N° 1801

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir le droit à une fin de vie sans souffrance,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe JUVIN,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Garantir à chaque personne une fin de vie digne, apaisée et conforme à sa volonté constitue une exigence éthique, un impératif de justice et un engagement profondément humaniste. Depuis deux décennies, notre législation a progressivement reconnu et affirmé des droits fondamentaux relatifs à la fin de vie : droit au refus de traitement, droit à l’arrêt de l’acharnement thérapeutique, droit à un accompagnement palliatif de qualité. Toutefois, l’application de ces droits demeure encore aujourd’hui trop souvent théorique, lacunaire et inégalitaire.

La douleur réfractaire - c’est‑à‑dire celle qui persiste malgré les traitements appropriés ‑représente une réalité insupportable pour un certain nombre de patients atteints de pathologies graves et incurables, en phase avancée ou terminale. Qu’elle soit physique ou psychique, cette souffrance génère une détresse majeure qui altère profondément la qualité de vie, porte atteinte à la dignité humaine et place les soignants dans une impasse clinique et morale.

Malgré les apports majeurs des lois du 22 avril 2005 et du 2 février 2016, qui ont permis d’encadrer la fin de vie en France, les témoignages recueillis sur le terrain, les rapports parlementaires successifs ainsi que les retours des professionnels de santé et des usagers du système de soins révèlent une série de dysfonctionnements : difficultés d’accès aux soins palliatifs, inégalités territoriales, méconnaissance des droits des patients, persistance de décisions médicales disproportionnées.

La présente proposition de loi part de ce constat : trop de situations d’obstination déraisonnable persistent encore aujourd’hui. Des traitements lourds, parfois invasifs, sont administrés sans bénéfice thérapeutique réel, prolongeant artificiellement une vie que la médecine ne peut plus accompagner de manière satisfaisante. Ces pratiques vont à l’encontre du principe fondamental du consentement éclairé et participent à une forme de maltraitance institutionnelle, contraire aux engagements de notre République.

Il est donc nécessaire d’aller plus loin. Cette proposition de loi vise à renforcer l’effectivité des droits reconnus aux patients en fin de vie, à clarifier les responsabilités médicales, et à garantir une réponse digne et humaine aux situations de souffrance extrême.

En inscrivant dans la loi une réponse claire et encadrée à ces situations limites, le texte proposé s’éloigne des oppositions idéologiques pour privilégier une approche fondée sur l’écoute, la responsabilité et la compassion. Il s’agit non de légaliser une forme de mort provoquée, mais de reconnaître que, dans certains cas, accompagner la fin de vie passe par le refus légitime de l’acharnement et par une prise en charge centrée sur le soulagement, le confort, et les souhaits du patient – y compris lorsque celui‑ci n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté.

Cette proposition de loi incarne une vision profondément française de la fin de vie, respectueuse des personnes, de leurs convictions et de leur droit à ne pas souffrir inutilement. Il ne s’agit pas d’accélérer la mort, mais de refuser de la retarder artificiellement lorsque plus aucun espoir médical n’est raisonnablement envisageable. Il réaffirme que l’humanité d’une société se mesure aussi à la manière dont elle accompagne ses membres dans leurs derniers instants, avec lucidité, délicatesse et dignité.

 


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proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 1110‑5‑2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110‑5‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110521. – Est considéré comme réfractaire tout symptôme dont la perception est jugée insupportable par la personne concernée et qui ne peut être soulagé par des traitements appropriés, mis en œuvre de manière rigoureuse. »

Article 2

L’article L. 1110‑5‑2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune fin de vie ne doit se dérouler dans la douleur. » 

Article 3

L’article L. 1110‑5‑2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où le pronostic vital est engagé à court terme et où la personne présente une souffrance réfractaire telle que définie à l’article L. 1110‑5‑2‑1, le médecin a l’obligation de mettre en œuvre, sans délai, tous les moyens thérapeutiques disponibles pour garantir le soulagement de cette souffrance, y compris lorsque ces moyens sont susceptibles d’altérer la conscience ou d’abréger la vie. »

Article 4

L’article L. 1110‑5‑2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La mise en œuvre des articles L. 1110‑5‑1, L. 1110‑5‑2, et L. 1111‑11 est soumise à une procédure collégiale et à des modalités pratiques fixées par voie réglementaire. La procédure collégiale doit prendre en compte la volonté du patient. Lorsqu’il n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, il convient de se référer à sa directive anticipée et sa personne de confiance. Toute décision est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches. »

Article 5

L’article L. 1110‑5‑3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne a le droit de ne pas subir une obstination déraisonnable, dans le respect de sa volonté et de sa dignité. Ce droit inclut la possibilité de recourir à une prise en charge palliative et de bénéficier, lorsque la situation le requiert, de soins exclusivement orientés vers le soulagement de la souffrance et l’accompagnement, sans recours à un maintien artificiel de la vie dépourvu de bénéfice thérapeutique. »

Article 6

Le deuxième alinéa de l’article L. 1110‑5‑1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Dans le cas où une sédation profonde et continue est réalisée, l’hydratation et l’alimentation peuvent être arrêtées si le patient l’a souhaité ou si elles sont source de souffrance. »