N° 1783
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
visant à garantir la continuité des mandats locaux pour les députés suppléants accédant temporairement au mandat parlementaire,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Sylvie DEZARNAUD, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Ian BOUCARD, Mme Véronique BESSE, Mme Sylvie BONNET, M. Thibault BAZIN, Mme Josiane CORNELOUP, M. Joël BRUNEAU, M. Stéphane MAZARS, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Justine GRUET,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi vise à adapter le régime juridique applicable aux députés suppléants appelés à remplacer un député titulaire, notamment lorsqu’ils exercent parallèlement une fonction exécutive locale (présidents d’intercommunalité, maires, conseillers régionaux…).
La législation actuelle impose à tout député suppléant qui devient député titulaire, notamment à la suite de la démission ou de l’empêchement du député titulaire, de se conformer aux règles d’incompatibilité applicables aux députés. Cela signifie, entre autres, qu’un suppléant exerçant une fonction exécutive locale est contraint de démissionner de cette fonction dès son entrée en fonctions parlementaires. Si, par la suite, il cesse d’être député titulaire (par exemple, si le titulaire retrouve son siège ou en cas de dissolution), il ne dispose d’aucun droit automatique à réintégration dans ses fonctions locales, celles‑ci ayant été définitivement perdues.
Cette situation n’est pas sans entraîner plusieurs problèmes. D’une part, elle apparaît comme contraire à l’esprit de la représentation démocratique. En effet, alors que les citoyens expriment un désarroi démocratique profond (71 % estimant que la démocratie fonctionne mal), les élus locaux demeurent les derniers garants de la confiance civique. Ainsi, priver définitivement les habitants de leurs élus locaux parce que ceux‑ci ont siégé seulement quelques semaines à l’Assemblée nationale ne peut que renforcer la défiance démocratique. D’autre part, cette situation est également préjudiciable à l’intérêt général dans la mesure où elle prive les collectivités de leurs cadres les plus expérimentés. Par ailleurs, elle crée une insécurité professionnelle qui rend le mandat de député suppléant peu attractifs.
Ce problème est d’autant plus préoccupant aujourd’hui qu’il n’est pas marginal dans un contexte d’instabilité politique croissante. En effet, les changements de titularisation fréquents et souvent de courte durée, constituent un véritable problème pour de nombreux députés suppléants qui ont renoncé à leurs fonctions pour siéger seulement quelques mois dans l’hémicycle. Ainsi sous le gouvernement Barnier I, plus de 20 députés suppléants sont devenus titulaires et une majeure partie d’entre eux a ainsi renoncé à leurs fonctions exécutives locales pour siéger seulement quatre‑vingt‑onze jours dans l’hémicycle.
La présente proposition ne vise pas à revenir sur le principe du non‑cumul des mandats mais elle vise à instaurer des règles plus justes et adaptées à la réalité des suppléances. Elle permet au suppléant devenu député titulaire de bénéficier, en cas de cessation de son mandat parlementaire, d’un droit à réintégration dans la fonction exécutive locale qu’il exerçait antérieurement, sous réserve que la durée de sa titularisation ait été inférieure à six mois. Elle vise également à instaurer une période transitoire permettant au suppléant de choisir entre ses fonctions, sans subir de préjudice irréversible. Par ailleurs, afin de garantir la transparence et la sécurité juridique, ce texte prévoit un dispositif d’information à destination de toute personne appelée à occuper le poste exécutif local en remplacement du député suppléant ainsi qu’au député suppléant devenu titulaire. Enfin, il oblige le Gouvernement à remettre chaque année un rapport d’évaluation au Parlement sur ces mesures, permettant un suivi précis de l’application de ces dispositions.
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proposition de loi ORGANIQUE
Article 1er
Après l’article LO 176 du code électoral, il est rétabli un article LO 176‑1 ainsi rédigé :
« Art. LO 176‑1. – Lorsqu’un député suppléant, appelé à remplacer un député titulaire, exerce à la date de son entrée en fonctions une fonction exécutive locale incompatible avec le mandat de député, il dispose d’un délai de trente jours à compter de cette entrée en fonctions pour opter entre le maintien de cette fonction ou l’exercice du mandat parlementaire. Durant ce délai, il est réputé suspendu de la fonction exécutive locale, sans que cette suspension emporte vacance du poste. »
Article 2
Après l’article LO 176 du code électoral, il est inséré un article LO 176‑2 ainsi rédigé :
« Art. LO 176‑2. – En cas de cessation du mandat de député titulaire, le suppléant retrouve, de plein droit et sur sa demande, la fonction exécutive locale dont il était titulaire. »
Article 3
L’article LO 141 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l’application de l’article LO 176‑1 en ce qui concerne les députés suppléants appelés à remplacer un député titulaire. »
Article 4
Après l’article LO 176 du code électoral, il est inséré un article LO 176‑3 ainsi rédigé :
« Art. LO 176‑3. – Les dispositions prévues à l’article LO 176‑1 cessent de s’appliquer si le député suppléant exerce les fonctions de député titulaire pendant une durée continue supérieure à six mois. Au‑delà de ce délai, la réintégration de plein droit dans la fonction exécutive locale précédemment occupée n’est plus applicable, et toute réintégration a lieu sous réserve de l’accord de l’organe dans lequel le député suppléant exerçait ses fonctions. »
Article 5
Après l’article LO 176 du code électoral, il est inséré un article LO 176‑4 ainsi rédigé :
« Art. LO 176‑4. – Toute personne appelée à occuper, à titre temporaire ou définitif, le poste exécutif local rendu vacant par la titularisation d’un député suppléant est informée par écrit, préalablement à sa prise de fonctions, des dispositions prévues à l’article LO 176‑2 relatives au droit à réintégration du suppléant dans sa fonction locale en cas de cessation de son mandat parlementaire. Cette information précise la possibilité de retour du suppléant dans ses fonctions, sous réserve des conditions fixées par la présente loi. »
Article 6
Après l’article LO 176 du code électoral, il est inséré un article LO 176‑5 ainsi rédigé :
« Art. LO 176‑5. – Afin d’assurer une transition claire et sécurisée entre le mandat de suppléant et celui de député titulaire, les suppléants bénéficient d’un dispositif d’information et d’accompagnement spécifique, notamment sur les règles d’incompatibilité, les délais d’option et les conséquences sur leurs fonctions locales. Ce dispositif est assuré par le bureau de l’Assemblée nationale en lien avec les collectivités territoriales concernées. »
Article 7
Après l’article LO 176 du code électoral, il est inséré un article LO 176‑6 ainsi rédigé :
« Art. LO 176‑6. – Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’application des dispositions relatives au statut des députés suppléants, notamment sur le nombre de cas de réintégration dans les fonctions locales, les difficultés rencontrées et les propositions d’amélioration. »