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N° 1836
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
interdisant les décrets scélérats attentatoires à la santé publique,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Hadrien CLOUET, les membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire [(1)],
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
À l’approche de sa fin inéluctable, conséquence logique de la méconnaissance du résultat des élections législatives de 2024, le gouvernement Bayrou tente par tous les moyens d’imposer sa politique.
Pour cela, il multiplie les décrets d’application en en détournant le sens. De tels décrets sont sensés exécuter la volonté souveraine du législateur, mais servent à contourner le Parlement, sans parler de la Sécurité sociale qui devrait seule décider de la couverture santé dans le cadre d’une élection de ses instances. Les gouvernements minoritaires macronistes de M. Barnier puis de M. Bayrou ont recouru à des décrets pour soustraire 10 milliards d’euros à divers postes d’affectation budgétaires au printemps 2024, pour rallonger le temps de travail des ouvriers agricoles à l’été 2024, et pour s’attaquer aujourd’hui à la santé publique. Ce, par l’intermédiaire de deux décrets iniques : le premier commandité par le patronat pour augmenter les franchises médicales, le second commandité par le Rassemblement National pour démanteler l’aide médicale d’État.
Les franchises médicales et l’exclusion de populations non‑assurées sont une arme de destruction massive de la santé publique, que le Gouvernement manipule depuis 2022 selon l’obsession du moment. Or, avant de tomber le 8 septembre, François Bayrou entend bien faire les poches des usagers de la santé publique… alors que l’Assemblée nationale est largement hostile à cette politique.
Au‑delà de la composition du Parlement, le droit à la santé est un principe de notre République à valeur constitutionnelle. Il est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Toute politique de déprotection sanitaire méconnaît les objectifs même de la République française.
Le gouvernement quasi‑intérimaire entame ainsi un nouveau retour en arrière, renchérissant l’accès à la santé pour en priver les milieux populaires, dans la continuité de Mme Roselyne Bachelot en 2007 à M. Aurélien Rousseau en 2024 sur les franchises, des campagnes racistes du Rassemblement national et des Républicains sur l’aide médicale d’État. Pour cela, il faudra conduire un coup de force gouvernemental, puisque le conseil de la Caisse nationale d’assurance‑maladie est hostile à un tel décret, connaissant ses effets désastreux.
En premier lieu, le Gouvernement entend doubler les franchises sur les assurés. Il cible celle sur les boîtes de médicaments, qui passerait à 2 euros, ainsi que celle sur la consultation d’un médecin généraliste ou une analyse de biologie médicale, qui passerait à 4 euros, tandis que la participation à un transport sanitaire s’élèverait à 8 euros. Le plafond global annuel serait relevé d’autant.
Impôt de classe, les franchises consistent à dissuader les malades de se soigner, par un prix dissuasif. Avec un coût croissant, les patients qui ne peuvent ou ne veulent pas y consacrer plus doivent réduire leurs rendez‑vous médicaux ou leurs médicaments. Mais le système médical français impose des prescriptions, donc les médicaments remboursés ne sont accessibles qu’aux personnes… dont un professionnel a validé l’affection et dont un laboratoire pharmaceutique a obtenu un prix de vente souvent gonflé, faute de transparence sur sa composition.
En second lieu, le gouvernement compte suspendre la couverture de personnes en situation irrégulière, en réduisant le panier de soins accessibles, en expulsant du dispositif les individus munis d’un justificatif d’identité associatif et en conjugalisant le calcul des ressources, au risque de placer les étrangers sous le contrôle social de leur partenaire, notamment 85 000 femmes victimes de violences conjugales ainsi exclues du bénéfice de l’ aide médicale de l'État (AME).
Barrière raciste, la suppression de l’AME condamne à mort des individus sur notre sol, atteints de maladies graves, y compris des pathologies chroniques. Il s’agit de priver délibérément de soins, en dépit de nos capacités de traitement, une partie des résidents sans papiers appropriés. La France se rengorgeait de voir les athlètes étrangers aux Jeux Olympiques louer l’accessibilité aux soins ; mais voici qu’un gouvernement prépare l’étranglement de notre fierté nationale. D’autant que la protection sanitaire de toute la population sans exception est d’intérêt général : la condition d’efficacité d’une politique de santé publique est la couverture intégrale des habitants. Qui croit à la capacité des virus de vérifier la carte d’identité avant de se propager ? Les maladies infectieuses ne se préoccupent pas du statut administratif des malades ! Tout affaiblissement de l’AME revient à constituer des foyers épidémiques qui frappent tous les riverains.
Nombre de pays européens et nord‑américains réduisent la protection sanitaire des populations pour aboutir aux mêmes résultats partout : disqualifier les malades comme des profiteurs, les inviter à réduire leur niveau de soins et détériorer leur santé… ainsi que celle de leurs proches. Premièrement, car des patients précaires vont renoncer aux soins. Soit ils contamineront des proches ou des collègues, soit ils encourront un risque de développement grave d’une pathologie soignable, soit les deux à la fois. Et ce n’est pas l’exonération pour les bénéficiaires d’une couverture santé solidaire qui y changera quoique ce soit, puisqu’un tiers des ayant‑droit n’y recourent pas. Deuxièmement, car les patients tentent de changer les traitements pour en réduire le coût, au risque de consommer des substituts moins performants. Troisièmement, car on sait que la participation financière des assurés va avec un moindre degré d’observance des prescriptions, ramenées au statut de simple objet marchand, au risque d’aggravations ou de rechutes de la pathologie.
Au final, dérembourser les médicaments ou limiter l’AME suscite d’autres dépenses, par exemple en médecine de ville ou aux urgences, si l’état de santé se dégrade. Tout cela pour 1,5 milliard d’euros… alors que 211 milliards sont offerts sans condition aux entreprises. Un coup de rabot de 0,3 % sur les aides au capital suffirait à lever une somme équivalente à celle des franchises, 0,4 % pour financer intégralement l’AME !
Cette proposition de loi empêche donc un Gouvernement, a fortiori battu dans les urnes et donc illégitime, de retirer la protection sanitaire due à la population par voie réglementaire, sans vote des élus du peuple. Il impose d’en passer par le Parlement plutôt que par la voie réglementaire sur trois dispositifs.
Son article 1er interdit de moduler la participation financière des malades sans vote parlementaire.
Son article 2 interdit de modifier le périmètre de prise en charge de l’aide médicale d’État sans vote parlementaire.
Son article 3 maintient la conjugalisation de l’aide médicale d’État.
Son article 4 garantir la possibilité de prouver l’identité des bénéficiaires de l’aide médicale d’État par tous les moyens ordinaires.
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proposition de loi
Article 1er
Le dernier alinéa du III de l’article L. 160‑13 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , à l’exception des montants des franchises relatives à chaque prestation et produit de santé listé au même III qui doivent faire l’objet d’un vote devant le parlement ».
Article 2
Le 1° de l’article L. 251‑2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° La première phrase est supprimée ;
2° À la seconde phrase, les mots : « décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « la loi ».
Article 3
Au premier alinéa de l’article L. 251‑1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « ressources », il est inséré le mot : « personnelles ».
Article 4
Après l’article L. 252‑3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 252‑3‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 252‑3‑1. – L’identité du demandeur et ou des personnes à sa charge peut être prouvée par :
« a) Le passeport ;
« b) La carte nationale d’identité ;
« c) Un extrait d’acte de naissance ;
« d) Une copie du livret de famille ;
« e) Une copie d’un titre de séjour antérieurement détenu ;
« f) Tout autre document de nature à attester l’identité du demandeur et celle des personnes à sa charge. »
[(1)](1) Ce groupe est composé de : Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Aurélien LE COQ, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER.