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N° 1704

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à intégrer la santé sexuelle dans le champ de compétences du Conseil national du syndrome immunodéficitaire acquis (sida) et des hépatites virales chroniques,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, M. Arthur DELAPORTE, M. Joël AVIRAGNET, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-José ALLEMAND, Mme Béatrice BELLAY, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Alain DAVID, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Jacques OBERTI, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Thierry SOTHER, Mme Mélanie THOMIN, M. Roger VICOT, M. Arnaud BONNET, M. Alexis CORBIÈRE, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Damien GIRARD, Mme Julie OZENNE, M. François RUFFIN, Mme Karine LEBON, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Michel CASTELLANI, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Olivier FALORNI, M. Moerani FRÉBAULT, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Philippe FAIT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil national du sida (CNS), instance consultative indépendante, a été créé par décret en 1989 dans le cadre d’une nouvelle organisation institutionnelle de lutte contre le VIH ([1]). Le Conseil avait initialement « pour mission de donner son avis sur l’ensemble des problèmes posés à la société par le sida et de faire au Gouvernement toute proposition utile ». Il était en outre saisi sur les programmes d’information et de prévention. Le CNS a ainsi été conduit à éclairer la décision publique dans le domaine du VIH sur des questions de sexualité, de discrimination, de regards de genre, de sécurité sanitaire, d’approche communautaire en santé, de secret professionnel, de fin de vie, de prévention ciblée ou orientée en particulier ([2]).

Un décret du 25 février 2015 a procédé à la création de l’actuel Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) ([3]). Ce nouveau conseil a alors eu compétence pour donner un avis sur les « problèmes posés à la société » par le VIH/sida et les hépatites virales chroniques. Il peut aussi « s’intéresser aux questions de société liées aux IST qui touchent les mêmes publics que l’infection à VIH ou les hépatites virales B et C ». Il est saisi sur les plans et programmes d’action publique. Le CNS comprend 26 membres nommés pour un mandat de cinq années renouvelable une fois ([4]). Les membres exercent leur fonction à titre gracieux ([5]).

La loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement a inscrit le CNS dans la loi afin d’y permettre la présence de deux parlementaires de chaque chambre qui étaient auparavant nommés par décret ([6]). Ses missions, sa composition, son organisation et son fonctionnement demeurent précisés par décret. En conséquence, la place du CNS est inscrite dans la loi.

Depuis 2010, le CNS a produit vingt‑quatre avis dont onze sur saisine des pouvoirs publics. Les avis ont porté sur des plans et programmes nationaux, des dispositifs et des politiques de prévention et de prise en charge, le respect des droits des personnes, l’action publique auprès des populations vulnérables, et l’action internationale de la France contre le VIH dans le cadre de son aide publique au développement. Certaines recommandations du CNS, adoptées dans le cadre de ses avis sur saisine ou auto‑saisine, ont trouvé leur traduction dans les politiques publiques. Par ailleurs, le CNS est régulièrement consulté par le Gouvernement, le Parlement dans le cadre de ses commissions et les services administratifs. Il entretient un dialogue régulier avec plusieurs instances institutionnelles, en particulier celles qui désignent ses membres, ainsi qu’avec les acteurs associatifs de la lutte contre le VIH et les hépatites et les sociétés savantes.

Les missions poursuivies jusque‑là par le CNS continuent de se justifier. En effet, en dépit des progrès médicaux, plusieurs questions de société soulevées au début de l’épidémie d’infection par le VIH/sida restent posées, compte tenu de la dynamique épidémique, encore non maîtrisée, des vulnérabilités des populations exposées, des difficultés d’accès à la santé et des discriminations et stigmatisations rencontrées par les personnes en particulier. L’amélioration de la réponse publique à ces défis est indispensable pour espérer atteindre l’élimination de la transmission du VIH à l’horizon 2030, selon l’objectif défini par l’OMS. En outre, l’augmentation de l’incidence des IST en général est préoccupante, au‑delà de l’infection par le VIH. Les IST soulèvent également des questions de société et de santé publique du même ordre que celles posées par l’infection VIH.

Afin de répondre aux mutations des enjeux liés à la santé sexuelle et aux défis persistants sur la lutte contre le VIH, le CNS a besoin d’un cadre adapté pour poursuivre ses travaux. C’est pourquoi il est nécessaire, depuis l’inscription du CNS au rang législatif, de repasser par la loi pour lui donner les missions adaptées à notre temps, en parfaite coordination avec les stratégies de politiques publiques de santé de ces dernières années.

Les pouvoirs publics ont adopté la définition de la santé sexuelle retenue en 2006 par l’OMS, qui définit la santé sexuelle comme « un état de bienêtre physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, ni discrimination et ni violence. Pour atteindre et maintenir une bonne santé sexuelle, les Droits Humains et Droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et réalisés ».

Les autorités ont élaboré en conséquence une Stratégie nationale de santé sexuelle (SN2S), couvrant la période 2017‑2030, afin de mettre en œuvre les recommandations liées à la santé sexuelle. Or, est apparue la nécessité d’identifier une instance susceptible, en toute indépendance, d’éclairer le gouvernement sur les évolutions de sa politique.

La nouvelle approche globale de la santé sexuelle, reconnue et adoptée aujourd’hui par un grand nombre d’instances au plan international ainsi que par des acteurs associatifs, repose non plus sur le seul risque de pathologies mais sur un ensemble large de facteurs qui contribuent à la santé sexuelle et que le CNS met en avant dans ses avis. Autrement dit, cette perspective invite à raisonner en termes de santé publique et non plus de pathologies. Ce faisant, loin d’invisibiliser les enjeux liés au VIH/sida, elle permet de mieux prendre en compte leurs liens et de proposer des réflexions et des actions plus efficientes pour traiter les enjeux sociaux et sociétaux. Par exemple, les stigmatisations et les discriminations auxquelles sont confrontées les populations les plus exposées au VIH relèvent de déterminants sociaux que l’on retrouve s’agissant du sexisme. Cette évolution du cadre d’action publique de lutte contre le VIH a conduit la Cour des comptes à recommander en 2019, dans son rapport intitulé “La prévention et la prise en charge du VIH”, un « élargissement du champ de compétence du CNS à la santé sexuelle dans son ensemble » ([7]).

Le CNS a adopté le principe d’une extension de sa mission à la santé sexuelle lors d’une délibération en séance plénière le 16 janvier 2020. Le principe a ensuite été approuvé par l’ensemble des interlocuteurs institutionnels du CNS. La feuille de route 2021‑2024 de la stratégie nationale de santé sexuelle a indiqué que le CNS est « en cours de réorganisation de ses missions et de sa composition afin de mieux incarner là encore la santé sexuelle dans sa vision globale et positive, et d’étendre son champ aux questions éthiques liées à la santé sexuelle » ([8]).

La question des politiques publiques de santé sexuelle va de pair avec la question des droits sexuels. En tant que parlementaires attachés à l’intérêt général et notamment des populations les plus vulnérables, chaque donnée publique, recherche scientifique et avis d’une autorité indépendante permettra de nourrir notre action en faveur des plus fragiles. On le sait, les inégalités en matière de droit à la santé sexuelle pour les femmes sont particulièrement criantes.

En renforçant les missions du CNS, notre pays se dotera d’une autorité compétente pour consolider une stratégie ambitieuse en faveur des droits à la santé sexuelle, une autorité de justice sociale et scientifique reconnue. Ainsi, l’article unique de cette proposition de loi prévoit d’étendre le champ de compétences du CNS à la santé sexuelle.

 


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proposition de loi

Article unique

I. – Au I de l’article L. 3121-3 du code de la santé publique, les mots : « du syndrome immunodéficitaire acquis et des hépatites virales chroniques » sont remplacés par les mots : « de la santé sexuelle ».

II. – La présente loi entre en vigueur six mois après sa publication.

 

 


([1]) Claude Got, Rapport sur le sida, 1989.

([2]) CNS, Colloque des 25 ans du Conseil national du sida, Paris, La Documentation française, 2015.

([3]) Décret n° 2015-210 du 24 février 2015 portant création du Conseil national du syndrome immunodéficitaire acquis (sida) et des hépatites virales chroniques.

([4]) Avant 2015, le CNS comprenait 24 membres.

([5]) Articles D3121-1 à D3121-14 du Code de la santé publique.

([6]) Article L3121-3 du Code de la santé publique.

([7]) Cour des comptes, La prévention et la prise en charge du VIH. Communication à la Commission des affaires sociales du Sénat, juin 2019.

([8]) Feuille de route stratégie nationale de santé sexuelle 2021-2024.