BAZIN, M. Philippe BONNECARRÈRE, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Bertrand BOUYX, M. Hubert BRIGAND, M. Julien BRUGEROLLES, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Fabrice BRUN, M. Pierre CORDIER, M. Laurent CROIZIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. Romain DAUBIÉ, M. Alain DAVID, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Julie DELPECH, Mme Fanny DOMBRE COSTE, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Inaki ECHANIZ, M. Denis FÉGNÉ, Mme Marina FERRARI, M. Nicolas FORISSIER, M. Jean-Luc FUGIT, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Jérôme GUEDJ, M. François HOLLANDE, M. Sacha HOULIÉ, M. Sébastien HUYGHE, M. Jean-Michel JACQUES, M. Daniel LABARONNE, M. Pascal LECAMP, M. Eric LIÉGEON, Mme Delphine LINGEMANN, M. Emmanuel MAUREL, M. Christophe MARION, M. Paul MOLAC, M. Jacques OBERTI, M. Hubert OTT, M. Sébastien PEYTAVIE, M. Christophe PROENÇA, M. Nicolas RAY, Mme Anne-Sophie RONCERET, M. Xavier ROSEREN, Mme Claudia ROUAUX, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Bertrand SORRE, M. Jean-Pierre TAITE, M. David TAUPIAC, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, Mme Annie VIDAL, M. Stéphane VIRY, M. Lionel VUIBERT,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La louveterie est une institution ancienne, profondément ancrée dans l’histoire de notre pays. Créée au Moyen Âge pour lutter contre les grands prédateurs, elle a progressivement évolué pour devenir une composante essentielle de la régulation de la faune sauvage. Aujourd’hui, les lieutenants de louveterie, nommés par le Préfet, interviennent bénévolement notamment pour le compte de l’État, principalement dans le cadre des battues administratives visant les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD).

Leur rôle est crucial dans un contexte de recomposition des équilibres écologiques : les populations de certaines espèces animales se développent fortement, avec des conséquences parfois majeures pour l’agriculture, les forêts, la sécurité routière, ou encore la biodiversité alors même qu’en parallèle, le nombre de chasseurs diminue. Face à ces enjeux, les missions de louveterie sont appelées à croître en intensité, en technicité et en responsabilité.

Aujourd’hui, la France compte environ 1 800 lieutenants de louveterie bénévoles (source : Office français de la biodiversité, 2023), chargés d’interventions indispensables dans la régulation des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, notamment les sangliers et les loups. Leurs missions s’intensifient face à l’augmentation des populations animales et à la baisse continue du nombre de chasseurs, passé de 2,2 millions en 1975 à environ 950 000 en 2023 (source : Fédération nationale des chasseurs, chiffres 2023). Cette diminution fragilise l’équilibre agro‑sylvo‑cynégétique, renforçant le rôle des louvetiers, dont les sollicitations par les services de l’État sont en hausse constante (source : rapport d’activité OFB, 2022).

Pourtant, le statut des lieutenants de louveterie n’a pas suivi cette évolution. Leur engagement se fait dans un cadre bénévole, sans véritable reconnaissance légale, avec des moyens matériels très inégaux selon les territoires. Ce manque de structuration fragilise une mission d’intérêt général pourtant essentielle et pose des difficultés quant à la couverture de ces agents par l’État.

La présente proposition de loi vise donc à moderniser et sécuriser ce cadre en poursuivant trois objectifs clairs :

 faire évoluer le cadre d’exercice des missions de louveterie lorsqu’elles sont accomplies pour le compte de l’État, en reconnaissant le statut de volontaire de louveterie, distinct du salariat mais permettant une protection et une organisation adaptées aux exigences des missions de service public (couverture d’assurance par l’État notamment) ;

 harmoniser les moyens mis à disposition des lieutenants de louveterie. Aujourd’hui, les dotations (véhicules, matériels de vision nocturne, équipements de sécurité, etc.) dépendent de l’initiative de chaque préfecture, générant des inégalités injustifiées entre volontaires pourtant soumis aux mêmes obligations et aux mêmes risques. La présente prévoit une dotation initiale obligatoire, ainsi qu’un entretien ou renouvellement périodique encadré.

 renforcer la coordination entre tous les acteurs de terrain (administration, fédérations de chasse, associations de protection de la nature, agriculteurs, collectivités, vétérinaires…), en instaurant a minima une réunion départementale annuelle sous l’autorité du Préfet. Cette réunion permettra de dresser un bilan, d’identifier les difficultés et d’ajuster les interventions au plus près des réalités locales.

Cette modernisation est pensée dans un souci d’efficacité, d’équité et de reconnaissance de l’engagement civique que représente la louveterie. Elle ne vise en aucun cas à salarier les lieutenants de louveterie, mais à leur offrir un statut reconnu dans la loi ainsi qu’un cadre clair et sécurisé.

L’article 1er modifie l’article L. 427‑1 du code de l’environnement en affirmant dans la loi le caractère bénévole de l’engagement des lieutenants de louveterie, aujourd’hui seulement prévu par voie réglementaire. Les lieutenants de louveterie interviennent pour l’État. Cet article rappelle également les missions des lieutenants de louveterie, leur rattachement préfectoral, et leur rôle dans la régulation des espèces.

L’article 2 crée un nouvel article L. 427‑1‑1 reconnaissant la protection dont bénéficie les lieutenants de louveterie dans le cadre de leurs fonctions, au même titre que toute personne agissant dans le cadre d’une fonction publique.

L’article 3 crée un nouvel article précisant que les conditions de recrutement (âge, nationalité, compétence cynégétique, résidence, chiens requis…), sont fixées par voie réglementaire. Une dérogation est introduite prévoyant un abaissement du nombre de chiens en pleine possession pour les lieutenants de louveterie. Les conditions d’applications de cette dérogation sont renvoyées à la voie réglementaire.

L’article 4 crée une obligation de formation initiale, suivie d’actions de formation continue, afin de professionnaliser l’action des lieutenants de louveterie.

L’article 5 permet la conclusion d’une convention de disponibilité avec l’employeur, garantissant la compatibilité entre engagement volontaire et activité professionnelle.

L’article 6 crée un droit à autorisation d’absence pour l’exercice des missions, sauf impératif de service.

L’article 7 protège les lieutenants de louveterie contre toute sanction professionnelle liée à leur engagement, qu’ils soient salariés, agents publics ou étudiants.

L’article 8 prévoit une dotation obligatoire de tenues homologuées fixées par voie réglementaire.

L’article 9 prévoit un accès mutualisé à un kit de premier équipement, financé par l’autorité administrative et renouvelé selon les besoins tous les cinq ans. Cet article prévoit également une dérogation au code de la Sécurité intérieure afin de permettre aux associations de lieutenants de louveterie de posséder ces types de matériels.

L’article 10 établit une prise en charge encadrée des frais de mission (kilométrage, repas, assurance, vétérinaire, nuitées), en précisant qu’il ne s’agit pas d’une rémunération mais d’une compensation.

L’article 11 installe une réunion de coordination annuelle placée sous l’autorité du Préfet, réunissant tous les acteurs concernés afin d’améliorer la cohérence et l’efficacité des missions.

L’article 12 prévoit la création d’une taxe sur l’accise des tabacs pour prendre en charge les dépenses prévues par le présent texte.

Il est temps de reconnaître pleinement la mission des lieutenants de louveterie en leur donnant les moyens de répondre, dans un cadre clair, aux défis environnementaux, agricoles et sociaux de demain.

 


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proposition de loi

TITRE I

STATUT, RECRUTEMENT ET FORMATION DES LIEUTENANTS DE LOUVETERIE

Chapitre Ier

Objet et mission générale

Article 1er

Au début de l’article L. 427‑1 du code de l’environnement, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’activité de lieutenant de louveterie repose sur le bénévolat. Elle n’est pas exercée à titre professionnel mais dans les conditions fixées par les articles L. 427‑1 à L. 427‑2‑9 du présent code et par les textes pris pour l’application de ces dispositions. »

Article 2

Après l’article L. 427‑1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 427-1. – Les lieutenants de louveterie bénéficient d’une protection dans l’exercice de leurs fonctions dans les conditions fixées par les articles L. 134‑1 à L. 134‑12 du code général de la fonction publique. 

« Les lieutenants de louveterie exercent leurs fonctions dans le respect des principes mentionnés aux articles L. 121‑1 à L. 121‑11 du code général de la fonction publique, à l’exception de l’article L. 121‑3 de ce même code. ».

Chapitre II

Conditions de recrutement

Article 3

Après l’article L. 427‑2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 42721. – Toute personne, qu’elle soit ou non en activité et quelle que soit son activité professionnelle, peut devenir lieutenant de louveterie, sous réserve de satisfaire aux conditions d’engagement, fixées par voies réglementaires.

« Le présent article ouvre la possibilité de déroger à l’obligation, pour les lieutenants de louveterie, de posséder en pleine propriété au moins quatre chiens courants réservés exclusivement à la chasse du sanglier ou du renard, ou au moins deux chiens de déterrage. Les conditions de cette dérogation seront fixées par voie règlementaire. ».

Chapitre III

Formations initiale et continue

Article 4

Après l’article L. 427‑2‑1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 42722. – La nomination d’un lieutenant de louveterie engage ce dernier à suivre, dès sa prise de fonction, un programme de formation initiale ; il bénéficie par la suite d’actions de formation continues, adaptées aux missions qui lui sont confiées et tenant compte des compétences préalablement acquises. »

Chapitre IV

Articulations avec l’activité professionnelle

Article 5

Après l’article L. 427‑2‑2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑3 ainsi rédigé : 

« Art. L. 42723. – Les lieutenants de louveterie peuvent conclure avec leur employeur une convention définissant les modalités de leur disponibilité pour les missions ordonnées par l’autorité administrative compétente. Cette convention veille à assurer la compatibilité de cette disponibilité avec les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ou du service public. »

Article 6

Après l’article L. 427‑2‑3 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑4 ainsi rédigé : 

« Art. L. 42724. – Les missions ordonnées par l’autorité administrative compétente ouvrent droit à autorisation d’absence du lieutenant de louveterie pendant son temps de travail. Cette autorisation ne peut être refusée que si les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ou du service public s’y opposent. Le refus est motivé, notifié à l’intéressé et transmis à l’autorité administrative compétente. »

Article 7

Après l’article L. 427‑2‑4 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑5 ainsi rédigé : 

« Art. L. 42725. – Aucun licenciement, déclassement professionnel ni aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l’encontre d’un salarié, d’un agent public ou d’un étudiant, en raison des absences résultant de l’application des dispositions des articles L. 427‑2‑3 et L. 427‑2‑4 du présent code. »

TITRE II

HARMONISATION DES MOYENS ET INDEMNISATIONS

Article 8

Après l’article L. 427‑2‑5 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 42726. – Lorsqu’un nouveau lieutenant de louveterie est nommé, l’autorité administrative responsable de la nomination assure le financement d’une dotation de tenues comprenant les différentes tenues homologuées prévues par voie règlementaire. »

Article 9

Après l’article L. 427‑2‑6 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑7 ainsi rédigé :

« Art. L. 42727. – L’autorité administrative responsable de la nomination du lieutenant de louveterie assure le financement d’un équipement, qui peut être mutualisé, comprenant notamment une carabine, une lunette de visée nocturne et une paire de jumelles de vision nocturne dont l’entretien et ou le renouvellement sont assurés tous les 5 ans.

« En vue de la mise à disposition de cet équipement aux lieutenants de louveterie dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions et de leurs missions de gestion ou de régulation de la faune sauvage ordonnées par les préfets de département, l’association nationale des lieutenants de louveterie et les associations régionales et départementales des lieutenants de louveterie sont autorisées à détenir des armes à feu, des munitions et des éléments relevant de la catégorie C, par dérogation à l’article L. 312‑2‑1 du code de la sécurité intérieure.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la chasse. »

Article 10

Après l’article L. 427‑2‑7 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑8 ainsi rédigé :

« Art. L. 42728. – Lorsqu’un lieutenant de louveterie intervient à la demande de l’administration, celle‑ci prend en charge les frais engagés à l’occasion de cette mission.

« Sont notamment pris en charge :

« 1° Les frais de déplacement, calculés sur la base d’une indemnité kilométrique ;

« 2° Les frais de repas ;

« 3° Les frais d’assurance liés à l’exécution de la mission ;

« 4° Les frais de vétérinaire, lorsque ceux‑ci résultent directement d’une mission ;

« 5° Une indemnisation au titre des nuitées passées hors de la résidence habituelle.

« Ces prises en charge n’ont pas le caractère d’une rémunération mais constituent une compensation des frais engagés dans le cadre des missions accomplies à la demande de l’autorité administrative, conformément au caractère bénévole de la fonction de lieutenant de louveterie.

« Les modalités de prise en charge ainsi que les montants afférents sont fixés par voie réglementaire. »

TITRE III

COORDINATION ENTRE LES DIFFÉRENTS ACTEURS

Article 11

Après l’article L. 427‑2‑8 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 427‑2‑9 ainsi rédigé :

« Art. L. 42729. – Il est organisé, sous l’autorité du préfet, au moins une fois par an, une réunion de coordination réunissant les lieutenants de louveterie du département.

« Cette réunion associe les services déconcentrés de l’État compétents, notamment la direction départementale des territoires, ainsi que les représentants des associations de protection de la nature, des fédérations de chasseurs, des représentants agricoles, des collectivités territoriales concernées, et tout autre acteur pertinent.

« Cette instance a pour objectif :

« 1° De dresser un bilan des missions réalisées par les lieutenants de louveterie ;

« 2° D’identifier les difficultés rencontrées sur le terrain ;

« 3° De renforcer la coordination entre les différents partenaires ;

« 4° D’améliorer l’efficacité, la sécurité et la transparence des interventions sur la faune sauvage.

« Le compte rendu de cette réunion est transmis au préfet, qui peut en tirer des recommandations opérationnelles ou organisationnelles. »

TITRE IV

FINANCEMENT

Article 12

Les charges pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.