N° 1727

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer des normes de températures dans les établissements scolaires et universitaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Arnaud BONNET, Mme Christine ARRIGHI, Mme Lisa BELLUCO, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Alexis CORBIÈRE, M. Hendrik DAVI, M. Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Tristan LAHAIS, Mme Julie OZENNE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, Mme Sabrina SEBAIHI, M. Christian BAPTISTE, M. Emmanuel GRÉGOIRE,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vétusté du bâti scolaire et universitaire de notre pays est préoccupante. Certains bâtiments sont des constructions anciennes qui ne sont pas adaptées aux températures actuelles liées au changement climatique, d’autres, nombreux, sont dans des états de délabrement tels qu’ils ne permettent plus d’assurer des cours dans de bonnes conditions.

Comment nos enfants et nos étudiants peuvent‑ils apprendre dans de bonnes conditions lorsque les températures des salles de cours ne sont pas adaptées à l’apprentissage ? Cet hiver, de nombreux écoliers et étudiants ont dû faire cours en manteau et avec des gants en raison des températures glaciales de leur établissement.

En 2019, les épreuves du diplôme national du brevet ont dû être décalées en raison de la canicule et de l’inadaptation des établissements scolaires à de telles températures. En juin 2025, des centaines d’écoles ont été fermées en raison des fortes chaleurs.

Pourtant, par‑delà ces exemples qui font l’actualité, le quotidien des enseignants, des élèves et des étudiants est marqué par des conditions de travail et d’études déplorables dans des bâtiments où les températures ne permettent pas d’assurer convenablement ces missions de service public que sont l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe des normes de températures afin d’assurer des enseignements dans de bonnes conditions. Si le code de l’énergie recommande une moyenne de température fixée à 19 degrés Celsius dans les bâtiments dédiés à l’éducation (article R. 241‑26), aucune disposition n’interdit de mener des activités pédagogiques ou de travailler lorsque les températures constituent une menace pour la santé.

Pourtant, certains pays adoptent déjà une politique d’interdiction des cours en cas de températures qui ne permettent pas d’étudier ou de travailler dans de bonnes conditions. C’est notamment le cas de l’Allemagne qui applique la politique du « Hitzefrei », soit l’annulation des cours en cas de fortes chaleurs, et ce depuis la fin du XIXe siècle ([1]).

L’organisation mondiale de la santé (OMS) estime quant à elle que « des risques d’atteintes à la santé sont réels lorsque les températures dans les locaux sont inférieures à 14 degrés Celsius ou supérieures à 30 degrés Celsius » ([2]).

Ainsi, afin de préserver la santé des élèves, des étudiants et du personnel, la présente proposition de loi vise à inscrire dans le droit des normes de températures minimales et maximales dans les établissements scolaires, universitaires et de recherche.

L’article 1er vise à donner la responsabilité au ministre de l’Éducation et au ministre de la Santé de définir par arrêté des normes de températures minimales et maximales dans les établissements scolaires en fonction de l’âge et du développement des enfants. Il vise également à inscrire dans la loi un encadrement des températures entre 16 degrés Celsius et 30 degrés Celsius au‑delà duquel aucune activité ne pourra avoir lieu, encadrement fixé entre 16 degrés Celsius et 28 degrés Celsius pour les activités physiques.

L’article 2 vise à interdire aux personnels de l’éducation de travailler lorsque les températures sont situées en dessous de 14 degrés Celsius ou au‑dessus de 30 degrés Celsius, ou 28 degrés Celsius pour les activités physiques. Il instaure également la responsabilité du ministre de l’Éducation et du ministre de la Santé de lister par arrêté les activités dont la nature autorise la dérogation à cette norme.

L’article 3 concerne les établissements d’enseignements supérieurs et de recherche et interdit le fait que des activités puissent avoir lieu lorsque les températures sont situées en dessous de 16 degrés Celsius ou au‑dessus de 30 degrés Celsius, ou 28 degrés Celsius pour les activités physiques. Il instaure également la possibilité pour le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et le ministre de la Santé de lister par arrêté les activités dont la nature, la nécessité pédagogique ou la nécessité de recherche autorise la dérogation à cette norme.

L’article 4 reprend les éléments de l’article 1er pour les appliquer aux locaux où se déroulent des activités périscolaires.

L’article 5 vise à intégrer dans le règlement intérieur des établissements scolaires les normes de températures applicables.

L’article 6 vise à charger le ministre chargé de l’éducation nationale de définir un plan d’accueil des élèves lors des épisodes de températures dépassant les seuils ou lors des alertes de vigilances météorologiques. Il rend également les rectorats et les collectivités territoriales responsables de sa mise en œuvre.

L’article 7 vise à contraindre le Gouvernement à remettre chaque année au Parlement un rapport concernant l’adaptation des établissements aux changements climatiques.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 541‑1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 541‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L.54111. – Nulle activité pédagogique ne peut avoir lieu dans des locaux dont la température est inférieure ou supérieure à des seuils déterminés par arrêté pris conjointement par le ministre chargé de l’éducation et le ministre chargé de la santé. Ces seuils tiennent compte de l’âge des enfants au regard des recommandations médicales et ne peuvent en aucun cas être inférieurs à 16 degrés Celsius ou supérieurs à 30 degrés Celsius.

« Lorsque les locaux sont dédiés à une activité physique, la température ne peut être inférieure à 16 degrés Celsius ou supérieure à 28 degrés Celsius. »

Article 2

Le chapitre Ier du titre Ier du livre IX de la quatrième partie du code de l’éducation est complété un article L. 911‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 91110.  Les personnels de l’éducation ne peuvent travailler dans des locaux dont la température est inférieure ou supérieure à des seuils déterminés par arrêté pris conjointement par le ministre chargé de l’éducation et le ministre chargé de la santé. Ces seuils ne peuvent en aucun cas être inférieurs à 14 degrés Celsius ou supérieurs à 30 degrés Celsius.

« Lorsque les locaux sont dédiés à une activité physique, la température ne peut être inférieure à 16 degrés Celsius ou supérieure à 28 degrés Celsius.

« L’arrêté susmentionné liste également les activités dont la nature justifie valablement le non‑respect du présent article, tout en fixant les seuils et plafonds de température alors applicables.

« Si la température des locaux dépasse les seuils fixés par l’arrêté susmentionné, les personnels de l’éducation peuvent valablement refuser d’y travailler, et ce, sans préjudice sur leur rémunération ou leur carrière. »

Article 3

La section 5 du chapitre IX du titre Ier du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation est complétée par un article L. 719‑15 ainsi rédigé :

« Art. L. 71915. – Nulle activité ne peut avoir lieu dans des locaux dont la température est inférieure à 16 degrés Celsius ou supérieure à 30 degrés Celsius. Lorsque les locaux sont dédiés à une activité physique, la température ne peut être inférieure à 16 degrés Celsius ou supérieure à 28 degrés Celsius.

« Les personnels et les usagers de l’enseignement supérieur et de la recherche sont valablement fondés à refuser d’exercer une quelconque activité dans des locaux dont la température dépasse celles édictées dans le présent article.

« Un arrêté pris conjointement par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre chargé de la santé liste les activités dont la nature ou la nécessité pédagogique ou de recherche justifie valablement le non‑respect du présent article, tout en fixant les seuils et plafonds de température alors applicables. »

Article 4

Le chapitre Ier du titre V du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété un article L. 551‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 5512. – Les activités régies par l’article L. 551‑1 ne peuvent se dérouler dans des locaux dont la température est inférieure ou supérieure à des seuils déterminés par arrêté pris conjointement par le ministre chargé de l’éducation et le ministre chargé de la santé. Ces seuils tiennent compte de l’âge des enfants au regard des recommandations médicales et ne peuvent en aucun cas être inférieurs à 16 degrés Celsius ou supérieurs à 30 degrés Celsius.

« Lorsque les locaux sont dédiés à une activité physique, la température ne peut être inférieure à 16 degrés Celsius ou supérieure à 28 degrés Celsius. »

Article 5

L’article L. 401‑2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il rappelle également les seuils et plafonds de température applicables dans les locaux de l’établissement, pris en application des articles L. 541‑1‑1 et L. 911‑10. »

Article 6

L’article L. 541‑5 du code de l’éducation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Un arrêté pris par le ministre chargé de l’éducation nationale, après consultation de l’académie nationale de médecine et des organisations syndicales représentatives des personnels du ministère chargé de l’éducation, cadre les modalités d’accueil des élèves et les conditions de travail des personnels au regard des seuils de températures et des vigilances météorologiques définies par Météo‑France.

« Le recteur et les collectivités territoriales, dans leurs compétences respectives, sont chargés de mettre en œuvre les modalités d’accueil des élèves mentionnées à l’alinéa précédent. »

Article 7

Le Gouvernement remet chaque année un rapport au Parlement sur l’adaptation des établissements scolaires et universitaires aux changements climatiques.

 

 


([1])  GANI Djéhanne, « Il fait trop chaud pour travailler », Le Café Pédagogique, 14 septembre 2023, https://cafepedagogique.net/2023/09/14/il-fait-trop-chaud-pour-travailler/

([2])  ONS, Les ambiances thermiques dans les locaux, Risques particuliers, Premier et Second degrés, 10 juillet 2019, ONS_FPO_1D_2D_07_08_AmbiancesThermiques_1155660.pdf.