N° 1705
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant pérenniser et sécuriser le statut de conjoint collaborateur,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Stéphane VIRY, M. Romain BAUBRY, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Joël BRUNEAU, M. Michel CASTELLANI, M. Salvatore CASTIGLIONE, Mme Josiane CORNELOUP, M. Julien DIVE, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Stella DUPONT, M. Olivier FALORNI, M. Jean-Carles GRELIER, M. Thomas LAM, Mme Constance LE GRIP, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Lise MAGNIER, M. Max MATHIASIN, M. Laurent MAZAURY, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Christophe PLASSARD, M. Alexandre PORTIER, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, M. Nicolas RAY, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, Mme Véronique RIOTTON, M. Vincent ROLLAND, Mme Anne-Sophie RONCERET, Mme Sophie-Laurence ROY, M. Freddy SERTIN, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Lionel VUIBERT, M. Jean-Luc WARSMANN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi visant à pérenniser et sécuriser le statut de conjoint collaborateur, mis en place par la loi n° 2005‑882 du 2 août 2005, a fait l’objet de plusieurs ajustements. Ces évolutions ont pour objectif de mieux reconnaître la contribution économique des conjoints au sein de l’entreprise familiale et de leur garantir une couverture sociale adaptée.
Ainsi, la loi n° 2005‑882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a permis d’encadrer ce statut et d’offrir une meilleure couverture aux conjoints participant régulièrement, sans rémunération, à l’activité de l’entreprise. Cette avancée a été décisive dans la reconnaissance du rôle économique des femmes dans l’artisanat, qui représentent encore aujourd’hui 24 000 personnes, soit 85 %, des 30 000 conjoints collaborateurs.
Néanmoins, la loi de financement de la sécurité sociale de 2022 a transformé le cadre juridique. Depuis son entrée en vigueur, ce statut est limité à une durée maximale de cinq ans. Au terme de cette durée, le conjoint est tenu d’opter pour un statut de conjoint salarié ou de conjoint associé, sous peine de se voir appliquer automatiquement le premier. L’article L. 121‑4 du Code de commerce prévoit cette limitation, qui s’applique cumulativement à toutes les périodes et entreprises concernées.
L’article L. 662‑1 du Code de la Sécurité sociale, complété par la loi de financement de la sécurité sociale de 2022, suggère, après la date limite de cinq ans, le conjoint doit opter pour le statut de salarié ou d’associé.
De plus, l’arrêté du 9 mai 2022 a étendu le statut de conjoint collaborateur aux concubins travaillant régulièrement dans l’entreprise, mettant ainsi fin à une restriction qui le réservait aux seuls conjoints mariés ou pacsés.
La disparition programmée du statut de collaborateur à l’issue des cinq années risque d’entraîner des effets négatifs. Elle pourrait notamment précariser les conjoints engagés dans des structures familiales, souvent dans l’impossibilité de salarier ou d’associer leur partenaire en raison de contraintes économiques importantes. Dans un contexte où de nombreuses très petites et moyennes entreprises rencontrent déjà des difficultés de trésorerie, imposer des charges supplémentaires ou restreindre la flexibilité de leur organisation interne pourrait accentuer leur fragilité, voire menacer leur pérennité.
Par ailleurs, la fin du statut de conjoint collaborateur pourrait favoriser une importante perte d’autonomie, de reconnaissance statutaire, et un accroissement du travail dissimulé, traduisant un retour en arrière préoccupant en matière de protection des conjoints collaborateurs. Cette évolution entraînerait une perte financière notable pour notre système de protection sociale, alors même que le débat politique actuel porte sur la nécessité de renforcer durablement son financement. Un tel recul poserait question à l’heure où l’on cherche à élargir l’assiette contributive sans fragiliser davantage les plus petites structures. De plus, cela serait une régression importante en matière de représentation paritaire dans les instances professionnelles (chambres de métiers, caisses de sécurité sociale…).
La limitation de ce statut est présentée par le Gouvernement comme un moyen d’orienter les conjoints vers des statuts plus protecteurs, tout en renforçant le financement de la sécurité sociale via l’augmentation des cotisations. Toutefois, cette vision méconnaît les réalités économiques et sociales de nombreuses très petites entreprises.
Ainsi, dans ce cadre, plusieurs organisations professionnelles représentatives du secteur préconisent un compromis constructif : permettre la poursuite du statut de conjoint collaborateur au‑delà de cinq ans à condition d’augmenter l’assiette de cotisation à trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale. Cette mesure aurait le double avantage de préserver l’équilibre financier du régime tout en s’adaptant aux besoins du terrain.
En conséquence, cette proposition de loi vise à garantir la pérennité du statut de conjoint collaborateur, tout en renforçant la protection sociale par une évolution de l’assiette de cotisation. Elle participe d’une logique de reconnaissance, de justice sociale et de pragmatisme économique pour les petites entreprises.
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proposition de loi
Article 1er
I. – Le IV bis de l’article L. 121‑4 du code de commerce est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« IV bis. – À l’issue du délai de cinq années mentionnées au premier alinéa du présent IV bis, le conjoint collaborateur peut, sur demande expresse et renouvelable, conserver son statut à la condition de s’acquitter de cotisations sociales calculées selon l’un des deux mécanismes suivants :
« 1° Soit sur la base d’un revenu forfaitaire minimal équivalent aux trois quarts du plafond mentionné à l’article L. 241‑3 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Soit sur une fraction du revenu d’activité du chef d’entreprise, à condition que cette assiette soit au moins égale aux trois quarts du plafond précité. »
II. – Cette demande est formulée annuellement auprès de l’organisme de sécurité sociale compétent et donne lieu à une déclaration spécifique mentionnant l’option retenue et le mode de calcul choisi.
Article 2
I. – L’article L. 662‑1 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« À l’expiration du délai de cinq années d’affiliation en tant que conjoint collaborateur, l’intéressé s’engage, s’il souhaite prolonger son statut, à cotiser conformément à l’un des régimes suivants :
« 1° Sur la base forfaitaire équivalente aux trois quarts du plafond annuel mentionné à l’article L. 241‑3 ;
« 2° Sur une base proportionnelle au revenu d’activité du chef d’entreprise, dès lors que cette assiette n’est pas inférieure aux trois quarts dudit plafond.
« Les modalités de déclaration, de contrôle et de recouvrement sont fixées par décret. »
II. – Les modalités d’application de la présente loi sont définies par décret en Conseil d’État.
Article 3
Un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la présente loi et ses effets sur la pérennité du statut de conjoint collaborateur est soumis au Parlement dans un délai de deux ans suivant son entrée en application.
Article 4
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
IV. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
V. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
VI. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.