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N° 1738
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître et valoriser l’engagement associatif dans le calcul des droits à la retraite,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Julien GOKEL, M. Pierrick COURBON, M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Boris VALLAUD, M. Roger VICOT, M. Jiovanny WILLIAM, Mme Marie-José ALLEMAND,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’engagement associatif constitue un pilier essentiel de la cohésion sociale et de la vitalité démocratique de notre pays. Chaque année, plus de 12,5 millions de Français s’engagent bénévolement dans une association, et près de 20 millions participent, d’une manière ou d’une autre, à la vie associative. Dans des domaines aussi variés que la solidarité, l’éducation populaire, la santé, l’environnement ou le sport, leur action, souvent discrète, contribue de manière structurante au bien commun. Cet engagement mérite d’être pleinement reconnu et valorisé.
S’il existe bien divers dispositifs de soutien à l’engagement bénévole des actifs, notamment prévus par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (compte d’engagement citoyen, congé d’engagement associatif, congé de représentation…), ceux‑ci demeurent suffisamment confidentiels et complexes pour être réellement opérants et avoir un impact significatif sur la vie associative.
De toute évidence, l’activité bénévole reste insuffisamment prise en compte par les pouvoirs publics, notamment en matière de droits à la retraite. Nombreux sont les bénévoles qui, du fait de leur investissement dans la durée, ont réduit leur activité professionnelle ou renoncé à certaines opportunités, ce qui a eu pour effet de diminuer leurs droits à pension. D’autres ont assumé des responsabilités associatives comparables à une activité à temps partiel, sans que cela ouvre droit à une quelconque protection sociale. Pour certains, enfin, l’engagement est tel qu’il impose une interruption de leur parcours professionnel afin de se consacrer à temps plein à une cause d’intérêt général, en particulier dans les grandes structures du champ médico‑social. Il semble donc légitime que cet engagement puisse être pris en compte dans le calcul des droits à la retraite.
Par ailleurs, il existe une forme d’inégalité entre les citoyens qui soutiennent une association par des dons financiers – et qui bénéficient d’un avantage fiscal – et ceux qui, faute de moyens, ne peuvent qu’offrir leur temps, sans qu’aucun droit ou reconnaissance ne leur soit accordé. Sans remettre en cause le caractère désintéressé du bénévolat, il est nécessaire de corriger ce déséquilibre et de reconnaître l’utilité sociale du temps donné au service de l’intérêt général. Cette reconnaissance permettrait également de répondre à la situation de nombreuses personnes ayant connu des carrières professionnelles discontinues mais ayant toujours été investies dans la vie associative.
Enfin, la réforme des retraites portée par le gouvernement Borne, qui a repoussé l’âge de départ légal de 62 à 64 ans, a suscité de vives inquiétudes dans le monde associatif en raison de son impact potentiel sur l’engagement bénévole des seniors. En repoussant de deux ans l’âge légal de départ, c’est bien souvent également l’âge d’un engagement ou d’une prise de responsabilité qui a été retardée. Les seniors constituent pourtant un pilier essentiel du bénévolat associatif, puisque plus de 50 % des responsables associatifs sont retraités. En effet, la retraite marque souvent un moment clé où les individus, disposant de plus de temps libre et d’une bonne santé, choisissent de s’investir dans des activités bénévoles. Or, la réforme des retraites fait peser des risques sur ce vivier de bénévoles potentiels : moins disponibles, plus âgés, plus fatigués, parfois en moins bonne santé, confrontés à des enjeux de maintien dans l’emploi, ces bénévoles risquent de se désengager ou de renoncer à le faire au moment où leur expérience est la plus précieuse. Il conviendrait donc de compenser ces effets en offrant aux bénévoles la possibilité de partir plus tôt à la retraite.
La présente proposition de loi vise ainsi à créer un cadre juridique permettant de reconnaître et de valoriser l’engagement associatif dans les droits à la retraite, selon plusieurs modalités complémentaires.
L’article 1er crée le statut de bénévole responsable, attribué annuellement par l’assemblée générale de l’association, qui atteste d’un engagement régulier, durable et significatif. Ce statut conditionnera l’ouverture des droits prévus aux articles suivants et facilitera le travail de vérification pour les organismes de sécurité sociale.
L’article 2 prévoit l’assimilation de certaines périodes de bénévolat à des périodes de cotisation, afin de garantir la continuité des droits sociaux pour les bénévoles ayant interrompu leur activité professionnelle pour se consacrer pleinement à une activité associative. À l’instar de ce qui existe déjà pour certaines périodes de stage, de service militaire ou de carrière de sportif de haut niveau, il s’agirait d’ajouter, sous conditions, certaines périodes d’engagement bénévole.
L’article 3 introduit une majoration de pension pour les assurés ayant exercé une activité bénévole significative en parallèle de leur carrière professionnelle, afin de compenser d’éventuels ralentissements ou renoncements dans leur parcours professionnel en raison de leur engagement.
L’article 4 prévoit l’attribution de trimestres supplémentaires de retraite pour les personnes exerçant durablement des responsabilités dans le bureau d’une association à but non lucratif, à raison de trois trimestres à l’issue de dix années d’engagement, et d’un trimestre pour chaque période de cinq années d’engagement après cette première période de dix ans, à l’instar du dispositif récemment inscrit dans la loi de valorisation de l’engagement des sapeurs‑pompiers volontaires.
L’article 5 institue le Compte engagement retraite (CER), outil géré par les caisses de sécurité sociale compétentes, permettant aux assurés de suivre l’ensemble des périodes d’activité bénévole ouvrant droit aux dispositifs créés par la présente proposition de loi.
L’article 6 vise à gager financièrement la proposition de loi. Le travail bénévole représente entre 1 % et 2 % du produit intérieur brut français selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, soit une contribution considérable à l’économie sociale sans contrepartie salariale ni fiscale. La reconnaissance partielle de cet engagement dans les droits à la retraite, à coût maîtrisé, constituerait non pas une dépense nouvelle, mais un juste retour et un levier de valorisation de cette richesse collective.
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proposition de loi
Article 1er
I. – Il est institué un statut de bénévole responsable, reconnaissant l’engagement bénévole régulier, durable et significatif d’un assuré au sein d’une association à but non lucratif à caractère ni religieux, ni politique.
II. – L’attribution de ce statut est conditionnée à :
1° L’exercice d’une activité bénévole attestée au sein d’un bureau, de manière régulière, pendant une durée minimale annuelle ;
2° Une validation annuelle de cet engagement par l’assemblée générale de l’association, ou tout autre organe compétent défini par ses statuts, sous la forme d’une délibération nominative inscrite au procès‑verbal ;
3° L’inscription dans un registre spécifique tenu par l’association, transmis annuellement en préfecture.
III. – Les conditions précises d’attribution de la part de l’association, de contrôle de l’administration a posteriori ainsi que de retrait de ce statut sont fixés par décret.
Article 2
I. – L’article L. 351‑3 du code de la sécurité sociale est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les périodes pendant lesquelles l’assuré a été contraint d’interrompre toute activité professionnelle donnant lieu à cotisation, en raison d’un engagement bénévole exercé à titre principal au sein d’une association à but non lucratif, à caractère ni religieux, ni politique. »
II. – Les modalités de mise en œuvre, notamment les conditions d’éligibilité, les justificatifs à produire, et la durée maximale prise en compte, sont fixées par décret en Conseil d’État.
Article 3
La section 6 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351‑13‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351‑13‑1. – I. – La pension prévue aux articles L. 351‑1 et L. 351‑8 est assortie d’une majoration pour tout assuré ayant exercé une activité bénévole au sein d’une association à but non lucratif, à caractère ni religieux, ni politique, sous réserve des conditions définies par décret.
« II. – L’attribution de cette majoration est subordonnée à une durée minimale et à des modalités d’exercice de l’activité bénévole définies par décret. Le montant de la majoration est fixé par le même décret. »
Article 4
I. – À compter du 1er janvier 2025, toute personne ayant exercé, de manière effective et continue, des responsabilités bénévoles au sein du bureau d’une association à but non lucratif, ayant assuré des fonctions d’encadrement ou d’animation reconnues comme telles par l’autorité administrative, ou bénéficiant du statut de bénévole responsable, peut bénéficier de l’attribution de trois trimestres à l’issue de dix années d’engagement, et d’un trimestre pour chaque période de cinq années d’engagement après cette première période de dix ans.
II. – Les modalités de reconnaissance des fonctions éligibles, les conditions d’attribution, ainsi que les plafonds annuels applicables sont fixés par décret.
Article 5
I. – Il est institué un compte engagement retraite destiné à recenser les périodes d’activité bénévole reconnues au titre du statut de bénévole actif.
II. – Ce compte est géré par les caisses de sécurité sociale compétentes. Il permet notamment la traçabilité des périodes d’engagement, leur validation et leur prise en compte pour les dispositifs prévus aux articles 2 à 4 de la présente proposition de loi.
III. – Les modalités d’ouverture, de gestion et d’alimentation et de consultation de ce compte sont fixées par décret.
Article 6
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.