N° 1868
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à la création d’un défenseur des droits du logement social départemental,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Christelle D’INTORNI, M. Bernard CHAIX, M. Éric MICHOUX, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Frank GILETTI, M. Alexis JOLLY, M. Jérôme BUISSON, Mme Gisèle LELOUIS, M. Marc CHAVENT,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le logement social constitue depuis des décennies un pilier essentiel de la cohésion nationale et de l’égalité républicaine. En tant qu’héritier de la révolution industrielle et des grandes réformes sociales, il a permis, au cours du XXᵉ et du XXIᵉ siècle, à des millions de familles vivant sur le territoire français de bénéficier d’un toit digne et accessible financièrement.
Aujourd’hui, il reste encore un symbole de solidarité et un instrument majeur des politiques publiques du logement. Pourtant, la situation actuelle met en évidence des faiblesses structurelles et un besoin urgent de modernisation.
En outre, la crise du logement frappe durement notre pays. Selon le rapport 2025 de la Fondation pour le logement des défavorisés, près de 4,2 millions de personnes sont mal logées ou privées de logement, et plus de 2,3 millions de demandes de logements sociaux demeurent en attente. De plus, une part croissante de ces personnes émane de la classe moyenne qui ne trouve pas de possibilités de se loger convenablement sur le marché privé. Dans le même temps, les coûts de construction ont augmenté, les mises en chantier reculent et les loyers progressent bien plus vite que les revenus des ménages. De plus, le manque d’encadrement et de bonne gouvernance de ces logements mène à la précarité les habitants de ces logements. En 2024, c’est 30 % des ménages qui ont souffert du froid dans leur logement, contre seulement 14 % en 2020. Ces problèmes et tensions aggravent les inégalités territoriales et sociales, ils accentuent également le sentiment d’injustice. Dans ce cadre, les procédures actuelles de contrôle paraissent insuffisantes. Les règles d’attribution sont parfois appliquées de manière inéquitable et les voies de recours existantes manquent de clarté et d’efficacité. La trop forte concentration des pouvoirs dans les logements sociaux au niveau central a créé un manque de proximité et un sentiment continu d’éloignement de la puissance publique. Les locataires se sentent trop souvent démunis face à des décisions opaques, et les collectivités territoriales se trouvent insuffisamment associées à la gestion du parc social.
Dans ce contexte, les procédures actuelles de contrôle apparaissent insuffisantes. Les règles d’attribution sont parfois appliquées de manière inéquitable, l’information des demandeurs est lacunaire et les voies de recours existantes manquent de clarté et d’efficacité. La concentration des pouvoirs de contrôle au niveau central crée un déficit de proximité et un sentiment d’éloignement de la puissance publique. Trop souvent, les locataires se sentent démunis face à des décisions opaques, et les collectivités territoriales se trouvent insuffisamment associées à la gestion du parc social sur leur territoire.
La présente proposition de loi vise à remédier à ces lacunes en instituant, dans chaque département, un défenseur des droits du logement social. Cette nouvelle institution est indépendante et de proximité, elle aura pour mission de contrôler l’application des règles d’attribution, d’évaluer l’efficacité des bailleurs sociaux dans leurs missions d’intérêt général de garantir la préservation du parc existant. Elle sera dotée de véritables moyens d’action : pouvoir de visite, injonction aux bailleurs, consignation des loyers, réquisition temporaire des logements vacants. Les personnes pourront saisir directement le défenseur des droits du logement social départemental sans être inquiétées de quelconques représailles, assurant ainsi un recours effectif, juste et rapide. Au‑delà du contrôle, cette institution jouera également un rôle de régulation et de médiation en rapprochant les acteurs locaux et en favorisant la transparence, notamment via des rapports annuels.
Finalement, cette réforme répond à l’exigence de garantir le respect effectif du droit au logement social et de renforcer l’intégrité de la gestion d’un secteur qui mobilise des financements publics considérables. Elle contribuera également à restaurer la confiance des citoyens dans l’action publique et à protéger les classes moyennes ainsi que les plus vulnérables.
Un premier article consacre la création juridique du défenseur des droits du logement social départemental. La principale mission de cette institution sera de contrôler le parc immobilier des logements sociaux sur le territoire départemental.
Ensuite, un second article précise son domaine de compétences et, en particulier, les moyens du dit contrôle.
Un troisième article établit un rapport annuel du défenseur des droits du logement social départemental transmis aux collectivités concernées. Enfin un quatrième article entend protéger les lanceurs d’alerte au sein de ces logements sociaux.
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proposition de loi
Article 1er
Le titre IV du livre III du code de la construction et de l’habitation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Défenseur des droits du logement social départemental
« Art. L. 343‑1. – Le défenseur des droits du logement social départemental est une institution
départementale indépendante de l’État. Cette institution est chargée d’une mission de contrôle du logement social du département.
« Art. L. 343‑2. – Le défenseur des droits du logement social départemental est élu par la majorité des parlementaires du département. En cas d’égalité, la voix du doyen d’âge compte double. »
Article 2
Le titre IV du livre III code de la construction et de l’habitation est complété par deux articles L. 343‑3 et L. 343‑4 ainsi rédigés :
« Art. L. 343‑3. – Le défenseur des droits du logement social départemental est chargé de contrôler :
« 1° L’application des règles ouvrant droit à l’attribution d’un logement social ;
« 2° L’efficacité de l’ensemble des acteurs du secteur dans leur mission d’intérêt général ;
« 3° La préservation du parc immobilier par les bailleurs sociaux.
« Art. L. 343‑4. – Le défenseur des droits du logement social départemental est investi d’un pouvoir de visite des logements concernés par son contrôle ainsi que d’un pouvoir d’injonction auprès des bailleurs.
« Dans ce cadre, il peut consigner entre ses mains les loyers jusqu’à la bonne exécution des obligations susmentionnées et prononcer des astreintes financières afin de les liquider au profit des locataires à hauteur de leur préjudice.
« Il peut réquisitionner les logements non attribués aux fins de relogement des locataires lésés.
Le défenseur des droits peut être saisi directement par les locataires afin de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de contrôle du présent chapitre.
« Celui‑ci peut demander tous les documents, données ou justifications nécessaires à l’exercice des missions susmentionnées ».
Article 3
Le titre IV du livre III du code de la construction et de l’habitation est complété par un article L. 343‑5 ainsi rédigé :
« Art. L. 343‑5. – Le défenseur des droits du logement social départemental établit chaque année un rapport public rendant compte de son activité, des difficultés rencontrées ainsi que des recommandations formulées.
« Ce rapport est transmis au représentant de l’État dans le département, aux collectivités territoriales concernées et rendu accessible au public. »
Article 4
Le titre IV du livre III du code de la construction et de l’habitation est complété par un article L. 343‑6 ainsi rédigé :
« Art. L. 343‑6. – Aucune mesure discriminatoire, disciplinaire ou de licenciement ne peut être prise à l’encontre d’un locataire, d’un demandeur de logement social ou d’un salarié d’un bailleur social pour avoir, de bonne foi, saisi le défenseur des droits du logement social départemental ou communiqué des informations nécessaires à l’exercice de ses missions. »
Article 5
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.