N° 1724

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux accueillir la parole des victimes de violences sexuelles ou intrafamiliales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Alexandra MARTIN, Mme Josiane CORNELOUP, M. Vincent JEANBRUN, M. Éric PAUGET, Mme Christelle PETEX, M. Laurent MAZAURY, M. Eric LIÉGEON, M. Thierry LIGER, M. Sébastien HUYGHE, M. Stéphane VIRY, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Sylvie DEZARNAUD,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

M esdames, Messieurs,

Les violences sexuelles et intrafamiliales constituent un phénomène complexe aux conséquences graves, touchant chaque jour de nombreuses victimes. Pour mieux repérer et protéger ces dernières, il est essentiel de lever les freins à la révélation des faits.

La déclaration par laquelle un individu communique à autrui sa connaissance d’un fait ou d’un événement dont il a été victime ou témoin constitue une étape clé de la procédure judiciaire. Le témoignage est une forme d’administration de la preuve recevable dans de nombreux procès. Il peut être décisif dans l’établissement de la vérité ainsi que dans la reconnaissance des responsabilités.

Dans le cadre des violences sexuelles et intrafamiliales, son recueil représente pour la victime un moment éprouvant psychologiquement et particulièrement anxiogène ‑ notamment chez les mineurs. Le traumatisme initialement perçu lors des actes de violence peut provoquer un blocage partiel, voire total, privant la victime de parole. S’ajoutent à cela le sentiment de honte, de culpabilité, voire la peur de décevoir qui peuvent impacter son témoignage.

La détection des violences, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, est d’autant plus complexe lorsqu’elles interviennent dans le cercle familial. Les victimes sont le plus souvent emmurées dans le silence et craignent les représailles si elles osent révéler, devant les représentants de la justice, ce qu’elles ont subi. En 2022, seules 22 % des personnes majeures victimes de violences physiques ont porté plainte comme l’indique l’enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) 2023 » conduite par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure. En ce sens, la CIIVISE alertait sur le fait que chaque année 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles et 5,4 millions d’adultes en avaient été victimes dans leur enfance.

L’impunité des agresseurs et l’absence de soutien social ont des conséquences considérables pour les victimes et pour notre société. La prévention et la réparation de telles violences doivent passer par un meilleur accueil de la parole des victimes de violences sexuelles et intrafamiliales. Le témoignage, en ce qu’il peut être l’unique élément permettant d’identifier l’auteur de l’infraction, est essentiel pour aider la victime à se reconstruire.

L’institution judiciaire et le Gouvernement doivent mettre en œuvre des mécanismes permettant de soutenir les victimes dans cette étape cruciale de la procédure. L’instauration d’un climat de confiance au moment de recueillir le témoignage de la victime de violences contribue à la libération de la parole. Si la victime se sent en sécurité et écoutée, elle aura plus de facilité à s’exprimer.

L’article 10‑5 du code de procédure pénale dispose que « dès que possible, les victimes font l’objet d’une évaluation personnalisée, afin de déterminer si elles ont besoin de mesures spécifiques de protection au cours de la procédure pénale ». Il est notable que les victimes mineures rencontrent davantage de difficultés pour témoigner des actes de violences qu’elles ont subis.

Afin de les aider à affronter les procédures pénales, des lieux d’écoute spécifiques ont été créés, dites salles Mélanie. La jeune victime y est auditionnée par des enquêteurs formés. Ces salles ont pour objectif de créer un environnement sécurisant pour que l’enfant puisse se livrer avec ses mots, en dessinant ou en jouant. Toutefois, cela n’est pas suffisant.

Dans les années 1960, le Dr Boris Levinson s’est demandé quelle était la valeur ajoutée que pouvait représenter la présence d’animaux durant les thérapies. Il a constaté qu’en leur compagnie, ses patients lui faisaient davantage confiance et se livraient plus facilement. Les animaux contribuent, d’une manière ou d’une autre, au traitement des patients qui sont renfermés ou réticents lorsqu’ils parlent de leur traumatisme.

De cette réflexion est née en 1989, aux États‑Unis, la Courthouse Dog Foundation ayant pour mission de former des chiens d’assistance judiciaire afin de venir en aide aux victimes durant la procédure pénale.

Le chien est depuis longtemps considéré comme étant le meilleur ami de l’homme. Ce dernier s’adapte facilement à son environnement ainsi qu’aux personnes qui l’entourent. Grâce à ses compétences, le chien est entraîné pour venir en aide aux êtres humains que ce soit dans le domaine de la sécurité civile, du sauvetage, de l’assistance ou encore de la détection. Il n’est, alors, pas étonnant que la cynothérapie ait considérablement progressé ces dernières années.

Ainsi, les initiatives se multiplient comme à l’Aéroport de Nice Côte d’Azur qui développe un dispositif consistant à faire venir une chienne deux fois par mois afin de détendre les voyageurs en transit. Ce dispositif de médiation animale est déjà présent au sein des hôpitaux, des EHPAD ou des maisons d’arrêts, et a de réelles répercussions positives sur les individus.

Cependant, ce n’est qu’en mars 2019 que la médiation animale est apparue dans nos tribunaux. La France a été le premier pays européen à se doter d’un chien d’assistance judiciaire. Le tribunal de Cahors était donc le premier à pouvoir bénéficier de cette aide psychologique précieuse pour les victimes.

Lors du procès à l’encontre de la conductrice du bus scolaire qui était entré en collision avec un TER à Millas, en 2017, des chiens d’assistance judiciaire étaient présents. Ils avaient permis de rassurer les victimes dans les moments clés du procès sans pour autant déranger le personnel du tribunal – qui ne s’était à peine rendu compte de leur présence.

L’introduction systématique d’une telle aide permettrait de mieux recueillir le témoignage des victimes de violences sexuelles et/ ou intrafamiliales.

Concrètement, le chien d’assistance judiciaire constitue une catharsis émotionnelle nécessaire aux victimes durant tous les actes de la procédure pénale. Sa présence permet à la victime de se canaliser et de réduire les effets traumatiques des violences subies. Notamment par le biais du toucher qui créer un sentiment de sécurité, favorise la communication et réduit le rythme cardiaque. En restant aux côtés de la victime, le chien agit comme une « éponge » absorbant les émotions tout en émettant aucun jugement vis‑à‑vis de cette dernière.

En février 2025, nous comptions 24 chiens d’assistance judiciaire sur notre territoire. Ce nombre est encore trop insuffisant malgré la signature, en février 2023, de la Convention nationale relative au déploiement du chien d’assistance judiciaire. Les départements ne sont malheureusement pas encore tous dotés d’un tel dispositif.

Cette proposition de loi a pour objet de systématiser la présence de chien d’assistance judiciaire, à tous stade de la procédure et sur tout le territoire, pour les victimes de violences sexuelles et/ ou intrafamiliales.

 


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proposition de loi

Article unique

Après l’article 10‑5‑1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 10‑5‑2 ainsi rédigé :

« Art. 1052. – La personne victime de violences à caractère sexuels ou intrafamiliales telles que mentionnées à la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, peut, à tous les stades de la procédure, être accompagnée d’un chien d’assistance judiciaire habilité par l’État, sauf décision contraire motivée de l’autorité judiciaire compétente.

« Toute victime mineure bénéficie, de plein droit, de ce dispositif, sauf refus exprès de sa part. La possibilité de recourir au chien d’assistance judiciaire lui est systématiquement proposée dès le début de la procédure.

« La présence d’un chien d’assistance judiciaire ne saurait en aucun cas être considérée comme un mode d’administration de la preuve, ni au bénéficie, ni au détriment de la victime ou de la personne mise en cause.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »