N° 1871

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à défendre les propriétaires victimes d’impayés locatifs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Corentin LE FUR, Mme Josiane CORNELOUP, M. Julien DIVE, M. Fabien DI FILIPPO, M. Eric LIÉGEON, M. Ian BOUCARD, Mme Émilie BONNIVARD, M. Vincent JEANBRUN, M. Alexandre PORTIER, M. Nicolas RAY, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Sébastien MARTIN, M. Patrick HETZEL, M. Thibault BAZIN, M. Vincent ROLLAND, Mme Justine GRUET, M. Michel HERBILLON, M. Éric PAUGET, Mme Marie-Christine DALLOZ,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Majoritairement l’œuvre de ménages de la classe moyenne, l’investissement locatif pourtant essentiel, singulièrement en période de tension sur le marché immobilier, séduit moins faute d’un cadre suffisamment protecteur du droit des propriétaires vis‑à‑vis de leurs locataires. 

Le schéma est simple, des familles investissent dans la pierre, contractent un emprunt et se privent durant des années dans l’espoir de disposer un jour d’un complément de revenus à la retraite. Ce ne sont pas des spéculateurs, mais des Français précautionneux qui ont fait le choix de sécuriser leur avenir en achetant un logement afin de le mettre en location. 

Or trop d’entre eux se retrouvent aujourd’hui pris au piège. Faute d’un cadre juridique suffisamment protecteur, certains d’entre eux deviennent les victimes de locataires mauvais payeurs qui profitent des lenteurs administratives et de la complexité de la législation pour ne pas honorer leurs loyers. Ces Français qui ont souvent dû renoncer à certaines dépenses pour investir dans un achat immobilier se trouvent alors contraints de rembourser leur prêt, de payer les charges et la taxe foncière du bien acquis, alors même qu’ils ne perçoivent plus de loyers. 

À cette perte s’ajoute parfois la dégradation du bien avec des logements restitués dans un état déplorable après des mois, voire des années, d’occupation gratuite. Le coût des réparations, ajouté aux loyers impayés, se chiffre alors en milliers, parfois en dizaines de milliers d’euros, souvent perdus de façon irréversible. Ces propriétaires sont totalement démunis, contraints d’engager des procédures longues et coûteuses, dont l’issue intervient souvent trop tard.

Par peur des mauvais payeurs ou des locataires irrespectueux, nombre de propriétaires renoncent donc à la location longue durée, préférant louer leur logement via des plateformes de type Airbnb, voire le laisser vacant. En ne protégeant pas suffisamment les bailleurs, la législation actuelle contribue à réduire l’offre locative et à aggraver la crise du logement, alors même que le marché est déjà fortement tendu.

En l’état du droit, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et l’article L. 411‑1 du code des procédures civiles d’exécution imposent qu’aucun bail ne puisse être résilié et qu’aucune expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne puisse intervenir sans décision de justice. Même en présence d’une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement, le juge conserve en effet la faculté d’accorder des délais et de suspendre les effets de ladite clause. Si la loi du 27 juillet 2023, dite « loi anti‑squat », a réduit certains délais, elle n’a toutefois pas changé la donne de manière significative. Les expulsions demeurent trop lentes, trop incertaines, et interviennent trop tardivement faute de concours rapide de la force publique.

Il convient d’accélérer la procédure. Nos compatriotes ne comprennent pas qu’il faille parfois plusieurs années pour expulser un occupant qui ne paie pas et qui détériore un logement, alors qu’en parallèle des familles de bonne foi cherchent un toit et n’en trouvent pas en raison de la tension sur le marché locatif. 

La présente proposition de loi vise donc à rétablir l’équilibre entre bailleurs et locataires en accélérant la procédure d’expulsion en cas d’impayés. 

Elle modifie tout d’abord l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 afin de ramener de six semaines à trois semaines le délai laissé au locataire pour régulariser sa dette. Elle précise ensuite que l’octroi de délais judiciaires par le juge n’est possible qu’en cas de bonne foi manifeste du locataire. Elle complète par ailleurs le code des procédures civiles d’exécution en créant une procédure spécifique devant le juge des contentieux de la protection, qui devra statuer dans un délai maximal de trente jours. Enfin, elle modifie l’article L. 153‑1 du même code pour imposer à l’État de statuer dans un délai d’un mois sur toute demande de concours de la force publique.

Ces mesures simples visent à alléger les procédures et à fluidifier le marché locatif au profit des locataires de bonne foi tout en envoyant un message clair : la loi n’a pas vocation à servir de refuge aux mauvais payeurs, mais à protéger les honnêtes gens qui respectent leurs engagements contractuels.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article 24 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa du I, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° Au 1° du même I, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;

3° Le V est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge ne peut accorder de délais et suspendre les effets de la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de bail d’habitation pour défaut de paiement mentionnée au I qu’en cas de bonne foi manifeste du locataire, appréciée notamment au regard de la reprise intégrale du paiement du loyer courant. »

Article 2

Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code des procédures civiles d’exécution est complété par un article L. 411‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4112.  Lorsque l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité est demandée en raison d’impayés de loyers ou de charges constatés par un commandement demeuré infructueux au sens de l’article 24 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989, l’affaire est portée devant le juge des contentieux de la protection, qui statue dans un délai maximal de trente jours à compter de sa saisine.

« La décision ordonnant l’expulsion est assortie de l’exécution provisoire de droit, nonobstant appel. »

Article 3

L’article L. 153‑1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une décision de justice ordonne l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité, l’État statue sur la demande de concours de la force publique dans un délai maximal d’un mois à compter de sa réception. À défaut de réponse dans ce délai, le concours est réputé accordé. »