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N° 1846
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
relative à l’indemnisation des éleveurs impactés par l’abattage sanitaire de leur cheptel,
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Freddy SERTIN, M. David AMIEL, M. Antoine ARMAND, Mme Géraldine BANNIER, M. Olivier BECHT, M. Christophe BLANCHET, Mme Sylvie BONNET, M. Jean-Yves BONY, M. Éric BOTHOREL, M. Bertrand BOUYX, M. Xavier BRETON, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Eléonore CAROIT, M. Yannick CHENEVARD, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, M. François CORMIER-BOULIGEON, Mme Josiane CORNELOUP, M. Laurent CROIZIER, Mme Julie DELPECH, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, Mme Stella DUPONT, M. Philippe FAIT, M. Jean-Marie FIÉVET, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Bruno FUCHS, M. Jean-Luc FUGIT, M. François GERNIGON, M. Jean-Carles GRELIER, Mme Emmanuelle HOFFMAN, M. Jean-Michel JACQUES, M. François JOLIVET, Mme Brigitte KLINKERT, M. Philippe LATOMBE, M. Michel LAUZZANA, Mme Sandrine LE FEUR, Mme Christine LE NABOUR, M. Pascal LECAMP, M. Vincent LEDOUX, Mme Pauline LEVASSEUR, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Lise MAGNIER, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, Mme Laure MILLER, Mme Christelle PETEX, Mme Maud PETIT, Mme Natalia POUZYREFF, M. Nicolas RAY, Mme Véronique RIOTTON, Mme Anne-Sophie RONCERET, M. Jean-François ROUSSET, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Stéphane TRAVERT, Mme Annie VIDAL, Mme Corinne VIGNON, M. Lionel VUIBERT,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’agriculture française, pilier de notre souveraineté alimentaire et de notre économie, traverse depuis plusieurs années une intensification sans précédent des crises sanitaires.
Qu’il s’agisse de l’influenza aviaire, de la tuberculose bovine, de la fièvre catarrhale ovine (FCO), de la maladie hémorragique épizootique (MHE) ou encore de la sharka pour les productions arboricoles, elles épuisent les éleveurs et hypothèquent l’avenir de leurs exploitations. Mais ils vivent surtout le drame d’avoir à perdre l’intégralité de leur cheptel avec les abattages sanitaires obligatoires imposés par l’État.
Bien que la solidarité de l’État s’opère à leur égard avec le versement d’indemnités en contrepartie, il n’en demeure pas moins qu’elles sont fiscalisées, ce qui pèse lourdement sur leur trésorerie et les freine dans le redémarrage de leurs exploitations.
En effet, le dispositif actuel, prévu à l’article 75‑0 A du code général des impôts (CGI), permet certes d’étaler sur plusieurs années l’imposition des indemnités perçues, mais il s’avère insuffisant face à l’ampleur des crises et à la diversité des situations.
En particulier, dans le cas de la tuberculose bovine, les indemnités versées par l’État ne couvrent qu’une partie de la valeur marchande des animaux abattus, le solde étant compensé par la valorisation bouchère des animaux, elle‑même imposable. Or, cette somme, bien que perçue dans un contexte de crise, vient alourdir le résultat fiscal de l’exploitant, déjà fragilisé par la perte de son cheptel. L’absence de mesure d’atténuation fiscale pour ces sommes aggrave encore la précarité des éleveurs, qui se retrouvent imposés sur des revenus exceptionnels alors même qu’ils doivent reconstruire leur outil de production.
Compte tenu de ce contexte, il est urgent d’agir pour préserver la viabilité des exploitations agricoles et garantir la pérennité de nos filières d’élevage. La présente proposition de loi vise à apporter des solutions concrètes et immédiates, en s’appuyant sur deux mesures phares :
D’une part, l’exonération totale des indemnités perçues au titre des crises sanitaires, sous réserve d’un réinvestissement des sommes dans l’outil de production (reconstitution du cheptel ou des plantations). Cette mesure permettra de soulager la trésorerie des exploitants, souvent au bord de la cessation d’activité, et de leur redonner les moyens de réinvestir sereinement dans leur exploitation, sans supporter le poids de la fiscalité ;
D’autre part, l’extension du champ du dispositif d’étalement fiscal des revenus exceptionnels à l’ensemble des sommes perçues par l’éleveur pour compenser la valeur marchande des animaux abattus, y compris la valorisation bouchère. Cette mesure vise à éviter une imposition brutale et disproportionnée sur des revenus exceptionnels, en permettant un étalement de l’imposition sur plusieurs années.
Ces mesures s’inscrivent dans la continuité des dispositifs exceptionnels mis en place par le passé, notamment lors de la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) dans les années 2000. Elles illustreraient la volonté de l’État d’accompagner les éleveurs dans les épreuves qu’ils traversent, en reconnaissant la spécificité de leur situation et en leur offrant les moyens de se relever.
En exonérant les indemnités perçues et en étendant le dispositif d’étalement fiscal, cette proposition de loi entend ainsi :
Protéger les revenus des éleveurs en évitant une imposition excessive sur des sommes perçues dans un contexte de crise ;
Encourager le maintien des exploitations agricoles en facilitant leur redémarrage ;
Renforcer la résilience de nos filières d’élevage face aux aléas sanitaires ;
Affirmer le soutien de la Nation à ses agriculteurs, garants de notre sécurité alimentaire et de la vitalité de nos territoires.
Cette proposition de loi s’inscrit dans une logique de solidarité nationale et de reconnaissance du rôle essentiel joué par les agriculteurs dans notre économie et notre société. Elle vise à leur redonner les moyens de se relever, de réinvestir sereinement et de poursuivre leur mission au service de l’alimentation et de l’aménagement des territoires.
Pour toutes ces raisons, je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, d’adopter cette proposition de loi, gage de solidarité et de confiance envers ceux qui, chaque jour, nourrissent la France et garantissent notre souveraineté alimentaire.
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proposition de loi
Article 1er
Après l’article 72 B du code général des impôts, il est inséré un article 72 B bis A ainsi rédigé :
« Art. 72 B bis A. – L’indemnisation versée par l’État au titre de l’article L. 361‑3 du code rural et de la pêche maritime et utilisée pour reconstituer l’élevage dans les vingt‑quatre mois suivant la date de publication de l’arrêté préfectoral portant déclaration d’infection n’est pas assujettie à l’impôt. »
Article 2
I. – Le 4 du IV de la première sous‑section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le b du 2 de l’article 75‑0 A est complété par les mots : « ainsi que le montant correspondant à la valeur bouchère des animaux abattus » ;
2° L’article 75‑0 D est ainsi rétabli :
« Art. 75‑0 D. – I. – Sont exonérées d’impôt sur le revenu, les indemnités versées aux exploitants agricoles, soumis à un régime réel d’imposition, au titre des pertes économiques subies en raison de la survenance des évènements sanitaires suivants :
« a) Maladies animales pour les dangers visés au 1° du I et au II de l’article L. 201‑1 du code rural et de la pêche maritime ;
« b) Maladies animales réglementées visées à L. 221‑2 du même code ;
« c) Présence d’organismes nuisibles aux végétaux mentionnés à l’article L. 251‑3 dudit code ;
« d) Dommages causés aux animaux d’élevage ou aux ruchers qui pourraient être dus à une attaque de loup, d’ours ou de lynx.
II. – Cette exonération est acquise sous réserve que l’exploitant agricole s’engage à réinvestir l’intégralité desdites indemnités dans le renouvellement de son cheptel en cas d’abattage des animaux ou dans la reconstruction des plantations détruites.
III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.
IV. – Le bénéfice résultant du I est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture.
Article 3
L’article L. 221‑2 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d’indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur ordre de l’administration mentionnées au premier alinéa du présent article, sont exclues de tous les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature. »
Article 4
I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.