N° 1815
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à généraliser la carte vitale dématérialisée,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Thibault BAZIN, Mme Sylvie BONNET, M. Pierre CORDIER, Mme Sylvie DEZARNAUD, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Eric LIÉGEON, M. Jean-Didier BERGER, M. Laurent WAUQUIEZ, M. Nicolas FORISSIER, Mme Anne-Laure BLIN, M. Patrick HETZEL, M. Jean-Pierre TAITE, M. Thierry LIGER, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Fabrice BRUN, Mme Josiane CORNELOUP, M. Fabien DI FILIPPO, M. Michel HERBILLON, M. Jean-Yves BONY, M. Nicolas RAY, M. Hubert BRIGAND, Mme Virginie DUBY-MULLER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le Parlement a adopté une disposition (article 50) visant à généraliser la carte Vitale numérique à compter du 1er octobre 2025. Essentielle à la simplification des démarches administratives et à la lutte contre la fraude, elle précisait également les modalités de délivrance, de sécurisation et d’usage de cette carte par les professionnels de santé.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure, estimant qu’elle n’avait pas d’effets – ou trop indirects – sur les comptes de la sécurité sociale. Il est donc nécessaire de réintroduire cette réforme par une voie législative adéquate.
Depuis 1998, la carte Vitale a permis de moderniser la transmission des feuilles de soins, mais elle ne permet pas la vérification en temps réel des droits des assurés. Or, la fraude à l’assurance maladie est une réalité qui pèse lourdement sur nos finances publiques. Ce contexte appelle un renforcement des contrôles et la modernisation des dispositifs existants.
Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2023, la Cour des comptes examine les cas d’utilisation frauduleuse de la carte Vitale, qu’il s’agisse de son usage par l’assuré lui-même en dehors des conditions de prise en charge, ou par un tiers n’y ayant pas droit. Ce type de fraude est notamment facilité par la présence de cartes multiples au nom d’un même assuré. Si ce phénomène a considérablement diminué – le nombre de cartes surnuméraires étant passé de 2,4 millions en 2018 à seulement 1 000 en 2023 – la fiabilité du système reste perfectible. En outre, bien que les cartes inactives ne puissent être utilisées en officine, certains professionnels de santé peuvent encore les accepter comme justificatif de droits, sans vérification préalable. Cette pratique expose l’assurance maladie à un risque de fraude estimé à 6,6 millions d’euros.
La carte Vitale numérique (e-carte Vitale), expérimentée depuis 2019, constitue une réponse moderne à ces enjeux. En juin 2025, elle est disponible dans 46 départements, avec plus de 1,16 million de cartes créées. Son déploiement national est prévu pour l’automne 2025. Depuis peu, les assurés disposant de l’application France Identité peuvent obtenir une carte Vitale numérique immédiatement.
Le rapport IGAS–IGF (Inspection générale des affaires sociales – Inspection générale des finances) de mai 2023 a écarté l’hypothèse d’une carte Vitale biométrique, en raison d’un coût élevé (plus d’un milliard d’euros) et d’un risque juridique jugé disproportionné au regard du gain attendu. La nécessité de remplacer le stock de 58 millions de cartes en cours de validité, les besoins d’équipement en professionnels, ou encore la question de la conformité du cadre proposé aux dispositions du règlement général de protection des données (RGPD), sont autant de raisons complémentaires pour lesquelles cette option n’a pas été privilégiée.
L’article 1er de la présente proposition de loi vise donc à doter la carte Vitale numérique d’un fondement légal clair, stable et pérenne. Cette mesure permettra de garantir l’interopérabilité technique du dispositif, d’alléger les contraintes administratives pesant sur les professionnels de santé et sur les assurés et d’améliorer la détection des fraudes. La généralisation de la carte Vitale numérique, sans biométrie, représente un équilibre raisonnable entre efficacité, coût et acceptabilité.
Il convient de préciser que l’article 50 du PLFSS pour 2025 a été repris intégralement dans cet article unique, à l’exception de deux alinéas prévoyant une modulation de la rémunération des professionnels de santé selon qu’ils acceptent ou non l’utilisation de la carte vitale numérique. En effet, cette disposition serait susceptible de pousser les professionnels de santé à contraindre plus fortement le recours aux soins des publics précaires ou âgés, publics pour lesquels la dématérialisation ne sera pas sans poser à l’heure actuelle des difficultés relatives à leur culture numérique.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
I. – Le I de l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, après le mot : « immatériel, », sont insérés les mots : « est sécurisé et » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La délivrance de ce moyen d’identification électronique est subordonnée à la présentation d’une preuve d’identité. Lorsque le moyen d’identification électronique est immatériel, cette preuve peut notamment être apportée par le moyen d’identification électronique mis en œuvre par le ministère chargé de l’intérieur et par l’administration chargée d’assurer ou de faire assurer la mise en œuvre de moyens d’identification électronique associée à la délivrance et à la gestion des titres sécurisés. »
II. – Au plus tard le 1er octobre 2026, les organismes locaux d’assurance maladie mettent à la disposition des assurés qui leur sont rattachés le moyen d’identification électronique interrégimes immatériel mentionné à l’article L. 161‑31 du code de la sécurité sociale, sous la forme d’une application sécurisée à installer sur un équipement mobile.
Article 2
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.