N° 1792

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger les particuliers investissant dans les résidences services,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Corentin LE FUR, M. Patrick HETZEL, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Michel HERBILLON, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Véronique BESSE, M. Jean-Michel JACQUES, M. Sébastien MARTIN, M. Michel CASTELLANI, Mme Alexandra MARTIN, M. Laurent MAZAURY, M. Alexandre PORTIER, M. Ian BOUCARD, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Xavier BRETON,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Offrant un service à mi‑chemin entre le domicile et l’accueil en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les résidences services seniors connaissent un vif essor depuis plusieurs années. En 2026, notre pays devrait ainsi compter près de 1 600 établissements.

Cet engouement repose sur un cadre fiscal doublement avantageux qui incite les particuliers à faire l’acquisition d’un ou plusieurs logements meublés au sein de telles résidences.

Le premier avantage fiscal permet à l’investisseur de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée sur l’achat du bien immobilier (pour un achat à 200 000 euros, 40 000 euros sont ainsi « récupérés » par l’investisseur). Le second avantage fiscal assis sur la location en meublé non‑professionnel (LMNP) permet, lui, d’amortir ou de réduire l’imposition des revenus locatifs.

Si, de prime abord, ces investissements peuvent paraître avantageux, notamment pour la constitution d’un complément de revenus dans la perspective de la retraite, des effets pervers sont hélas à relever, et il arrive que l’investissement devienne un fardeau pour des ménages qui y ont parfois investi toute leur épargne, ou qui se sont lourdement endettés.

La faillite du groupe Réside Études, qui exploitait près de 80 résidences dans lesquelles ont investi près de 6 000 particuliers, illustre crûment les dérives du modèle actuel. Ces investisseurs, dont certains sont aujourd’hui privés de loyers et restent sans visibilité quant à un éventuel rachat du groupe, se trouvent en grande difficulté financière. Dans la majorité des cas, ils doivent continuer à rembourser leurs mensualités de crédit, sans percevoir le moindre revenu locatif. Cette situation provoque une détresse financière et psychologique profonde, pouvant conduire à la désintégration de certains foyers, voire à des cas de suicide.

Cet exemple très concret démontre à lui seul les limites d’un système présenté comme vertueux mais qui peut très vite mettre en très grande difficulté des particuliers qui ne sont ni des familiers des baux commerciaux, ni des spécialistes du droit fiscal. Face à l’absence de locataires, au retrait des exploitants ou à la baisse des loyers imposée par ces derniers, les particuliers investisseurs sont démunis.

Dans ces conditions, et afin d’éviter ces situations qui peuvent conduire à des drames, il convient de légiférer afin de mieux protéger les particuliers investissant dans les résidences services. Cela a été en partie fait, notamment via la loi ALUR de 2014, pour les investissements réalisés dans les résidences de tourisme. Il convient d’étendre ces dispositions à l’ensemble des résidences services, au premier rang desquelles figurent les résidences seniors.

C’est pourquoi, l’article unique de la présente proposition de loi vise :

– à étendre à toutes les résidences services la règle des baux d’une durée minimale de 9 ans sans possibilité de résiliation triennale. À l’heure actuelle, faute de législation équilibrée et protectrice, des propriétaires peuvent être forcés de réduire leurs loyers face à la menace d’exploitants qui pourraient leur donner congé. Cette disposition, qui s’applique déjà aux résidences de tourisme, permettra de rééquilibrer la relation entre l’exploitant d’une part et les propriétaires d’autre part.

– à rendre obligatoire la mention explicite du droit à l’indemnité d’éviction sur les documents de commercialisation diffusés aux acquéreurs de résidences services. Face aux abus, cette mention est indispensable afin qu’en fin de bail les propriétaires ne découvrent pas que la rupture de celui‑ci n’est possible qu’à condition de verser une indemnité d’éviction dont le montant peut s’avérer disproportionné, et même dépasser l’intégralité des loyers perçus sur toute la durée du bail.

– à étendre à toutes les résidences services le principe selon lequel les parties communes des résidences font l’objet d’une propriété indivise du syndicat des copropriétaires et ne peuvent par conséquent pas faire l’objet d’un lot distinct vendu à un copropriétaire. En l’état du droit, les promoteurs se réservent souvent la propriété des parties privatives à usage commun (accueil, cuisine, bureaux, salle à manger, espaces techniques…) quand ils ne les cèdent pas à une de leurs filiales. Dans ces conditions, ils peuvent réclamer aux propriétaires un loyer ou un prix de vente exorbitant, même dans le cas où la filiale d’exploitation a fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Afin d’éviter ce type de pratiques, il convient de faire de ces parties communes, indispensables au fonctionnement des résidences services, des propriétés indivises des syndicats de copropriétaires.

Ces trois mesures ont le mérite de la cohérence en ce qu’elles permettent d’harmoniser la législation qui régit les résidences services. Surtout, elles constituent une première étape vers un cadre plus juste et plus équilibré du droit qui régit les relations contractuelles entre les exploitants des résidences services d’une part et les particuliers propriétaires de logements d’autre part.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article unique

I. – À l’article L. 145‑7‑1 du code de commerce, après la seconde occurrence du mot : « tourisme », sont insérés les mots : « ou de résidences‑services telles que définies à l’article L. 613‑13 du code de la construction et de l’habitation ».

II. – À l’article L. 321‑3 du code du tourisme, après la première occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « ou dans des résidences‑services telles que définies à l’article L. 613‑13 du code de la construction et de l’habitation ».

III. – L’article 41‑1 de loi n° 65‑557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Les parties communes nécessaires pour assurer les services spécifiques mentionnés au premier alinéa ne peuvent faire l’objet d’un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l’objet d’une propriété indivise du syndicat des copropriétaires. »