N° 1872

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger les particuliers contre les fraudes aux virements bancaires en facilitant la procédure de retour de fonds,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Corentin LE FUR, Mme Josiane CORNELOUP, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Éric PAUGET, M. Fabrice BRUN, Mme Émilie BONNIVARD, M. Vincent JEANBRUN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, M. Eric LIÉGEON, M. Alexandre PORTIER, M. Jean-Pierre TAITE, M. Xavier BRETON, M. Sébastien MARTIN, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Patrick HETZEL, M. Vincent ROLLAND, Mme Justine GRUET, M. Michel HERBILLON, M. Guillaume LEPERS, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Nicolas FORISSIER, M. Vincent DESCOEUR,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, trop nombreux sont les Français qui subissent des escroqueries aux virements bancaires. Ces escroqueries ne sont pas anecdotiques. Pour les victimes, elles sont synonymes de pertes sèches de centaines voire de milliers d’euros. Parfois, elles ont des conséquences majeures avec des retraités qui voient disparaître les économies d’une vie, des familles qui doivent faire face à un découvert, des jeunes actifs qui perdent l’apport qu’ils avaient, à force de sacrifices, constitué dans l’optique d’un achat important… 

Pour la seule année 2024, la Banque de France a estimé à plus de 584 millions d’euros le préjudice global des fraudes aux moyens de paiement. Parmi elles, la fraude au virement représente désormais plus de la moitié des cas recensés. Cette fraude progresse fortement et devient l’un des outils privilégiés des escrocs. Selon cybermalveillance.gouv.fr, les signalements liés aux fraudes au faux RIB, qui consistent à piéger un particulier en lui faisant virer son argent vers un compte frauduleux, ont bondi de plus de 600 % en 2024 par rapport à 2023.

La raison de ce triste essor réside en grande partie dans la sophistication toujours plus grande des techniques utilisées par des imposteurs, désormais capables d’imiter à la perfection les communications des établissements bancaires ou d’autres organismes de confiance. Face à ces nouvelles techniques, personne n’est à l’abri ni d’ailleurs épargné par ces fraudes, des personnes âgées éloignées des outils numériques comme des jeunes pourtant rompus à l’usage de ceux‑ci en sont victimes, souvent ciblés par des appels téléphoniques, des courriels frauduleux ou des fausses annonces publiées sur des plateformes de vente ou de location en ligne.

En l’état du droit, tout virement effectué est irrévocable, et si une procédure dite de retour de fonds existe techniquement, elle n’a cependant aucune valeur contraignante et repose uniquement sur le consentement du bénéficiaire ou de sa banque. Dans l’immense majorité des cas, les victimes restent donc démunies et voient leurs fonds définitivement perdus, sans recours possible. En somme, les escrocs se servent impunément dans les bas de laine que nos compatriotes ont mis des années à constituer. 

Si la procédure de retour de fonds est contraignante pour les établissements bancaires, elle est néanmoins indispensable pour les particuliers victimes d’escroqueries aux virements bancaires. Car si la technologie ouvre le champ des possibles et facilite des actes courants comme les virements bancaires, elle crée aussi des brèches dans lesquelles les escrocs savent s’engouffrer. Dans ces conditions, il revient au législateur, sinon de les combler totalement, du moins de les réduire autant que possible. Car la sécurité ne se limite plus aujourd’hui à la protection physique dans l’espace public, elle s’étend aussi au monde numérique, où certaines fonctionnalités détournées deviennent des armes entre les mains des voyous.

Un tel état de fait n’est plus tenable. Il convient donc de faciliter la procédure de retour de fonds. À une époque où l’on encourage les particuliers à privilégier les paiements dématérialisés, l’instauration de ce filet de sécurité devient incontournable.

La présente proposition de loi introduit une exception au principe d’irrévocabilité du virement en cas de fraude caractérisée. La demande de retour de fonds devra être formulée dans un délai de quarante‑huit heures suivant l’exécution du virement. En pratique, cela signifie que lorsqu’une victime alerte sa banque dans les quarante‑huit heures, celle‑ci devra immédiatement déclencher la procédure de retour de fonds. La banque du bénéficiaire aura alors l’obligation de bloquer provisoirement l’argent suspect, le temps de vérifier la fraude. Si celle‑ci est confirmée, les fonds seront restitués à la victime. Pour s’assurer que cette règle soit respectée partout, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui est le gendarme des banques, sera chargée de veiller à son application et pourra sanctionner les établissements qui ne joueraient pas le jeu.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 133‑8 du code monétaire et financier est ainsi complété par un V ainsi rédigé : 

« V. – Par dérogation aux dispositions des I à IV, l’utilisateur de services de paiement peut, en cas d’erreur manifeste ou de fraude caractérisée, demander à son prestataire de services de paiement l’initiation d’une procédure de retour de fonds. Cette demande doit être formulée dans un délai maximum de quarante‑huit heures suivant l’exécution du virement. Elle suspend la disponibilité des fonds sur le compte du bénéficiaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2 

Après l’article L. 133‑23 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133‑23‑1‑1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 1332311. – I. – Le prestataire de services de paiement du donneur d’ordre est tenu de transmettre sans délai la demande de retour de fonds au prestataire de services de paiement du bénéficiaire. 

« II. – Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est tenu de bloquer provisoirement les fonds correspondant au virement contesté, dans l’attente de la résolution de la procédure. 

« III. – En cas de constat de fraude ou d’erreur manifeste, le montant du virement est restitué au donneur d’ordre. 

« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’instruction de la demande, les délais applicables ainsi que les voies de recours ouvertes aux parties. » 

Article 3 

Après l’article L. 612‑39 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 612‑39‑1 ainsi rédigé :

 » Art. L. 612391. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille au respect par les prestataires de services de paiement des obligations prévues aux articles L. 133‑8 et L. 133‑23‑1‑1. Elle peut, en cas de manquement, prononcer les sanctions prévues à l’article L. 612‑40. » 

Article 4

Les conditions d’application de la présente loi sont précisées par décret en Conseil d’État.