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N° 1847

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la traçabilité des financements publics accordés aux entreprises,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Eva SAS, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mme Christine ARRIGHI, Mme Clémentine AUTAIN, Mme Léa BALAGE EL MARIKY, Mme Lisa BELLUCO, M. Karim BEN CHEIKH, M. Benoît BITEAU, M. Arnaud BONNET, M. Nicolas BONNET, M. Alexis CORBIÈRE, M. Hendrik DAVI, M. Emmanuel DUPLESSY, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Damien GIRARD, M. Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, M. Tristan LAHAIS, M. Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mme Sabrina SEBAIHI, Mme Danielle SIMONNET, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, M. Boris TAVERNIER, M. Nicolas THIERRY, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Fabrice BARUSSEAU, M. Mickaël BOULOUX, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Denis FÉGNÉ, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Céline HERVIEU, Mme Karine LEBON, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Marcellin NADEAU, Mme Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon le rapport de la commission d’enquête sénatoriale du sénateur Fabien Gay sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous‑traitants, publié le 1er juillet 2025, le soutien financier total du secteur public aux entreprises a atteint 211 milliards d’euros en 2023. Ce montant inclut les subventions de l’État, les aides versées par Bpifrance, les dépenses fiscales, y compris celles dites « déclassées », ainsi que les allègements de cotisations sociales. À ce chiffre pourraient s’ajouter des estimations réalisées par des tiers, comme les aides versées par les régions, évaluées à 2 milliards d’euros selon Régions de France.

La volonté de préserver les emplois ou de favoriser la croissance économique a conduit la France à se doter d’un système très étendu d’aides aux entreprises, qualifié de dispositif « proliférant et incontrôlé », déjà dénoncé à l’Assemblée nationale en 1999 ! Les nombreux travaux sur la question portent sur l’efficacité de cette dépense publique et sur les dérives de certains groupes internationaux qui délocalisent ensuite leur production après avoir capté les aides publiques, démontrant ainsi que, si les conditionnalités sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes.

Si la Cour des comptes appelle dans sa note thématique intitulée « Garantir l’efficacité des aides de l’État aux entreprises pour faire face aux crises », publiée en juillet 2023, à un meilleur contrôle de cette dépense publique, notamment via la systématisation des outils de contrôle a priori, ce dispositif pourrait utilement être complété par un renforcement du dialogue social en ce qui concerne la traçabilité des financements publics au profit des entreprises.

En effet, le code du travail, dans sa partie réglementaire, prévoit aujourd’hui une consultation simple du comité social et économique (CSE) en son article R. 2312‑23 : « Le comité social et économique est informé et consulté après notification à l’entreprise de l’attribution directe, par une personne publique, de subventions, prêts ou avances remboursables dont le montant excède un seuil fixé par arrêté pris par les ministres chargés du travail, de l’économie, du budget et des collectivités territoriales. Cette disposition s’applique dans les mêmes conditions aux subventions, prêts et avances remboursables attribués dans le cadre de programmes ou fonds communautaires.

L’information et la consultation portent sur la nature de l’aide, son objet, son montant et les conditions de versement et d’emploi fixées, le cas échéant, par la personne publique attributrice.

Ces dispositions ne sont applicables ni aux financements mentionnés au premier alinéa qui sont attribués par les collectivités publiques aux établissements publics qui leur sont rattachés, ni aux subventions pour charges de service public attribuées par une collectivité publique. »

Dans un double objectif de renforcement du dialogue social et de meilleur contrôle de la traçabilité des financements publics aux entreprises, l’article 1er de la présente proposition de loi vise à consacrer le dispositif précité dans la partie législative du code du travail, en lui conférant un caractère d’ordre public, et non plus seulement dans sa partie réglementaire. Dès lors, aucun accord collectif ne pourra y déroger, ce qui en renforce la portée juridique.

À ce titre, il est prévu que le comité social et économique soit informé et consulté, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque l’entreprise bénéficie directement d’une subvention, d’un prêt ou d’une avance remboursable attribués par une personne publique. Cette disposition s’applique dans les mêmes conditions aux subventions, prêts et avances remboursables attribués dans le cadre de programmes ou fonds communautaires.

Et, afin de garantir une information et une consultation complètes des représentants des salariés, l’article 2 de la présente proposition de loi introduit également la possibilité pour le comité social et économique de recourir à un expert‑comptable ou à un expert habilité au sens du code du travail pour assurer la transparence et la traçabilité des financements publics.

Cette proposition de loi a été rédigée en collaboration avec la CGT (confédération générale du travail).

 


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proposition de loi

Article 1er

La sous‑section 4 de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 2312‑37 est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Attribution de financements publics. » ;

2° Le paragraphe 1er est complété par un sous‑paragraphe 7 ainsi rédigé :

« Sous‑paragraphe 7

« Attribution de financements publics aux entreprises

« Art. L. 2312541. – Le comité social et économique est informé et consulté après notification à l’entreprise de l’attribution directe, par une personne publique, de subventions, prêts ou avances remboursables dont le montant excède un seuil fixé par arrêté pris par les ministres chargés du travail, de l’économie, du budget et des collectivités territoriales. Cette disposition s’applique dans les mêmes conditions aux subventions, prêts et avances remboursables attribués dans le cadre de programmes ou fonds communautaires.

« L’information et la consultation portent sur la nature de l’aide, son objet, son montant et les conditions de versement et d’emploi fixées, le cas échéant, par la personne publique attributrice.

« Ces dispositions ne sont applicables ni aux financements mentionnés au premier alinéa qui sont attribués par les collectivités publiques aux établissements publics qui leur sont rattachés, ni aux subventions pour charges de service public attribuées par une collectivité publique. »

Article 2

Le I de l’article L. 2315‑92 du code du travail est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° En cas d’information et de consultation relatives à un financement public mentionnées à l’article L. 2312‑54‑1. ».