N° 1838
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à généraliser le dispositif « Oui Pub » pour réduire le gaspillage des imprimés publicitaires non sollicités,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Sylvie DEZARNAUD, M. Jean-Carles GRELIER, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Pierrick COURBON, M. Sylvain BERRIOS, M. Nicolas FORISSIER, M. David HABIB, M. Emmanuel MAUREL, Mme Josiane CORNELOUP,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France produit environ 30 millions de tonnes de déchets par an, dont 5 millions de tonnes de déchets papier (Ademe, 2023), représentant un défi majeur pour la transition écologique et la lutte contre le gaspillage. Les imprimés publicitaires sans adresse (IPSA), distribués dans les boîtes aux lettres, constituent une part significative de ces déchets, avec 17,5 milliards d’imprimés distribués annuellement (soit 800 000 tonnes, selon le ministère de la Transition écologique, 2024). Ces prospectus, souvent non sollicités, encombrent les poubelles et mobilisent des ressources importantes (papier, énergie, collecte, traitement). Le dispositif « Oui Pub », expérimenté depuis 2022 dans 14 collectivités françaises, dont Grenoble‑Alpes Métropole, vise à inverser la logique de distribution : seuls les ménages affichant un autocollant « Oui Pub » sur leur boîte aux lettres reçoivent des IPSA, contrairement au dispositif « Stop Pub », qui exige une démarche active pour refuser les prospectus. L’expérimentation, issue d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat (2020), avait pour objectif d’évaluer les impacts sur le gaspillage de papier.
Le rapport d’évaluation d’octobre 2024 (Commissariat général au développement durable, CGDD) et l’évaluation socio‑économique de l’IGEDD confirment des résultats probants :
– Réduction des déchets papier : Une diminution moyenne de 48 % des tonnages collectés dans les territoires pilotes, avec jusqu’à 90 % de réduction des IPSA dans certaines collectivités comme Grenoble‑Alpes Métropole (2019‑2024).
– Soutien citoyen : 63 % des habitants interrogés sont favorables à une généralisation nationale, et seulement 1 % s’y oppose (CGDD, 2024).
– Adaptation économique : La grande distribution (90 % des volumes d’IPSA) s’est adaptée sans bouleversements majeurs, malgré des défis pour certains secteurs (papetiers, imprimeurs).
Malgré ces résultats positifs, le gouvernement a annoncé, par courrier du CGDD du 10 avril 2025, le retour au dispositif « Stop Pub » à compter du 1er mai 2025, sans concertation ni pérennisation dans les collectivités pilotes. Cette décision, jugée tardive et peu justifiée, suscite l’incompréhension des collectivités et des citoyens. Le CGDD évoque un « retour nuancé » de l’expérimentation et un manque de représentativité statistique des territoires pilotes, arguments contestés face aux données objectives et à la validation initiale des sites par l’État.
Ce retour en arrière compromet les efforts de réduction des déchets et la crédibilité des institutions publiques, alors que les collectivités ont investi trois ans dans l’expérimentation. Il ignore également l’attente citoyenne, exprimée via la Convention citoyenne, pour une solution durable contre le gaspillage. Par ailleurs, les difficultés économiques invoquées (papetiers, imprimeurs) ne peuvent être attribuées uniquement à « Oui Pub », car d’autres facteurs (Covid, inflation, hausse du prix du papier) ont influencé ces secteurs (IGEDD, 2024).
Cette proposition de loi vise à :
– Généraliser le dispositif « Oui Pub » à l’ensemble du territoire français pour réduire les déchets papier et répondre aux attentes citoyennes.
– Pérenniser le dispositif dans les collectivités volontaires, comme alternative si la généralisation n’est pas retenue.
– Accompagner les collectivités et les acteurs économiques pour garantir une transition équitable et efficace.
Cette proposition de loi s’inscrit dans les objectifs de la loi AGEC (Anti‑Gaspillage pour une Économie Circulaire, 2020) et du Pacte vert européen, qui visent une réduction de 50 % des déchets d’ici 2030. Elle renforce la transition écologique, soutient les collectivités locales, et répond à une demande citoyenne forte, tout en tenant compte des enjeux économiques.
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proposition de loi
TITRE Ier
GÉNÉRALISATION DU DISPOSITIF « OUI PUB »
Article 1er
À compter du 1er janvier 2026, le dispositif « Oui Pub » est généralisé sur l’ensemble du territoire français. La distribution d’imprimés publicitaires sans adresse est interdite dans les boîtes aux lettres ne portant pas un autocollant « Oui Pub », fourni gratuitement par les collectivités territoriales ou les services postaux.
Article 2
Les collectivités territoriales, en collaboration avec les services de distribution postale et les acteurs économiques, notamment les imprimeurs, les distributeurs et les annonceurs, mettent en œuvre le dispositif.
Le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche supervise l’évaluation des impacts du dispositif sur les déchets papier et les filières économiques.
Article 3
La distribution d’imprimés publicitaires sans adresse dans une boîte aux lettres sans autocollant « Oui Pub » est passible d’une amende de 150 euros par infraction, portée à 1 500 euros pour les récidives répétées, conformément à la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
TITRE II
PÉRENNISATION DANS LES COLLECTIVITÉS VOLONTAIRES
Article 4
À titre dérogatoire, les collectivités ayant participé à l’expérimentation « Oui Pub » (2022‑2025) ou toute autre collectivité volontaire peuvent maintenir ou adopter le dispositif après délibération de leur conseil.
Les collectivités informent le ministère chargé de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche avant le 30 juin 2026.
Le ministère chargé de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche fournit un accompagnement technique et financier, inclus dans le fonds prévu à l’article 2 de la présente loi, pour trois ans, entre 2026 et 2029.
Article 5
Une commission nationale, réunissant les collectivités territoriales, les annonceurs - grande distribution, papetiers, imprimeurs, distributeurs - et les associations environnementales, est créée sous l’égide du ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Cette commission évalue, d’ici le 31 décembre 2026, les impacts socio‑économiques et propose des aides pour les secteurs affectés, notamment la transition numérique pour les annonceurs.
TITRE III
ÉVALUATION ET SUIVI
Article 6
Le ministre chargé de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche remet un rapport annuel au Parlement sur :
1° La réduction des tonnages de déchets papier ;
2° L’adhésion citoyenne ;
3° Les impacts économiques sur les filières papetière, d’impression, et de distribution.
Un premier rapport est attendu pour le 31 décembre 2027.
Article 7
Dans les collectivités non volontaires, une expérimentation du dispositif « Oui Pub » peut être reconduite pour deux ans, entre 2026 et 2028, sur demande, pour évaluer sa faisabilité avant généralisation.
TITRE IV
DISPOSITIONS FINANCIÈRES
Article 8
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.